Images de page
PDF
ePub

cela, dont j'en ai eu et j'en ai encore un chagrin mortel et je voudrois, pour toute chose au monde, ou que la lettre n'eût jamais été imprimée, ou que je n'eusse jamais écrit sur cette matière, qui, contre ma volonté, cause le scandale qu'elle cause.

Il y a dix-sept ou dix-huit ans que je régente la philosophie et la théologie; et de cette dernière, trois cours tout entiers. On a soutenu ici des thèses publiques, auxquelles j'ai présidé; et, par la grâce de Dieu, on n'a jamais trouvé à redire à un iota de ma doctrine; et voilà malheureusement une affaire à laquelle je ne m'attendois pas. Il y a vingt ans presque que je suis dans ce pays ici, et Dieu merci je n'y ai donné aucun scandale; et présentement, contre ma pensée, je vois que j'ai scandalisé le public. Votre Grandeur avouera que c'est un grand malheur pour moi. Or il faut qu'elle sache que pour réparer mon honneur, pour l'édification du public, et pour l'amour de la vérité même, je suis convenu, et même je me suis offert à Monseigneur l'archevêque, qui n'a pas moins de zèle pour la maison de Dieu que tous les autres prélats du royaume, de lui faire une lettre, dans laquelle j'explique mes sentimens sur cela (1). Je l'ai déjà faite en latin, ne voulant pas hasarder au public une lettre en méchant français. On la fera traduire en français, et on la donnera au public: d'abord qu'elle sera imprimée, je me donnerai l'honneur de l'envoyer à votre Grandeur; et j'espère qu'elle en sera contente.

(1) Cette lettre fut en effet adressée à M. l'archevêque de Paris, et imprimée dans le temps, en latin et en français. On la trouve dans les Lettres sur les Spectacles, par Desprez de Boissy; tom. 1, p. 385, édit. de 1780. (Edit. de Vers.)

Au reste, Monseigneur, je reconnois avec soumission que tout ce que votre Grandeur me mande dans sa lettre touchant les comédies, est très-solide et très-véritable. J'ai été toujours de cette opinion, et j'ai toujours blâmé les comédies qui sont capables d'exciter les passions, et qui ne sont pas faites dans les règles. J'assure aussi votre Grandeur devant Dieu, que je n'ai jamais lu aucune comédie, ni de Molière, ni de Racine, ni de Corneille; ou au moins je n'en ai jamais lu une toute entière. J'en ai lu quelques-unes de Boursault, de celles qui sont plaisantes, dans lesquelles à la vérité je n'ai pas trouvé beaucoup à redire; et sur celles-là j'ai cru que toutes les autres étoient de même. Je m'étois fait une idée métaphysique d'une bonne comédie, et je raisonnois là-dessus, sans faire réflexion que dans la théorie bien souvent les choses sont d'une manière, lesquelles, dans la pratique, sont d'une autre. D'ailleurs ne pouvant aller à la comédie, et quand je le pourrois, ne voulant jamais y aller, je m'étois trop fié aux gens qui m'avoient assuré qu'on les faisoit en France avec toutes sortes de modération, et je m'abandonnois trop aux conjectures que je trouve présentement être fausses; sans pourtant jamais croire que depuis si long-temps que j'ai écrit cela, et que j'avois presque oublié, il dût être

su,

lu et publié; au contraire altéré et corrompu.

Voilà, Monseigneur, tout ce que je puis répondre à la lettre que votre Grandeur m'a fait l'honneur de m'envoyer. Je lui suis infiniment obligé de l'instruction qu'elle m'a donnée, et je l'assure que j'en profiterai en même temps je la supplie trèshumblement de me croire avec bien du respect, etc. A Paris, ce 11 mai 1694.

MAXIMES

ET RÉFLEXIONS

SUR LA COMÉDIE.

MAXIMES

ET RÉFLEXIONS

SUR LA COMÉDIE.

Le religieux à qui on avoit attribué la Lettre

I. Occasion et

tation en fa

yeur de la

ou Dissertation pour la défense de la comédie, a dessein de ce satisfait au public par un désaveu aussi humble traité : nouque solennel (1). L'autorité ecclésiastique s'est velle Disserfait reconnoître par ses soins la vérité a été vengée; la saine doctrine est en sûreté, et le comédie. public n'a besoin que d'instruction sur une matière qu'on avoit tâché d'embrouiller par des raisons frivoles, à la vérité, et qui ne seroient dignes que de mépris, s'il étoit permis de mépriser le péril des ames infirmes; mais qui enfin éblouissent les gens du monde toujours aisés à tromper sur ce qui les flatte. On a tâché d'éluder l'autorité des saints Pères, à qui on a opposé les Scholastiques, et on a cherché entre les uns et les autres je ne sais quelles conciliations; comme si la comédie étoit enfin devenue ou meilleure ou plus favorable avec le temps. Les grands noms de saint Thomas et des autres saints ont été employés en sa faveur : on s'est servi de la confession pour attester son innocence. C'est un prê

(1) Voyez la lettre du P. Caffaro, et la note ci-dessus, p. 531.

« PrécédentContinuer »