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ture. Je serai, s'il plaît à Dieu, samedi prochain à Paris pour très-peu de jours, mais assez pour donner les ordres qu'il faudra ; et de là je vous écrirai plus amplement. Je suis, Monsieur, à vous comme à moi-même.

A Meaux, ce 11 novembre 1687.

LETTRE CXLIII.

AU MÊME.

Il témoigne à M. de Rancé qu'il trouve à propos que le Commentaire de cet abbé sur la Règle de saint Benoît, paroisse avec les approbations ordinaires, plutôt qu'avec la sienne.

EN partant pour m'en retourner dans mon diocèse, je suis bien aise de vous dire que je n'ai aucune nouvelle ni des diligences de ce Père de Fontevrault auprès de M. Courcier, ni de la lettre que j'ai écrite à ce docteur. Tout ce que je vous puis dire, Monsieur, c'est qu'il est à propos, pour des raisons qui assurément ne me regardent pas, que le commentaire paroisse plutôt avec les approbations ordinaires qu'avec la mienne.

Je ne crois pas qu'il y ait rien de solide dans les bruits qui ont couru, si ce n'est peut-être quelque mécontentement par rapport à madame de Guise (1).

(1) L'abbé de la Trappe étoit en grande relation avec cette dame, et il composa pour elle un écrit qui fut publié à l'insu de cet abbé en 1697, sous le titre de Conduite chrétienne, adressée à Son Altesse Royale madame de Guise.

J'ai dit ce que je devois sur ce sujet-là, partout où j'ai cru le devoir faire. Au surplus, je vous supplie de ne pas douter que je ne sois affectionné à la Trappe, comme seroit un de vos religieux; et à vous, comme à un ami cordial, et à un homme que je crois à Dieu, et en qui je crois que Dieu est.

A Paris, ce 4 décembre 1687.

AVERTISSEMENT

SUR LES PIÈCES SUIVANTES (1).

le

UNE personne ayant fait depuis peu, en bonne compagnie, la lecture d'une lettre, où on lui apprenoit que ministre Jurieu traitoit de paradoxe cette proposition de l'auteur de la Recherche de la vérité (2), que « Jésus» Christ supplée ou ajoute par ses satisfactions ce qui » manque à la satisfaction que les damnés font à la justice » divine pour leurs péchés »; chacun prit parti diversement, les uns pour l'hérétique et les autres pour le catholique.

Un de ceux-ci (3) s'apercevant qu'on prenoit cette proposition en des sens outrés, fort éloignés de l'esprit de son auteur, crut que pour la faire recevoir plus agréablement, il n'y avoit qu'à la proposer avec un peu plus d'étendue, et à la prouver par un seul raisonnement.

En effet, il arriva que cette proposition raisonnée ramena un peu les esprits de ceux qui en étoient les plus éloignés. Cependant un de ceux-ci persistant à la combattre, on prit le parti de l'envoyer à M. l'Evêque de Meaux, et de lui en demander son sentiment. La voici donc telle qu'elle lui fut envoyée.

(1) Cet avertissement, qui se trouve à la tête des Pièces que nous allons donner, paroît être de dom Lami.

(2) Le père Malebranche, prêtre de l'Oratoire.

(3) Dom François Lami, Bénédictin de la congrégation de SaintMaur.

PROPOSITION.

Qu'on peut dire que la satisfaction que Jésus-Christ fait par ses souffrances à la justice divine, supplée à la satisfaction que les damnés lui font pour leurs péchés.

personnes

la

LORSQUE deux font satisfaction pour la même injure, et que la satisfaction de l'un, insuffisante par elle-même, devient très-suffisante jointe à la satisfaction de l'autre, il est vrai de dire que satisfaction de l'un supplée à celle de l'autre. Or Jésus-Christ et les damnés font par leurs souffrances, quoique bien différemment, satisfaction à la justice divine pour les péchés des damnés; et la satisfaction des damnés, d'elle-même insuffisante, devient trèssuffisante jointe à la satisfaction de Jésus-Christ. Il est donc vrai de dire que la satisfaction que JésusChrist fait par ses souffrances à la justice divine supplée à la satisfaction que les damnés lui font pour leurs péchés.

Cette proposition raisonnée ayant été envoyée par son auteur à M. de Meaux, ce prélat lui répondit par les observations suivantes.

OBSERVATIONS

DE M. L'ÉVÊQUE DE MEAUX,

SUR LA PROPOSITION RAISONNÉE.

La satisfaction de Jésus-Christ peut être considérée quant à la suffisance du prix, quant à l'intention

de Jésus-Christ, quant à l'application. Quant à la suffisance, tout y est compris : quant à l'intention, elle n'a été que pour les hommes : quant à l'application, elle n'est que pour les justes.

A proprement parler, les damnés ne satisfont pas; mais Dieu satisfait lui-même à sa justice en les punissant en toute rigueur. Je ne crois point que Jésus-Christ satisfasse pour les démons, ni que de sa satisfaction et de celle des damnés il s'en fasse une seule et même satisfaction. La satisfaction de Jésus-Christ est infinie, capable d'anéantir l'enfer et de sauver tous les damnés, si elle leur étoit appliquée. Il ne la faut donc pas regarder comme suppléant à celle des damnés; mais comme parfaite en tout point en elle-même.

Il semble pourtant que l'on veuille dire que la satisfaction de Jésus-Christ demande, pour être suffisante, d'être jointe à celle des damnés. Que si l'on yeut dire que c'est la satisfaction des damnés qu'on regarde comme insuffisante, je réponds qu'on ne doit pas dire qu'elle devienne suffisante par la satisfaction de Jésus-Christ, puisqu'elle ne leur est pas appliquée. Les satisfactions que nous faisons à Dieu, insuffisantes par elles-mêmes, deviennent suffisantes avec celle de Jésus-Christ qui nous est appliquée. Ainsi la satisfaction de Jésus-Christ est le supplément de la nôtre : mais je ne connois rien de semblable dans les damnés.

Je conclus donc premièrement qu'en prenant les damnés, y compris les diables, Jésus-Christ ne satisfait pas pour eux secondement, qu'en prenant lesdamnés pour les hommes, Jésus-Christ ne sup

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