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LETTRE XVI.

AU MÊME.

Sur une traduction du livre de l'Exposition.

J'AI reçu vos deux dernières lettres de Rome, et je crois devoir me conformer à ce que vous propo→ sez dans la dernière, du 19 décembre. Je suis donc d'avis, Monsieur, que la version irlandaise se fasse de la manière que vous me marquez.

Pour la latine, je conviens avec vous que l'autos rité en sera plus grande quand elle se fera à Rome, et par une personne considérable, qui n'y aura autre intérêt que le commun : ainsi si celui que yous me nommez (1) est disposé à la faire (2), rien ne peut être mieux; pourvu, Monsieur, que vous y. repassiez, avec la même exactitude que vous faites la version italienne: car, vous le savez, tous les mots, en matière de cette nature, sont à peser.

:

Je vous supplie de faire mes remercîmens à monseigneur le cardinal d'Estrées et à M. l'abbé de Sanctis vous pouvez l'assurer de mes services en toute occasion, et que je ferai sa cour à Sa Majesté, à la première occasion, en lui disant sa reconnois sance. Le Roi ne sera pas fâché que ce soit lui qui fasse cette version. Du reste, je n'ai rien à ajouter,

(1) M. l'abbé de Sanctis.

(2) On ignore si cette traduction latine à été composée, du moins n'a-t-elle pas été publiée: celle que nous avons est l'ouvrage de M. l'abbé Fleury, auteur de l'Histoire ecclésiastique.

que les assurances de l'amitié et de l'estime particulière avec laquelle je suis, etc.

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Sur la manière très-obligeante dont le gratis de ses bulles, pour l'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais, lui avoit été accordé.

Vous avez raison de croire que je suis sensible+ ment touché de la manière dont le gratis de l'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais m'a été accordé par le sacré collége. La promptitude, la facilité, le concours sont d'agréables circonstances de cette grâce; et les bontés de leurs éminences, si obligeamment déclarées, y mettent le comble. Je dois tout à M. l'ambassadeur et à monseigneur le cardinal d'Estrées : ce sont de véritables amis; et ceux qu'ils honorent de leur amitié leur doivent bien souhaiter une continuelle augmentation de crédit, puisqu'ils s'en servent si obligeamment pour leurs serviteurs.

Je n'ai rien à ajouter à ma précédente touchant le livre de l'Exposition: je vous remercie toujours de vos soins que je vous prie de continuer, et de me croire, etc.

A Saint-Germain, ce 26 avril 1673.

LETTRE XVIII.

AU MARECHAL DE BELLEFONDS.

Il lui montre comment tout dans le monde tourne à bien au chrétien, et lui parle de M. de Troisville et de M. le Dauphin.

DIEU vous tient par la main au dehors, et il vous change puissamment et insensiblement au dedans. Laissez-vous conduire, laissez-vous abattre; apprenez à renaître et à vous oublier tous les jours vousmême. Tout le monde est plein de tentations et d'instructions: ses attraits engagent les uns, ses bizarreries éclairent les autres. Le chrétien se voit au milieu de tout; et s'il se tourne à Dieu, tout lui tourne à bien. Les chutes, les aveuglemens, les vanités, les bassesses, les fausses hauteurs qui l'environnent, le réveillent en lui-même. Tout l'étonne, et rien ne l'étonne : il s'attend à tout, de de peur d'être surpris au dépourvu; et ne se fonde sur rien que sur Dieu, de peur qu'un appui indigne de lui n'ébranle sa fermeté.

J'ai eu une singulière et extraordinaire consolation de tenir ici quelques jours M. de Troisville. Je trouve que tout va bien, excepté qu'il s'est laissé emporter par le désir de savoir plutôt qu'il ne falloit, et il a fait bien des pas dont il aura peine à revenir; cela soit dit entre nous. Je lui ai parlé sincèrement et bonnement : j'espère qu'il reviendra, et je le suivrai de près. Dieu veuille bénir mes desseins ils sont bons; mais mes péchés sont un

grand obstacle au succès je lui demande continuellement pour vous sa sainte grâce.

Monseigneur le Dauphin se fait tous les jours fort joli : j'espère que le Roi et la Reine le trouveront fort avancé à leur retour. Nous sommes fort en inquiétude de la santé de la Reine.

A Saint-Germain, ce 7 juillet 1673.

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Il lui parle des ménagemens qu'exigeoit la foiblesse de la duchesse de la Vallière, lui marque les raisons qu'elle avoit de retarder l'exécution de son dessein, et lui rend compte de ce qu'il a fait pour en faciliter l'accomplissement.

NE

Ne laissez pas, s'il vous plaît, finir l'année sans me donner de vos nouvelles; j'ai un extrême désir d'en apprendre. J'ai vu plusieurs fois, depuis votre départ, madame la duchesse de la Vallière; je la trouve dans de très-bonnes dispositions, qui, à ce que j'espère, auront leur effet. Un naturel un peu plus fort que le sien auroit déjà fait plus de pas; mais il ne faut point l'engager à plus qu'elle ne pourroit soutenir : c'est pourquoi, ayant vu qu'on souhaitoit avec ardeur du retardement à l'exécution de son dessein, jusqu'au départ de la Cour; et que peut-être on pourroit employer l'autorité à quelque chose de plus, si on rompoit subitement; j'ai été assez d'avis qu'on assurât le principal, et qu'on rompît peu à peu des liens qu'une main plus forte la sienne auroit brisés tout-à-coup. Ce qui me que

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paroît de très-bon en elle, c'est qu'elle n'est effrayée d'aucunes des circonstances de la condition qu'elle a résolu d'embrasser, et que son dessein s'affermit de jour en jour. Je fais ce que je puis pour entretenir de si saintes dispositions; et si je trouve quelque occasion d'avancer les choses, je ne la manquerai pas

:

Du reste, tout va ici à l'ordinaire, M. de Turenne y est arrivé avec une grande augmentation d'embonpoint il est fort content du Roi, et le Roi de lui. M.me la duchesse de la Vallière m'a obligé de traiterle chapitre de sa vocation avec M.me de Montespan. J'ai dit ce que je devois; et j'ai, autant que j'ai pu, fait connoître le tort qu'on auroit de la troubler dans ses bons desseins. On ne se soucie pas beaucoup de la retraite; mais il semble que les Carmélites font peur. On a couvert, autant qu'on a pu, cette résolution d'un grand ridicule : j'espère que la suite en fera prendre d'autres idées. Le Roi a bien su qu'on m'avoit parlé ; et Sa Majesté ne m'en ayant rien dit, je suis aussi demeuré jusqu'ici dans le silence. Je conseille fort à madame la Duchesse de vider ses affaires au plus tôt. Elle a beaucoup de peine à par ler au Roi, et remet de jour en jour. M. Colbert, à qui elle s'est adressée pour le temporel, ne la tirera d'affaire que fort lentement, si elle n'agit avec un peu plus de vigueur qu'elle n'a accoutumé.

Vivez avec Dieu et sous ses yeux; que l'action du dehors laisse, s'il se peut, le repos au dedans : preț nez garde de revivre, et songez où est la véritable vie. Je prie Dieu qu'il vous protège et qu'il vous dirige.

A Saint-Germain, ce 25 décembre 1673.

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