discours, démontrent qu'il veut proposer les obligations communes du christianisme, comme étant d'autant plus celles des moines, qu'un moine n'est autre chose qu'un chrétien qui s'est retiré du monde pour accomplir tous les devoirs de la religion chrétienne. Que si l'on dit qu'en tout cas les défauts que reprend ici saint Basile sont des péchés véniels, et que pour cela on les appelle petits péchés; ce Père ne souffrira pas ce discours à un chrétien.« Il n'y a » point, dit-il (1), de petit péché : le grand péché » est toujours celui que nous commettons, parce » que c'est celui-là qui nous surmonte, et le petit » est celui que nous surmontons ». Et encore qu'il soit véritable en un sens de comparaison, qu'il y a de petits péchés, le fidèle ne sait jamais avec certitude jusqu'à quel point ils sont aggravés par le violent attachement d'un cœur qui s'y livre, et il doit toujours trembler à cette sentence du sage: « Qui méprise les petites choses, tombe peu à » peu (2)». Par tous ces principes des saints Pères, sans examiner le degré de mal qu'il y a dans la comédie, ce qui dépend des circonstances particulières, on voit qu'il la faut ranger parmi les choses les plus dangereuses; et en particulier on peut juger si les Pères, ou les saints docteurs qui les ont suivis, et saint Thomas comme les autres, avec les règles sévères qu'on vient d'entendre de leur bouche, auroient pu souffrir les bouffonneries de nos théâtres, ni qu'un chrétien y fît le ridicule per (1) Reg. brev. int. ccxc; tom. II, p. 518. — (2) Eccli. XIX. 2. XXXV. sonnage de plaisant. Aussi ne peut-on pas croire qu'il se trouve jamais un homme sage qui n'accorde facilement, du moins qu'être bouffon de profession, ne convient pas à un homme grave, tel qu'est sans doute un disciple de Jésus-Christ. Mais dès que vous aurez fait ce pas, saint Chrysostôme retombera sur vous avec une étrange force, en vous disant: C'est pour vous qu'un chrétien se fait bouffon: c'est pour vous qu'il renonce à la dignité du nom qu'il porte: «< ôtez les audi»teurs, vous ôterez les acteurs » : s'il est si beau «< d'être plaisant sur un théâtre, que n'ouvrez>> vous cette porte aux gens libres (1) »? nous dirions maintenant aux honnêtes gens : «< quelle » beauté dans un art où l'on ne peut exceller » sans honte »? et le reste. Saint Thomas, comme on a vu, marche sur ses pas; et s'il a un peu plus suivi les idés, ou si vous voulez les locutions d'Aristote; dans le fond il ne s'est éloigné en rien de la régularité des saints Pères. Cela posé, il est inutile d'examiner les sentiConclusion mens des autres docteurs. Après tout, j'avouerai de tout ce sans peine, qu'après s'être long-temps élevé con discours. tre les spectacles, et en particulier contre le théâtre, il. vint un temps dans l'Eglise qu'on espéra de le pouvoir réduire à quelque chose d'honnête ou de supportable, et par-là d'apporter quelque remède à la manie du peuple envers ces dangereux amusemens. Mais on connut bientôt le que (1) Hom. Vi in Matt. Hom. xvi in Ep. ad Eph. n. 3; tom. XI, pag. 125. plaisant et le facétieux touche de trop près au licencieux, pour en être entièrement séparé. Ce n'est pas qu'en métaphysique, cette séparation soit absolument impossible, ou, comme parle l'Ecole, qu'elle implique contradiction: disons plus, on voit en effet des représentations innocentes; qui sera assez rigoureux pour condamner dans les colléges celles d'une jeunesse réglée à qui ses maîtres proposent de tels exercices pour leur aider à former ou leur style ou leur action, et en tout cas leur donner surtout à la fin de leur année quelque honnête relâchement? Et néanmoins voici ce que dit sur ce sujet une savante compagnie qui s'est dévouée avec tant de zèle et de succès à l'instruction de la jeunesse (1) : « Que » les tragédies et les comédies, qui ne doivent » être faites qu'en latin, et dont l'usage doit être » très-rare, aient un sujet saint et pieux que >> les intermèdes des actes soient tous latins, et » n'aient rien qui s'éloigne de la bienséance, » et qu'on n'y introduise aucun personnage de » femme ni jamais l'habit de ce sexe ». En passant, on trouve cent traits de cette sagesse dans les réglemens de ce vénérable institut: et on voit en particulier, sur le sujet des pièces de théâtre, qu'avec toutes les précautions qu'on y apporte pour éloigner tous les abus de semblables représentations, le meilleur est, après tout, qu'elles soient très-rares. Que si, sous les yeux et la discipline de maîtres pieux, on a tant de peine à ré(1) Rat. Stud. ut. reg. Rect. art. 13.' ! gler le théâtre, que sera-ce dans la licence d'une : stophane et pour Plaute, montre assez à quelle licence dégénère naturellement la plaisanterie. Térence, qui à l'exemple de Ménandre s'est modéré sur le ridicule, n'en est pas plus chaste pour cela; et on aura toujours une peine extrême à séparer le plaisant d'avec l'illicite et le licencieux. C'est pourquoi on trouve ordinairement dans les canons ces quatre mots unis ensemble: ludicra, jocularia, turpía, obscœna : les discours plai sans, les discours bouffons, les discours mal honnétes, les discours sales: non que ces choses soient toujours mêlées; mais à cause qu'elles se suivent si naturellement, et qu'elles ont tant d'affinité, que c'est une vaine entreprise de les vouloir séparer. C'est pourquoi il ne faut pas espérer de rien faire de régulier de la comédie, parce que celles qui entreprennent de traiter les grandes passions, veulent remuer les plus dange→ reuses, à cause qu'elles sont aussi les plus agréables; et que celles dont le dessein est de faire rire, qui pourroient être, ce semble, les moins vicieuses; outre l'indécence de ce caractère dans un chrétien, attirent trop facilement le licencieux, que les gens du monde, quelque modérés qu'ils paroissent, aiment mieux ordinairement qu'on leur enveloppe, que de le supprimer en tièrement. On voit en effet, par expérience, à quoi s'est enfin terminée toute la réforme de la comédie qu'on a voulu introduire dans nos jours. Le licencieux grossier et manifeste est demeuré dans les |