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II.

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faut réduire

tion.

tre, c'est un confesseur qu'on introduit pour nous assurer qu'il ne connoît pas les péchés que des docteurs trop rigoureux attribuent à la comédie on affoiblit les censures et l'autorité des rituels; et enfin on n'oublie rien dans un petit livre, dont la lecture est facile, pour donner quelque couleur à une mauvaise cause. Il n'en

faut pas davantage pour tromper les simples, et pour flatter la foiblesse humaine, trop penchée par elle-même au relâchement. Des personnes de piété et de savoir qui sont en charge dans l'Eglise, et qui connoissent les dispositions des gens du monde, ont jugé qu'il seroit bon d'opposer à une dissertation qui se faisoit lire par sa brièveté, des réflexions courtes, mais pleines des grands principes de la religion : par leur conseil, je laisse partir cet écrit pour s'aller joindre aux autres discours qui ont déjà paru sur ce sujet.

Il semble que pour ôter la prévention que le A quoi il nom de saint Thomas pourroit jeter dans les escette ques- prits, il faudroit commencer ces réflexions par la discussion des passages tirés de ce grand auteur en faveur de la comédie: mais, avant que d'engager les lecteurs dans cet examen, je trouve plus à propos de les mener d'abord à la vérité par un tour plus court, c'est-à-dire, par des principes qui ne demandent ni discussion, ni lecture. Puisqu'on demeure d'accord, et qu'en effet on ne peut nier que l'intention de saint Thomas et des autres saints qui ont toléré ou permis les comédies, s'ils l'ont fait, n'ait été de restreindre leur approbation ou leur tolérance à celles qui ne sont

pour

III.

Si la comé die d'aujour d'hui est aus

point opposées aux bonnes mœurs ; c'est à ce point qu'il faut s'attacher, et je n'en veux pas davantage faire tomber de ce seul coup la Dissertation. La première chose que j'y reprends, c'est qu'un homme qui se dit prêtre ait pu avancer, que la comédie, telle qu'elle est aujourd'hui, n'a rien de contraire aux bonnes mœurs, et qu'elle est si honnête que le prémême si épurée à l'heure qu'il est sur le théâtre tend l'auteur français, qu'il n'y a rien que l'oreille la plus de la Disserchaste ne pût entendre. Il faudra donc que nous passions pour honnêtes les impiétés et les infamies dont sont pleines les comédies de Molière, ou qu'on ne veuille pas ranger parmi les pièces d'aujourd'hui, celles d'un auteur qui a expiré, pour ainsi dire, à nos yeux, et qui remplit encore à présent tous les théâtres des équivoques les plus grossières, dont on ait jamais infecté les oreilles des chrétiens.

Qui que vous soyez, prêtre ou religieux, quoi qu'il en soit, chrétien qui avez appris de saint Paul que ces infamies ne doivent pas seulement être nommées parmi les fidèles, ne m'obligez pas à répéter ces discours honteux songez seulement si vous oserez soutenir à la face du ciel, des pièces où la vertu et la piété sont toujours ridicules, la corruption toujours excusée et toujours plaisante; et la pudeur toujours offensée, ou toujours en crainte d'être violée par les derniers attentats, je veux dire par les expressions les plus impudentes, à qui l'on ne donne que les enveloppes les plus minces. Songez encore, si vous jugez digne du nom de chrétien et de prê

tation.

tre, de trouver honnête la corruption réduite en maximes dans les opéra de Quinault, avec toutes les fausses tendresses, et toutes ces trompeuses invitations à jouir du beau temps de la jeunesse, qui retentissent partout dans ses poésies. Pour moi, je l'ai vu cent fois déplorer ces égaremens : mais aujourd'hui on autorise ce qui a fait la matière de sa pénitence et de ses justes regrets, quand il a songé sérieusement à son salut; et si le théâtre français est aussi honnête que le prétend la Dissertation, il faudra encore approuver que ces sentimens, dont la nature corrompue est si dangereusement flattée, soient animés d'un chant qui ne respire que la mollesse.

