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droit sur la personne du coupable (23). Donc tout ce qu'on dit ici de l'ordre, ne se peut point entendre d'un ordre absolu et essentiel; et il est du genre des choses que Dieu peut faire et ne faire pas, selon les diverses fins qu'il se sera proposées.

Sur la cinquième proposition : « La grandeur du » péché est infinie »; et sur la preuve qui en est tirée du second axiome, je l'admets avec la restriction que j'ai apportée à cet axiome.

Sur l'éclaircissement où il est dit que « le péché » est un néant infiniment opposé à Dieu, et que >> l'homme, quoiqu'incapable, de l'infini qui vient » de l'être, ne l'est pas de l'infini qui vient du » néant » ; j'admets la distinction, en remarquant seulement que le péché est un néant à la vérité; mais un néant dans un sujet qui, lorsqu'il péche, a un objet et une manière d'y tendre: et nous verrons tantôt quelle, conséquence on tire de cette vérité.

Sur la sixième proposition: « Dieu ne peut pas se » dispenser de punir le péché d'une peine infinie, » ou du moins selon la capacité de souffrir qui se » trouve dans le coupable >>>.: je dis que cette proposition, qui dépend nécessairement de la quatrième, ne subsiste plus après que la quatrième est elle-même détruite (24); et je dis encore que, tant

(23) Il ne peut pas se dispenser de prendre l'un des deux partis: l'ordre l'exige, et cet ordre n'est nullement arbitraire et ainsi la conséquence qui suit est encore parfaitement nulle.

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(24) Comme la quatrième proposition n'a pas souffert le moindre petit effort, ainsi qu'il paroît par les remar

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la quatrième proposition que celle-ci, en prenant comme l'on fait dans toutes les deux la peine du péché pour la souffrance, enferme une contradiction manifeste dans l'alternative qu'on met, en disant que « Dieu doit punir le péclié ou infiniment, ou » du moins selon toute la capacité du sujet » : car ou le principe ne conclut rien, ou il conclut absolument pour l'infinité sans l'alternative (25). On n'a osé dire néanmoins que Dieu doit punir le péché infiniment (26), parce qu'on sait que le pécheur n'est pas capable d'une souffrance infinie, et que la justice ne permet pas qu'on lui demande plus qu'il ne peut avoir. Il a donc fallu apporter l'alternative (27), de le punir du moins selon toute sa capacité. Mais cette' alternative n'est pas moins impossible que l'autre (28);

ques précédentes, il est aisé de juger que la sixième ne se porte pas mal; puisqu'elle dépend de la quatrième. (25) Le principe, par lui-même, et considéré en général, conclut pour l'infinité mais comme l'application ne peut s'en faire que sur une créature en particulier, et que toute créature est finie, il conclut nécessairement pour toute la souffrance dont la créature est capable.

(26) C'est une retenue bien forcée que celle-là, et dont l'auteur ne se fait guère d'honneur. Il faudroit être bien extravagant pour oser dire qu'il y a dix mille écus dans une bourse, où l'on sait qu'il n'y en a pas mille.

(27) Assurément cette nécessité n'a rien eu de fâcheux pour l'auteur.

(28) On ne sait pas de quelle autre alternative on veut parler en cet endroit (*).

(*) Bossuet veut parler d'une peine du péché actuellement infinie, dont il s'agit dans le premier membre de la sixième proposition qu'il réfute.

puisque Dieu ne pouvant jamais épuiser sa puissance, il peut toujours faire souffrir le pécheur de plus en plus jusqu'à l'infini (29). Donc il n'est pas possible qu'il le punisse selon toute sa capacité : et ainsi cette alternative est autant impossible que la première, et l'on retombe dans l'absurdité

avoit voulu éviter.

que l'on

Sur la septième proposition : « Le péché n'est » puni dans les hommes damnés, ni infiniment, ni » selon toute la capacité qu'ils ont de souffrir ». L'auteur tombe ici dans une erreur manifeste (30), faute d'avoir pris garde que la difformité du péché se tire de deux endroits : l'une du côté de Dieu, dont elle nous prive; l'autre du côté de son objet, qu'on appelle spécificatif, et de la manière de s'y

(29) Si ce n'est pas là une contradiction, on n'entend rien à tout ceci. On vient de dire que la capacité du pécheur est finie, qu'il ne peut pas souffrir à l'infini; et l'on ajoute ici que « Dieu le peut faire souffrir jusqu'à » l'infini » pouvoir souffrir à l'infini et ne pouvoir souffrir à l'infini, rien peut-il se contredire plus formellement (*). Il faut donc dire que quoique la puissance de Dieu soit infinie, elle se trouve quelquefois bornée dans ses effets, par les limites du sujet sur lequel elle agit. En voilà assez pour juger de la justesse des deux conséquences qui suivent ici, dont la première fait encore une évidente contradiction avec ce qui a été dit de la capacité finie du pécheur.

