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contre eux plus de décisions que de bons raisonnemens. C'est le plus mince théologien qui soit au monde, qui cependant a entrepris de détruire le plus célèbre et le plus grand qui soit dans l'Eglise (1). Il ne fait que donner des vues pour trouver qu'il n'y a rien de certain, et mener tout autant qu'il peut à l'indifférence. L'érudition y est médiocre, et la malignité dans le suprême degré. A Meaux, ce 22 octobre 1693.

LETTRE CLXXV.

DE M. DE LA BROUE (2), ÉVÊQUE DE MIREPOIX. Sur des éclaircissemens que demandoit Bossuet, touchant les Albigeois, sur les erreurs de M. Dupin, et sur M. de Saint-Pons.

Je me suis enfin acquitté de vos deux commissions, Monseigneur : j'ai fait votre présent des Notes sur Salomon à M. de Basville, et je lui ai parlé de ce que vous souhaitez avoir de M. de Graverol. Il a déjà écrit pour cela, et prétend qu'il peut vous donner encore de nouveaux éclaircissemens, par des registres d'interrogatoires qui ont été faits à Carcassonne, et qui sont à présent à Montpellier. Il croit que pour y chercher plus utilement, il se(1) Saint Augustin.

(2) Comme nous avons une suite de lettres de Bossuet et de M. de la Broue, nous donnons ici la première, qui est de ce dernier évêque, quoique la lettre de Bossuet nous manque; parce que nous plaçons ordinairement parmi les lettres de ce prélat, toutes celles des personnes à qui il peut avoir écrit, lorsque nous avons un nombre de lettres de Bossuet à ces mêmes personnes.

roit bon que vous prissiez la peine de dresser un petit mémoire des erreurs qui peuvent servir à prouver que les Albigeois étoient manichéens. Je me suis offert à faire ce mémoire en attendant : mais comme les registres ne sont point ici, et qu'avant qu'on soit à Montpellier on peut avoir reçu votre réponse, il sera beaucoup mieux qu'on en ait un de votre façon.

:

Je vous supplie de me donner des nouvelles de votre ouvrage. Je suis très-mécontent de M. Dupin sur les extraits de saint Jean-Chrysostôme et de Cassien. Je suis fort trompé s'il ne croit pas qu'on peut être semi-pélagien sans cesser d'être catholique je souhaite qu'il vapule dans votre ouvrage comme il le mérite. Je ne sais si je n'irai point bientôt voir ce que vous avez déjà fait : j'attends de savoir si M. le marquis de Mirepoix viendra ou ne viendra point dans la province cet hiver, et j'espère de le savoir incessamment. Si M. l'archevêque de Toulouse avoit eu la bonté de se souvenir de moi, j'aurois été député à l'assemblée des bois; et cela me convenoit à cause de mon procès.

Au reste, avez-vous donné un exemplaire des Notes sur Salomon à M. l'évêque de Saint-Pons? Il me semble qu'il vous donnoit ses ouvrages, et qu'il vous consultoit même avant de les donner au public. Je mets l'abbé de Catellan sous votre protection : je ne sais comment il réussit au pays où il est. Je vous supplie de lui donner tous les avis dont il aura besoin ; il sera soigneux de vous les demander. Je suis toujours très-respectueusement, etc.

A Narbonne, ce 29 novembre 1693.

LETTRE CLXXVI.

DE LEIBNIZ.

Sur l'essence des corps.