Si Lulli a excellé dans son art, il a dû proportionner, comme il a fait, les accens de ses chanteurs et de ses chanteuses à leurs récits et à leurs vers et ses airs, tant répétés dans le monde, ne servent qu'à insinuer les passions les plus décevantes, en les rendant les plus agréables et les plus vives qu'on peut par le charme d'une musique, qui ne demeure si facilement imprimée dans la mémoire, qu'à cause qu'elle prend d'abord l'oreille et le cœur.

Il ne sert de rien de répondre, qu'on n'est occupé que du chant et du spectacle, sans songer au sens des paroles, ni aux sentimens qu'elles expriment car c'est là précisément le danger, que pendant qu'on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentimens s'insinuent sans qu'on y pense, et plaisent sans être aperçus. Mais il n'est

pas nécessaire de donner le secours du chant et de la musique à des inclinations déjà trop puissantes par elles-mêmes; et si vous dites. que la seule représentation des passions agréables, dans les tragédies d'un Corneille et d'un Racine, n'est pas dangereuse à la pudeur, vous démentez ce dernier qui, occupé de sujets plus dignes de lui, renonce à sa Bérénice, que je nomme parce qu'elle vient la première à mon esprit; et vous, qui vous dites prêtre, vous le ramenez à ses premières erreurs.

IV.
S'il est vrai

que la repré

Vous dites que ces représentations des passions agréables, et les paroles des passions, dont on se sert dans la comédie, ne les excitent qu'indirec- sentation des tement, par hasard et par accident, comme passions vous parlez; agréables ne et que ce n'est leur nature de pas les excite les exciter: mais, au contraire, il n'y a rien de que par aeplus direct, de plus essentiel, de plus naturel à cident. ces pièces, que ce qui fait le dessein formel de ceux qui les composent, de ceux qui les récitent, et de ceux qui les écoutent. Dites-moi, que veut un Corneille dans son Cid, sinon qu'on aime Chimène, qu'on l'adore avec Rodrigue, qu'on tremble avec lui, lorsqu'il est dans la crainte de la perdre, et qu'avec lui on s'estime heureux lorsqu'il espère de la posséder? Le premier principe sur lequel agissent les poètes tragiques et comiques, c'est qu'il faut intéresser le spectateur, et si l'auteur ou l'acteur d'une tragédie ne le sait pas émouvoir, et le transporter de la passion qu'il veut exprimer, où tombe-t-il, si ce n'est dans le froid, dans l'ennuyeux, dans le ri

dicule, selon les règles des maîtres de l'art? Aut dormitabo, aut ridebo (1), et le reste. Ainsi, tout le dessein d'un poète, toute la fin de son travail, c'est qu'on soit, comme son héros, épris des belles personnes, qu'on les serve comme des divinités; en un mot, qu'on leur sacrifie tout, si ce n'est peut-être la gloire, dont l'amour est plus dangereux que celui de la beauté même. C'est donc combattre les règles et les principes des maîtres, que de dire, avec la Dissertation, que le théâtre n'excite que par hasard et par accident les passions qu'il entreprend de traiter.

On dit, et c'est encore une objection de notre auteur, que l'Histoire, qui est si grave et si sérieuse, se sert de paroles qui excitent les passions, et qu'aussi vive à sa manière que la comédie, elle veut intéresser son lecteur dans les actions bonnes et mauvaises qu'elle représente. Quelle erreur de ne savoir pas distinguer entre l'art de représenter les mauvaises actions pour en inspirer de l'horreur, et celui de peindre les passions agréables d'une manière qui en fasse goûter le plaisir? Que s'il y a des histoires qui, dégénérant de la dignité d'un si beau nom, entrent, à l'exemple de la comédie, dans le dessein d'émouvoir les passions flatteuses; qui ne voit qu'il les faut ranger avec les romans et les autres livres corrupteurs de la vie humaine!

Si le but de la comédie n'est pas de flatter ces passions, qu'on veut appeler délicates, mais dont le fond est si grossier; d'où vient que l'âge où (1) Hor. de Arte poet. vers. 105.

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