(30) Cela effraie d'abord; mais il faut suspendre son jugement.

(*) Bossuet n'a pas dit que le pécheur ne peut souffrir à l'infini; mais qu'il n'est pas capable d'une souffrance actuellement infinie; ce qui est bien différent.

porter (31). C'est dans le premier égard qu'il est infini; et à cet égard aussi il est puni infiniment : car l'auteur a mis l'infinité du péché dans son infini néant. Le pécheur sera donc de ce côté puni infiniment, si on le laisse dans ce néant infini, et qu'on le prive éternellement et nécessairement de Dieu, dont il s'est privé volontairement. Mais du côté de l'objet spécificatif, et de la manière de s'y porter, il n'est point vrai que le péché ait une difformité infinie; autrement tous les péchés seroient égaux (32) : et il n'est point vrai par conséquent que Dieu le doive punir infiniment à cet égard; autrement Dieu seroit injuste, en punissant les péchés également : d'où il s'ensuit encore que l'auteur se trompe, en disant que Dieu doit punir le péché par une souffrance infinie, ou du moins par une souffrance qui

(31) On se rassure en cet endroit car enfin toute l'erreur ne seroit donc que de n'avoir pas pris garde à cet objet spécificatif; erreur qui assurément ne seroit pas contre la foi. Mais d'où sait-on qu'il n'y a pas pris garde? C'est qu'il n'a parlé que de l'énormité qui se tire de la dignité de la personne. Quelle conséquence! Si cette seule énormité lui suffisoit, a-t-il dû parler d'une seconde? si de cette seule difformité, il pouvoit inférer la nécessité d'une peine infinie, a-t-il été obligé d'en chercher encore une seconde? Mais enfin qu'on en cherche tant qu'on voudra, plus l'on en trouvera, plus le péché méritera d'être puni; et par conséquent plus l'auteur aura ce qu'il prétend.

(32) On ne voit pas. la raison de cette conséquence; car entre deux infinis il peut y avoir une fort grande inégalité. Entre une infinité d'hommes et l'infinité des cheveux de ces hommes, il y a une extrême différence.

égale la capacité du sujet : car l'infinité du péché, comme néant, est suffisamment punie par la perte du bien infini qui est Dieu et pour ce qui est de l'autre partie de son énormité, ni on ne la doit punir par une peine infinie, puisque en ce sens elle n'a point d'infinité; ni on ne la doit punir selon la capacité, mais selon l'indignité du sujet.

A la forme, je réponds donc que du côté que le péché est infini, il est aussi puni infiniment (33); et du côté qu'il est fini, il est vrai qu'il n'est pas puni infiniment, ni même selon toute la capacité du sujet; parce qu'il ne le doit pas être, et que ce n'est pas la capacité, mais l'indignité du sujet qui est la règle de la peine.

Je tourne ma réponse en démonstration contre l'auteur, en cette sorte: Celui qui peut punir le péché dans le pécheur même, selon tout ce qu'il a de malice, en peut tirer une parfaite satisfaction : or est-il que Dieu peut punir le péché dans le pécheur même selon tout ce qu'il a de malice, en le punissant du côté qu'il est infini, par la soustraction du bien infini qui est lui-même; et du côté qu'il est fini, par divers degrés de souffrances proportionnées

(33) Si du côté que le péché est infini il est puni infiniment, pourquoi l'auteur, qui le regarde principalement de ce côté-là, se trompe-t-il, en disant que Dieu doit punir le péché par une souffrance infinie? Est-ce que Dieu punit le péché plus qu'il ne doit? Il est malaisé de sauver ceci de contradiction; à moins qu'on ne prétende qu'être puni infiniment, c'est ne rien souffrir. Ce seroit certes une étrange punition.

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