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dans des inclinations vicieuses, sont proscrites avec elles dans l'Ecriture. Les immodesties des tableaux sont condamnées par tous les passages où sont proscrites en général les choses déshonnêtes: il en est de même des représentations du théâtre. Saint Jean n'a rien oublié, lorsqu'il a dit (1) : « N'aimez point le » monde, ni ce qui est dans le monde : celui qui » aime le monde, l'amour du Père n'est point en >> lui; car tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, » ou orgueil de la vie; laquelle concupiscence n'est » point de Dieu, mais du monde »>. Si la concupiscence n'est pas de Dieu, la délectable représentation qui en étale tous les attraits n'est non plus de lui, mais du monde ; et les chrétiens n'y ont point de part.

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Saint Paul aussi a tout compris dans ces paroles (2): « Au reste, mes Frères, tout ce qui est » véritable, tout ce qui est juste, tout ce qui est » saint; selon le grec, tout ce qui est chaste, tout » ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce » qui est édifiant : s'il y a quelque vertu parmi les » hommes, et quelque chose digne de louange dans » la discipline, c'est ce que vous devez penser ». Tout ce qui vous empêche d'y penser, et qui vous inspire des pensées contraires, ne doit point vous plaire, et doit vous être suspect. Dans ce bel amas des pensées que saint Paul propose à un chrétien, cherchez, mon Père, la place de la comédie de nos jours, que vous vantez tant.

Au reste, ce grand silence de Jésus-Christ sur les comédies me fait souvenir qu'il n'avoit pas besoin (1) I. Joan. 11. 15, 16. (2) Philip. 1v. 8.

d'en parler à la maison d'Israël, pour laquelle il étoit venu; où ces plaisirs, de tout temps, n'avoient point de lieu. Les Juifs n'avoient de spectacles pour se réjouir, que leurs fêtes, leurs sacrifices, leurs saintes cérémonies gens simples et naturels par leur institution primitive, ils n'avoient jamais connu ces inventions de la Grèce; et après ces louanges de Balaam (1) : « Il n'y a point d'idole dans Jacob, il

n'y a point d'augure, il n'y a point de divina» tion », on pouvoit encore ajouter : Il n'y a point de théâtres, il n'y a point de ces dangereuses représentations: ce peuple innocent et simple trouve un assez agréable divertissement dans sa famille, parmi ses enfans; et il n'a pas besoin de tant de dépenses, ni de si grands appareils pour se relâcher.

C'étoit peut-être une des raisons du silence des apôtres, qui, accoutumés à la simplicité de leurs pères et de leur pays, ne songeoient pas à reprendre en termes exprès dans leurs écrits, ce qu'ils ne connoissoient pas dans leur nation : c'étoit assez d'établir les principes qui en donnoient du dégoût. Quoi qu'il en soit, c'est un grand exemple pour l'Eglise chrétienne, que celui qu'on voit dans les Juifs; et c'est une honte au peuple spirituel, d'avoir des plaile peuple charnel ne connoissoit pas.

sirs que

Il n'y avoit parmi les Juifs qu'un seul poème qui tînt du dramatique; et c'est le Cantique des Cantiques. Ce cantique ne respire qu'un amour céleste : et cependant, parce qu'il y est représenté sous la figure d'un amour humain, on en défendoit la lec ture à la jeunesse. Aujourd'hui on ne craint point

(1) Num. XXIII. 21, 23,

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de l'inviter à voir soupirer des amans, pour le plaisir seulement de les voir aimer, et pour goûter les douceurs d'une folle passion. Saint Augustin met en doute s'il faut laisser dans les églises un chant harmonieux (1), ou s'il vaut mieux s'attacher à la sévère discipline de saint Athanase et de l'Eglise d'Alexandrie, dont la gravité souffroit à peine dans le chant, ou plutôt dans la récitation des Psaumes, de foibles inflexions: tant on craignoit dans l'Eglise de laisser affoiblir la vigueur de l'ame par la douceur du chant. Maintenant on a oublié ces saintes délicatesses des Pères; et on pousse si loin les délices de la musique, que loin de les craindre dans les cantiques de Sion, on cherche à se délecter de celle dont Babylone anime les siens. Le même saint Augustin reprenoit un homme qui étaloit beaucoup d'esprit à tourner agréablement des inutilités dans ses écrits: «< Eh! lui disoit-il (2), je vous prie, ne >> rendez point agréable ce qui est inutile » : et vous, mon Père, vous voulez qu'on rende agréable ce qui est nuisible.

