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et l'expliquent ceux qui en entendent les rits. C'est encore dans le même esprit qu'on ne jeûne point le dimanche, ni durant le temps d'entre Pâque et la Pentecôte; parce que ce sont des jours destinés à une sainte réjouissance, où l'on chante l'Alleluia, qui est la figure du cantique et de la joie du siècle futur. Si le jeûne ne convient pas au temps d'une sainte joie, doit-on l'allier avec les réjouissances profanes, quand d'ailleurs elles seroient permises? convient-il d'entendre alors, ou des bouffons dont les discours éteignent l'esprit de componction, ou des comédies qui vous remplissent la tête de plaisirs vains et mondains, quand ils seroient innocens?

XXIX.

Nouvel abus

de la doctri

Thomas.

Malgré ces saintes traditions, et malgré encore le passage exprès que l'auteur produit pour exclure la musique des jours de deuil (1), il permet ne de saint les comédies dans tout le carême. Il ne mériteroit pas d'être seulement écouté, s'il ne nous donnoit encore une fois saint Thomas pour garant de ses erreurs. Après donc avoir proposé toutes les raisons qu'il a sues pour bannir la comédie du carême : « Je réponds à cela, dit-il, » avec les propres paroles de saint Thomas », et il cite un article de ce saint docteur sur les Sentences (2), qui est le même que nous avons allégué pour un autre sujet (3),

Mais d'abord, il est certain qu'il ne s'y agit point du carême, dont il n'y a pas un mot dans tout cet endroit : mais quand on voudroit, comme

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(1) Eccli. xx11. 6. (2) In 4. dist. xvI. q. IV, art. 2, in corp. --(3) Ci-dessus, n. 23.

il est juste, étendre au carême, jusqu'à un certain degré, ce que propose ce saint docteur en général sur l'état des pénitens, il n'y auroit rien qui ne fût contraire à la prétention de notre auteur.

Saint Thomas traite ici trois questions, dont les deux premières appartiennent au sujet des jeux dans l'une il parle des jeux en général : dans l'autre il vient aux spectacles. En parlant des jeux en général, et sans encore entrer dans ce qui regarde les spectacles, il défend aux pénitens de s'abandonner dans leur particulier aux jeux réjouissans, parce que « la pénitence de» mande des pleurs et non pas des réjouissances (1) » ; et tout ce qu'il leur permet, « est d'user >> modérément de quelques jeux, en tant qu'ils » relâchent l'esprit et entretiennent la société » entre ceux avec qui ils ont à vivre »; ce qui ne dit rien encore, et se réduit, comme on voit, à bien peu de choses. Mais dans la seconde question, où il s'agit en particulier des spectacles, il décide nettement que les pénitens les doivent éviter : spectacula vitanda pœnitenti (2) : et nonseulement ceux qui sont mauvais de leur nature, dont ils doivent s'abstenir plus que les autres : mais encore ceux qui sont utiles et nécessaires à la vie, parmi lesquels il range la chasse.

On sait sur ce sujet la sévérité de l'ancienne discipline, dont il est bon en tout temps de se souvenir. Elle interdisoit aux pénitens tous les exercices qui dissipent l'esprit ; et cette règle étoit si bien établie, qu'encore au treizième siècle, (1) In 4 dist. XVI. ad q. 1, c. — - (2) Ad 2, q. eád.

saint

saint Thomas, comme on voit, n'en relâche rien. Parmi les sermons de saint Ambroise on en trouve un de saint Césaire, archevêque d'Arles, où il répète trois et quatre fois, que celui « qui chasse pendant le carême, horum quadraginta die» rum curriculo, ne jeûne pas encore, pour» suit-il, qu'il pousse son jeûne jusqu'au soir », ́selon la coutume constante de ce temps-là: «'il pouvoit bien avoir mangé plus tard; mais ce