QUANT à l'essence des corps et le sujet de l'étendue, il semble que ce sujet contient quelque chose, dont la répétition même est ce qui fait l'étendue; et il paroît que vous ne vous éloignez pas de ce sentiment. Ce sujet contient les principes de tout ce qu'on peut lui attribuer; et le principe des opérations est ce que j'appelle la force primitive. Mais il n'est pas si aisé de satisfaire là-dessus ceux qui sont accoutumés aux idées seules de Gassendi ou de Descartes, et il faudroit prendre la chose de plus haut. M. Pelisson m'envoya quelques objections contre ce que j'avois dit de la force et de la nature du corps: je tâchai d'y satisfaire. Il me disoit qu'elles venoient d'une personne de grande considération, sans s'expliquer davantage. Y ayant pensé depuis, j'ai du penchant à croire qu'elles étoient venues de M. Arnauld car j'ai remarqué depuis, qu'il y avoit quelque chose qui ne pouvoit presque être su que de lui, à cause des lettres que nous avions échangées autrefois sur des matières approchantes. Je ne sais, Monseigneur, si vous avez vu cette objection et ma réponse, aussi bien que ce que j'ai donné depuis peu, et autrefois dans le Journal des Savans, touchant l'inertie naturelle des corps.

Je voudrois, Monseigneur, que vous eussiez vu ce

que j'avois envoyé à feu M. Pelisson, sur ce qu'il avoit trouvé bon de faire communiquer mes raisonnemens de dynamique à l'académie royale des sciences. Mais ce papier ayant été mis au net, et envoyé à l'académie, y demeura-là, et on me dit maintenant qu'il est sous le scellé de feu M. Thévenot. Il est vrai que M. Thévenot me manda que l'académie l'ayant considéré, avoit témoigné de l'estime; mais qu'on n'avoit pu convenir du sens de quelques endroits. Je demandai qu'on me marquât ces endroits ou ces doutes; mais M. Thévenot mourut là-dessus. Je ne sais si M. Pelisson en a gardé une copie il me semble qu'il la vouloit donner à lire à M. de la Loubère. Si M. de la Loubère l'a, il pourroit vous en informer à fond. Il me semble aussi que M. des Villètes, qui étoit des amis de M. Pelisson, et qui l'est particulièrement de M. le duc de Roannez, avoit lu, ou peut-être eu mon Mémoire mais en tout cas je le pourrois tirer derechef de mon brouillon. Car comme vous êtes juge compétent de tout cela, je souhaiterois que vous fussiez informé du procès. M. Pelisson avoit parlé de cela avec M. l'abbé Bignon, qui a l'intendance de l'académie de la part de M. de Pontchartrain : mais la mort de M. Thévenot a arrêté notre dessein. On m'a mandé que M. l'abbé Bignon a un excellent dessein, qui est d'établir une académie des arts: cela sera d'importance; mais il sera bon qu'il y ait de l'intelligence entre la sœur aînée et la cadette.

Vous faites trop d'honneur, Monseigneur, à une épigramme aussi médiocre que celle que j'avois faite sur les bombes: mais c'est apparemment parce que

votre philanthropie vous fait désapprouver les maux que les hommes s'étudient de se faire. Plut à Dieu que ces sentimens de charité fussent plus généraux! Je suis, etc. LEIBNIZ.

1693.

RÉFLEXIONS DE LEIBNIZ

Sur l'avancement de la métaphysique réelle, et particulièrement sur la nature de la substance expliquée par la force (1).

:

Je vois que la plupart de ceux qui se plaisent aux sciences mathématiques, n'ont point de goût pour les méditations métaphysiques; trouvant des lumières dans les unes, et des ténèbres dans les autres dont la cause principale paroît être que les notions générales, qu'on croit les plus connues, sont devenues ambiguës et obscures par la négligence des hommes, et par leur manière inconstante de s'expliquer et il s'en faut tant que les définitions vulgaires expliquent la nature des choses, qu'elles ne sont pas même nominales. Le mal s'est communiqué aux autres disciplines, qui sont sous-ordonnées en quelque façon à cette science première et architectonique. Ainsi, au lieu de définitions claires, on nous a donné de petites distinctions; et au lieu

(1) Nous donnons ici les différens écrits de Leibniz relatifs à cette matière, que nous avons trouvés en original parmi les manuscrits de Bossuet, et sur lesquels ce prélat portera bientôt son juge

ment.

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