Quittez, quittez ces illusions: ou révoquez, ou désavouez une lettre qui déshonore votre caractère, votre habit et votre saint ordre, où l'on vous donne le nom de théologien, sans avoir pu vous donner des théologiens, mais de seuls poètes comiques pour approbateurs; enfin qui n'ose paroître qu'à la tête des pièces de théâtre, et n'a pu obtenir de privilége qu'à la faveur des comédies. Dans un scandale public, que je pourrois combattre avec moins d'égards,

(*) Confess. lib. x, cap. xxxIII, n. 50; tom. 1, col. 187. — (2) De Anima et ejus orig. lib. 1, cap. 111; tom. X, col. 339,

pour

pour garder envers un prêtre et un religieux d'un ordre que je révère, et qui honore la cléricature, toutes les mesures de la douceur chrétienne, je commence par vous reprendre entre vous et moi. Si vous ne m'écoutez pas, j'appellerai des témoins, et j'avertirai vous supérieurs à la fin, après avoir épuisé toutes les voies de la charité, je le dirai à l'Eglise, et je parlerai en évêque contre votre perverse doctrine. Je suis cependant, etc.

A Germigny, ce 9 mai 1694.

LETTRE CLXXXII.

RÉPONSE DU P. CAFFARO.

Il tâche de s'excuser sur la publication de la lettre qui portoit son nom, reconnoît qu'il s'est trompé, et promet de se rétracter.

Si tout le monde, et même ceux qui prêchent l'Evangile savoient les règles de l'Evangile autant que votre Grandeur les sait, je ne serois pas dans la peine où je suis pour cette malheureuse lettre qu'on m'attribue faussement. Car si avant que de publier partout, et, pour ainsi dire, hautement dans les chaires, que j'en suis l'auteur, ils avoient eu la même charité que votre Grandeur a, de me le demander en particulier, j'aurois détrompé le monde d'une fausse préoccupation qui me fait tant de tort; et ce qui me fâche davantage, c'est qu'elle fait du scandale. Je dis donc et proteste à votre Grandeur, comme je l'ai protesté à tout le monde, que je ne suis pas l'auteur de la lettre qui favorise les comédiens, et dont il est question, et que je n'ai su qu'on BOSSUET. XXXVII.

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l'imprimoit qu'après qu'elle a été imprimée. Je ne suis pas si bon Français dans la plume et dans la langue, comme je le suis dans le cœur, pour avoir pu tourner une lettre de la manière dont celle-là est tournée; et je crois que votre Grandeur s'en aperçoit assez par la présente que j'ai l'honneur de lui écrire. Ce qui a donné lieu au public de m'en croire l'auteur, (puisqu'il ne faut rien cacher à une personne comme votre Grandeur) c'est parce qu'il y a onze ou douze ans, qu'à mon particulier j'ai fait un écrit en latin sur la matière de la comédie, d'où véritablement semble être tirée toute la doctrine qui se trouve dans cette lettre. Malheureusement cet écrit est tombé entre les mains de quelqu'un, qui, ne considérant point qu'il n'avoit pas été fait en aucune manière pour voir le jour, et par conséquent qu'il n'avoit pas été examiné à fond dans tous ses raisonnemens, citations, etc., ils en ont tiré cette lettre, et ils l'ont fait imprimer : et ne voulant pas me dérober ce qui est de moi, ils ont cru me faire plaisir en me le rendant par le titre qu'ils lui ont mis; ce qui a fait croire que c'étoit moi qui avois fait la lettre et dans ce pays ici, il suffit qu'une personne le dise, afin que le bruit s'en répande partout. Cependant ils y ont altéré plusieurs choses, et mis plusieurs autres qui ne sont pas de moi; et ce que j'ai mis conditionnellement, c'est-à-dire, si les choses sont de cette manière, il n'y a point de mal, etc. ils l'y ont dit absolument, disant : Les choses sont en cette manière; donc il n'y a point de mal, etc. ce qui est bien différent, comme votre Grandeur le comprend fort bien. Voilà, Monseigneur, toute la faute que j'ai commise en tout

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