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pendant il n'aura point jeûné au Seigneur : » potes videri tardiùs te refecisse, non tamen » Domino jejunasse (1) » : ce saint écrivoit à la fin du sixième siècle. Dans le neuvième le grand Pape Nicolas I impose encore aux Bulgares, qui le consultoient, la même observance (2), selon la tradition des siècles précédens. Cette sévérité venoit de l'ancienne discipline des pénitens, qu'on étendoit, comme on voit, jusqu'au carême, où toute l'Eglise se mettoit en pénitence; et de peur qu'on ne s'imagine que cette discipline des pénitens fût excessive ou déraisonnable, saint Thomas l'appuie de cette raison : que ces spectacles et ces exercices «< empêchent la récollection des péni» tens, et que leur état étant un état de peine, l'Eglise a droit de leur retrancher par la péni>>tence, même des choses utiles, mais qui ne leur » sont pas propres (3) »; sans y apporter d'autre exception que le cas de nécessité: ubi necessitas

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(1) Ambr. in ant. edit. serm. xxx111; nunc in Append. Op. S. Aug. serm. CXLVI; tom. V, col. 257. — (2) Resp. ad consult. Bulg. cap. XLIV; tom. viii Conc. col. 533. — (3) Ubi sup. ad 2.

BOSSUET. XXXVII.

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exposcit; comme seroit dans la chasse s'il en falloit vivre tout cela conformément aux canons, à la doctrine des saints, et au Maître des Sentences (1). Par toutes ces autorités, après avoir modéré les divertissemens qu'un pénitent peut se permettre en particulier pour le relâchement de l'esprit et la société, il lui défend tous les spectacles publics et tous les exercices qui dissipent : cependant le dissertateur trouve en cet endroit, qu'on peut entendre la comédie tout le caréme (ce sont ses mots,) sans que cela répugne à l'esprit de gémissement et de pénitence dont l'Eglise y fait profession publique : et voilà ce qu'il appelle répondre, avec les propres paroles de saint Thomas,

Le même saint parle encore de cette matière dans la question de la Somme que nous avons déjà tant citée, article quatrième (2), où il demande s'il peut y avoir quelque péché dans le défaut du jeu : c'est-à-dire en rejetant tout ce qui relâche ou divertit l'esprit; car c'est là ce qu'il appelle jeu, et il se fait d'abord cette objection (3), qu'il semble qu'en cette matière « on » ne puisse pécher par défaut, puisqu'on ne pres» crit point de péché au pénitent à qui pourtant » on interdit tout jeu» conformément à un passage d'un livre qu'on attribuoit alors à saint Augustin (4), où il est porté « que le pénitent se

(3) Ob

(1) Mag. 4. dist. XVI. — (2) 2. 2. q. CLXVIII, art. 4. ject. 1. (4) Lib. de ver. et fal, pœnit. c, xv, n. 31. Op. S. Aug. in App. tom. VI, col. 239.

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» doit abstenir des jeux et des spectacles du siècle,
» s'il veut obtenir la grâce d'une entière rémission
» de ses péchés ». Ce passage étoit dans le texte
du Maître des Sentences (1), et la doctrine en
passoit pour indubitable, parce qu'elle étoit con-
forme à tous les canons. Saint Thomas répond
aussi « que les pleurs sont ordonnés au pénitent;
» et c'est pourquoi le jeu lui est interdit; parce
» que la raison demande qu'il lui soit diminué ».
C'est toute la restriction qu'il apporte ici, la-
quelle ne regarde point les jeux publics, puis-
qu'il ne retranche rien de la défense des specta-
cles, qu'il laisse par conséquent en son entier,
comme portée expressément par tous les canons
où il est parlé de la pénitence, ainsi qu'il l'a
reconnu dans le passage qu'on vient de voir sur
les Sentences.

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Qu'on ne fasse donc point ce tort à saint Tho mas, de le faire auteur d'un si visible relâcheinent de la discipline : c'est assez de l'avoir fait, sans qu'il y pensât, le défenseur de la comédie; sans encore lui faire dire qu'on la peut jouer dans le carême, quoiqu'il n'y ait pas un seul mot dans tous ses ouvrages qui tende à cela de près ou de loin ; et qu'au contraire il ait enseigné si expressément, que les spectacles publics répu gnent à l'esprit de pénitence que l'Eglise veut renouveler dans le carême.

Pour ce qui regarde les dimanches, notre auteur commence par cette remarque: «< que les » saints jours nous sont donnés non-seulement (1) Lib. IV, dist. XVI.

XXX. Profanation du di

manche :

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