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LETTRE CLVIII.

AU MÊME.

Sur les égaremens du ministre Jurieu, l'exemption de Jouarre, et un nouveau Commentaire de la Règle de saint Benoît, par un Bénédictin.

J'ESPÈRE, Monsieur, que cette année ne se passera pas comme l'autre, sans que j'aie la consolation de vous voir. Je jouis en attendant de votre présence, en quelque façon par vos lettres; et je profite d'ailleurs de la communication de vos prières, dont vous avez la bonté de m'assurer.

Il est vrai que l'égarement du ministre Jurieu va jusqu'au prodige. J'ai cru que Dieu ne le permettoit pas en vain, et qu'il vouloit qu'on le relevât. Il fera dans son temps tout ce qu'il voudra de ce qu'il inspire. On vous envoie le troisième Avertissement : le quatrième est retardé par la poursuite d'un procès que j'ai entrepris, ou plutôt que j'ai à soutenir au parlement, pour ôter, si je puis, de la maison de Dieu le scandale de l'exemption de Jouarre, qui m'a toujours paru un monstre.

Je ne vous parlerois point du Commentaire latin de la Règle de saint Benoît (1) des Bénédictins, n'étoit qu'en me disant qu'ils vous l'avoient envoyé, ils m'ont dit en même temps qu'on y attaquoit le père Mege, et qu'on y défendoit vos saintes maximes et vos saintes pratiques. Je n'en sais encore rien ;

(1) Dom Edmond Martène, qui a donné au public un grand nombre d'ouvrages, est auteur de ce savant Commentaire.

car je ne l'ai pas vu, et je crains de n'avoir pas sitôt le temps de le voir. C'est un gros ouvrage, qui sans doute sera fort savant. Je souhaite que la piété l'ait inspiré, et je le veux croire; car l'auteur paroît fort humble et fort mortifié. Je suis, Monsieur, à vous sans réserve.

A Paris, ce 2 janvier 1690.

LETTRE CLIX.

AU R. P. DE MONTFAUCON, BÉNÉDICTIN.

Sur son livre concernant l'Histoire de Judith.

J'ai reçu et lu avec plaisir, mon révérend Père, votre Judith (1), et je suis ravi de voir que de si habiles gens travaillent à rendre la lecture de l'Ecriture facile, en prenant soin d'aplanir les difficultés qui s'y rencontrent, Je sais les autres doctes travaux qui vous occupent; et tout cela m'engage de plus en plus à vous assurer de l'estime très-particulière que j'ai pour vous.

A Versailles, ce 10 avril 1690.

(1) C'est un volume in-12, qui a pour titre, La vérité de l'Histoire de Judith, imprimé à Paris, chez Simon Langronne, en 1690. L'accueil que le public fit à cet ouvrage, obligea l'auteur d'en donner une seconde édition deux ans après. L'objet principal de l'écrit, est de prouver que l'histoire de Judith n'est point, comme le soutenoient les Protestans, une parabole et un sujet de tragédie, mais une histoire très-réelle, qui s'accorde parfaitement avec les autres histoires de la Bible, et dont les faits se trouvent confirmés par tout ce que les meilleurs historiens profanes ont rapporté des Mêdes et des Assyriens.

LETTRE CLX.

A M. SANTEUL,

CHANOINE RÉGULIER DE SAINT-VICTOR.

Il loue la pièce de vers que Santeul avoit composée pour s'excuser des reproches qui lui avoient été faits, lui parle de ses hymnes de saint Bruno et d'un poème fait contre sa Pomone.

VOILA, Monsieur, ce que c'est que de s'humilier (1), L'ombre d'une faute contre la religion vous a fait peur vous vous êtes abaissé; et la religion elle-même vous a inspiré les plus beaux vers, les plus élégans, les plus sublimes que vous ayez jamais faits.

