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a cru que la même quantité du mouvement se conserve. Soient deux corps A et B ; et avant le choc, la vitesse du corps A soit (c), la vitesse du corps B soit (v). Après le choc, celle d'A soit (c), et celle du corps B soit (v). Cela posé, suivant la règle des Cartésiens, A multiplié par (c), plus B multiplié par (v) est égal à A multiplié par (c), plus B multiplié par (v), ou bien A c + B v = A c + B v. J'ai trouvé que cette règle n'est pas soutenable. Par exemple, supposons qu'A soit de quatre livres et B d'une livre supposons encore qu'avant le choc A soit en mouvement avec la vitesse d'un degré, et B en repos; enfin supposons que, suivant les circonstances, toute la force A doive être transférée sur B; en sorte qu'enfin A soit en repos, et B seul soit en mouvement: cela posé, B recevra quatre degrés de vitesse, selon les Cartésiens. Or, j'ai démontré ailleurs que si cela étoit, nous aurions le mouvement perpétuel tout trouvé, et l'effet plus puissant que sa cause. Car supposons qu'A 4 ait acquis sa vitesse en tombant de la hauteur d'un pied, et que puis continuant son mouvement dans le plan horizontal, il y donne toute la force à B 1, qui y étoit auparavant en repos; et que B se trouvant aux bords d'un plan incliné, ou bien au bout d'un pendule, emploie à monter, la force qu'il a reçue donc BI commençant à monter avec la vitesse 4, montera à la hauteur de seize pieds, suivant les démonstrations de Galilée. Ainsi, au lieu que la cause étoit 44 élevé à un pied, l'effet sera B 1 élevé à seize pieds, et l'effet sera le quadruple de sa cause. Car quatre

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livres élevées à un pied valent autant qu'une livre élevée à quatre pieds : et même nous pourrions avoir le mouvement perpétuel, comme j'ai démontré ailleurs. Voici comme je le corrige. Mon principe est que ce n'est pas la même quantité du mouvement, mais la même quantité de la force qui se conserve; que cette conservation consiste dans une équivalence parfaite de l'effet entier et de la cause; que réduire au mouvement perpétuel est réduire ad absurdum; qu'ainsi estimant la force par l'effet, on doit estimer la force non pas par le produit du poids et de la vitesse multipliés ensemble, mais par le produit du poids et de la hauteur à laquelle le poids doit monter en vertu de la vitesse qu'il a; cette hauteur n'étant pas en raison des vitesses, mais en raison doublée des vitesses. Dans la mécanique vulgaire du levier, de la poulie, etc., la considération de la hauteur et de la vitesse sont coincidentes; ce qui a aidé à tromper les gens: mais il n'en est pas de même, quand il s'agit de ce que j'appelle la force vive.

Ainsi, pour rectifier l'équation A (c) + B (v) = A (c) + B (v), il faut que (c) et (v) item (c) et (v) signifient non les vitesses, mais les hauteurs que les vitesses peuvent produire. Et par conséquent dans le cas particulier proposé, 44 avec vitesse 1, rencontrant B 4 en repos, et lui donnant toute sa force, suivant la supposition, lui donnera la vitesse 2 car ainsi 4 ayant acquis sa vitesse en descendant d'un pied; B en vertu de la sienne montera à quatre pieds : et au lieu de la cause qui

étoit l'élévation de quatre livres à un pied, nous avons un effet égal à cette e cause, qui est l'élévation d'une livre à quatre pieds.

J'ai vu, par cela et. par d'autres raisons, que ce n'est pas la quantité du mouvement que la nature conserve; car il tient de l'Etre de raison; puisque le mouvement n'existe jamais à la rigueur, ses parties n'existant jamais ensemble: mais que c'est plutôt la force dont la quantité est exactement conservée; car la force existe véritablement. On voit aussi la différence entre l'estime par le mouvement, et entre l'estime par la force. Il y a encore bien des choses à dire là-dessus: mais cela suffit pour faire entendre mon but.

LETTRE CLXXIX.

DU MÊME.