(1) Plus d'une fois Bossuet avoit sollicité Santeul d'abandonner les Muses, pour consacrer entièrement ses talens à la louange de Dieu et de ses saints. M. Pelisson, maître des requêtes, qui désiroit aussi que Santeul fit un meilleur usage de sa veine poétique, lui proposa de travailler à de nouvelles hymnes. Il réussit à l'y déterminer, et Santeul s'y engagea solennellement, dans une pièce qu'il adressa à ce magistrat, où il protestoit renoncer pour toujours au Parnasse. Cependant, oubliant de temps en temps ses promesses, il ne laissoit pas de composer encore des pièces remplies des expressions de la fable. C'est ainsi qu'il fit un poème intitulé, Pomona in Agro Versaliensi, qu'il dédia à M. de la Quintinie. Bossuet lui en fit de vifs reproches, dont Santeul fut sensiblement touché; et pour témoigner publiquement son repentir, il fit la pièce dont il est parlé dans cette lettre, intitulée Poeta Christianus, et qu'il adressa à notre prélat. On voyoit à la tête une vignette en taille-douce, dans laquelle Bossuet étoit représenté revêtu de ses habits pontificaux, et Santeul à genoux devant lui, sur les marches de l'église cathédrale de Meaux, la corde au cou, faisant amende honorable, et jetant tous ses vers profanes dans un grand feu. Cette pièce est très-tendre, remplie de grands sentimens de religion, et digne des éloges que lui donne le prélat.

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Voilà ce que c'est, encore un coup, que de s'humilier.

J'attends l'hymne de saint Bruno; et j'espère qu'elle sera digne d'être approuvée par le Pape, et d'être chantée dans ces déserts, dont il est écrit qu'ils se sont réjouis de la gloire de Dieu. Mais comment est-ce que le Pape vous a commandé cette hymne (1)? Je vous en prie, dites nous en la mémorable histoire.

Aussitôt que M. Pelletier sera de retour ici, je parlerai avec plaisir de vos pensions.

J'ai vu, Monsieur, un petit poème sur votre Poil commence ainsi; c'est la religion qui

mone

parle :

En iterum Pomona meas malè verberat aures.

Santolide, cessit quo tibi cura mei?

Ten mea templa canent fallacia sacra canentem?

Je ne me souviens pas du pentamètre ; mais il étoit violent, et finissoit en répétant :

Ten mea templa canent?

Opprobrium vatum ten mea templa canent?

Le poète reprenoit ainsi :

Ergone cœlestes haustus duxisse juvabit,

Ut sonet infandos vox mihi nota deos?

Recherchant la cause de l'erreur, il remarque que ce poète évite encore les noms d'apôtres et de martyrs, comme tous les autres qu'il ne trouve pas dans Virgile et dans Horace; et il conclut, que celui

(1) Alexandre VIII, dont il s'agit, avoit été élevé au pontificat le jour de saint Bruno.

qui

qui craint d'employer les mots consacrés dans la piété chrétienne, mérite d'avoir dans la bouche les fables et les faux dieux.

Martyrii pudet infantum, vox barbara Petrus,
Aut Lucas, refugit nomen apostolicum,
Sanctorumque choris pulsus, confessor, abibit,
Non Maro, non Flaccus talia quippe ferant;
Credo equidem et Jesum plus horreat atque Mariam,
Et quod Coelitibus Christiadisque pium est.
Cui sacra vocabula sordent,

Huic placeant veteres, numina falsa, Joci.
Ille Jovem Veneremque et divům crimina narret,
Jam repetant vatem sacra nefanda suum.

J'ai empêché la publication du poème; il est vigoureux l'auteur l'auroit pu rendre parfait, en prenant la peine de le châtier; mais il n'y travaillera plus.

Adieu, mon cher Santeul, je m'en vais préparer les voies à notre illustre Boileau.

A Versailles, ce 15 avril 1690.

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LETTRE CLXI.

A M. DE RANCÉ, ABBÉ DE LA TRAPPE.

1

Sur la défense que cet abbé avoit faite aux religieuses des Clairets de lire l'ancien Testament.

Il est vrai, Monsieur, que quelques-uns ont repris cette espèce de défense de lire l'ancien Testament. La vraie résolution de cette difficulté, c'est qu'il en faut accorder la lecture avec discrétion, et selon la BOSSUET. XXXVII. 30

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