Sur les avantages de la dynamique, et les divers jugemens que les savans avoient portés du systême de Leibniz.

C'EST avec votre pénétration ordinaire que vous avez bien jugé, Monseigneur, combien la dynamique, établie comme il faut, pourroit avoir d'usage dans la théologie. Car, pour ne rien dire de l'opération des créatures, et de l'union entre l'ame et le corps, elle fait connoître quelque chose de plus qu'on ne savoit ordinairement de la nature de la substance matérielle, et de ce qu'il y faut reconnoître au-delà de l'étendue. J'ai quelques pensées là-dessus, que je trouve également propres à éclair

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cir la théorie des actions corporelles, et à régler la pratique des mouvemens : mais il ne m'a pas encore été possible de les ramasser en un seul corps, à cause des distractions que j'ai. J'en avois communiqué avec M. Arnauld à l'égard de quelques points, sur lesquels nous avons échangé des lettres. Par après je mis dans les Actes de Leipsick, mois de mars 1685, une Démonstration abrégée de l'erreur des Cartésiens sur leur principe, qui est la conservation de la quantité du mouvement: au lieu que je prétends que la quantité de la force se conserve, dont je donne la mesure, différente de celle de la quantité du mouvement. M. l'abbé Catellan y avoit répondu dans les Nouvelles de la République des Lettres, septembre 1686, pag. 999; mais sans avoir pris mon sens, comme je reconnus enfin, et le marquai dans les Nouvelles de septembre de l'année suivante. Le révérend père Malebranche, dont j'avois touché le sentiment sur les règles du mouvement, dans ma Réplique à M. Catellan, février 1687, pag. 131, ne m'avoit point donné tort en tout, avril 1687, pag. 448; et j'avois tâché de justifier ce qu'il n'approuvoit pas encore, dans les Nouvelles de la République des Lettres, juillet 1687, pag. 745, où je m'étois servi d'une espèce d'épreuve assez curieuse, par laquelle on peut juger, sans employer même des expériences, si une hypothèse est bien ajustée; et j'avois trouvé que la cartésienne, aussi bien que celle de l'auteur de la Recherche de la vérité, combat avec soi-même, par le moyen d'une interprétation qu'on a droit d'y donner. Je ne parle point des autres qui ont voulu soutenir le

principe des Cartésiens dans les Actes de Leipsick, auxquels j'ai répliqué.

Feu M. Pelisson ayant fort goûté ce que j'avois touché de ma dynamique, m'engagea à lui en envoyer un échantillon, pour être communiqué à vos Messieurs de l'académie royale des sciences; afin d'en apprendre leur sentiment: mais il ne put l'obtenir, quoique M. l'abbé Bignon et feu M. Thévenot s'y fussent employés. C'est pourquoi M. Pelisson approuva que je fisse mettre dans le Journal des Savans une règle générale de la composition des mouvemens, pour recourir au public. Long-temps auparavant j'avois écrit à M. l'abbé Foucher, chanoine de Dijon, touchant mon hypothèse, et pourquoi je n'étois point d'accord du systême des causes occasionnelles. Un professeur italien, à qui j'en avois dit quelque chose en conversation, y prit beaucoup de goût, et m'en écrivit depuis; et je lui fis réponse. Un ami que j'ai à Rome, ayant voulu savoir de moi pourquoi je ne mettois pas la nature du corps dans l'étendue, je lui fis une réponse, laquclle me paroissant populaire et propre à entrer dans l'esprit, sans qu'on ait besoin de s'enfoncer bien avant dans les spéculations, je la fis imprimer dans le Journal des Savans, 18 juin 1691. Un Cartésien y répondit, 16 juillet 1691 je le sus un peu tard; mais enfin je le sus par l'indication de M. l'abbé Foucher. J'y répliquai alors, 5 janvier 1693; et M. Pelisson trouva ma réplique fort claire. M. Lenfant, ministre des Français réfugiés à Berlin, m'écrivit ses doutes sur quelque chose qu'il avoit vu dans le Journal de Paris; et je tâchai de le satis

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