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farces, dont les pièces comiques tiennent beaucoup on ne peut goûter sans amour les pièces sérieuses; et tout le fruit des précautions d'un grand ministre qui a daigné employer ses soins à purger le théâtre, c'est qu'on y présente aux ames infirmes des appâts plus cachés et plus dangereux.

ploie pour

C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner que l'Eglise ait improuvé en général tout ce genre de plaisirs car encore qu'elle restreigne ordinairement les punitions canoniques qu'elle emles réprimer, à certaines personnes, comme aux clercs; à certains lieux, comme aux églises; à certains jours, comme aux fêtes; à cause que communément, ainsi que nous l'avons remarqué, par sa bonté et par sa prudence, elle épargne la multitude dans les censures publiques: néanmoins, parmi ces défenses, elle jette toujours des traits piquans contre ces sortes de spectacles, pour en détourner tous les fidèles. Saint Charles, qu'on allègue comme un de ceux dont la charitable condescendance entra pour un peu de temps dans le dessein de corriger la comédie, en perdit bientôt l'espérance; et dans les soins qu'il prit de mettre à couvert des corruptions du théâtre, au moins le carême et les saints jours, il ne cesse d'en inspirer un dégoût universel, en appelant la comédie un reste de gentilité (1) : non qu'il y eût à la lettre dans les spectacles de son (1) Act. Eccl. Mediol. part. IV; Inst. Prædic. edit. 1599 p. 485.

temps des restes du paganisme; mais parce que les passions qui ont formé les dieux des Gentils y règnent encore, et se font encore adorer par les chrétiens. Quelquefois, à l'exemple des anciens canons, dont il a pris tout l'esprit, il se contente de les appeler des spectacles inutiles : ludicra et inania spectacula (1) : ne jugeant pas que les chrétiens, dont les affaires sont si graves, et doivent être jugées dans un tribunal si redoutable, puissent trouver de la place dans leur vie pour de si longs amusemens; quand d'ailleurs ils ne seroient pas si remplis de tentations, soit grossières, soit délicates et par-là plus périlleuses; ni se passionner si violemment pour des choses vaines. Au reste, il range toujours ces malheureux divertissemens parmi les attraits et les pépinières du vice; illecebras et seminaria vitiorum; et s'il ne frappe pas ceux qui s'y attachent, des censures de l'Eglise, il les abandonne au zèle et à la censure des prédicateurs, à qui il ordonne de ne rien omettre pour inspirer de l'horreur de ces jeux pernicieux, en ne «< cessant de les dé» tester comme les sources des calamités publi»ques, et des vengeances divines. Il admoneste » les princes et les magistrats de chasser les co» médiens, les baladins, les joueurs de farce, et » autres pestes publiques, comme gens perdus >> et corrupteurs des bonnes mœurs, et de punir » ceux qui les logent dans les hôtelleries (2) ».

(1) Act. Eccl. Mediol. part. VI, etc. — (2) Ibid. p. 40. Conc. prov. 1, pag. 86. Conc. 111, p. 316. Conc. vi, etc.

Je ne finirois jamais si je voulois rapporter tous les titres dont il les note. Voilà les saintes maximes de la religion chrétienne sur la comédie. Ceux qui avoient espéré de lui trouver des approbations, ont pu voir par la clameur qui s'est élevée contre la Dissertation, et par la censure qu'elle a attirée à ceux qui ont avoué qu'ils en avoient suivi quelques sentimens, combien l'Eglise est éloignée de les supporter : et c'est encore une preuve contre cette scandaleuse Dissertation, qu'encore qu'on l'attribue à un théologien, on ne lui ait pu donner des théologiens, mais de seuls poètes comiques pour approbateurs, ni la faire paroître autrement qu'à la tête, et à la faveur des comédies.

Mais c'en est assez sur ce sujet, quoiqu'il y ait encore à montrer une voie plus excellente. Pour déraciner tout-à-fait le goût de la comédie, il faudroit inspirer celui de la lecture de l'Evan→ gile, et celui de la prière. Attachons-nous comme saint-Paul à considérer Jésus l'auteur et le consommateur de notre foi (1): ce Jésus, qui ayant voulu prendre toutes nos foiblesses à cause de la ressemblance, à la réserve du péché (2), a bien pris nos larmes, nos tristesses, nos douleurs et jusqu'à nos frayeurs, mais n'a pris ni nos joies ni nos ris, et n'a pas voulu que ses lèvres, où la gráce étoit répandue (5), fussent dilatées une seule fois par un mouvement qui lui paroissoit accompagné d'une indécence indigne d'un Dieu (3) Ps. XLIV. 3.

(1) Heb. XII. 2. (2) Ibid. 1v. 15.

fait homme. Je ne m'en étonne pas : car nos douleurs et nos tristesses sont très - véritables puisqu'elles sont de justes peines de notre péché : mais nous n'avons point sur la terre depuis le péché, de vrai sujet de nous réjouir : ce qui a fait dire au Sage (1)« J'ai estimé le ris une erreur, et j'ai » dit à la joie: Pourquoi me trompes-tu »? ou comme porte l'original : « J'ai dit au ris: Tu es » un fou, et à la joie : Pourquoi fais-tu ainsi »? pourquoi me transportes-tu comme un insensé, et pourquoi me viens-tu persuader que j'ai sujet de me réjouir, quand je suis accablé de maux de tous côtés? Ainsi le Verbe fait chair, la Vérité éternelle manifestée dans notre nature, en a pu prendre les peines, qui sont réelles; mais n'en a pas voulu prendre le ris et la joie, qui ont trop d'affinité avec la déception et avec l'erreur.

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Jésus-Christ n'est pas pour cela demeuré sans agrément : « tout le monde étoit en admiration deş paroles de grâce qui sortoient de sa bou» che (2) » et non-seulement ses apôtres lui disoient : «< Maître, à qui irons-nous? vous avez » des paroles de vie éternelle (3) »'; mais encore ceux qui étoient venus pour se saisir. de sa personne, répondoient aux Pharisiens, qui leur en avoient donné l'ordre : « Jamais homme n'a parlé » comme cet homme (4) ». Il parle néanmoins encore avec une toute autre douceur, lorsqu'il se fait entendre dans le cœur, et qu'il y fait sen· (3) Joan. v1. 69. — (4) Ibid.

(1) Eccles. 11. 2. VII. 46.

· (2) Luc. IV. 22. —

tir ce feu céleste dont David étoit transporté en prononçant ces paroles (1) : « Le feu s'allumera » dans ma méditation ». C'est de là que naît dans les ames pieuses, par la consolation du SaintEsprit, l'effusion d'une joie divine; un plaisir sublime que le monde ne peut entendre, par le mépris de celui qui flatte les sens; un inaltérable repos dans la paix de la conscience, et dans la douce espérance de posséder Dieu : nul récit, nulle musique, nul chant ne tient devant ce plaisir: s'il faut pour nous émouvoir, des spectacles, du sang répandu, de l'amour, que peut-on voir de plus beau ni de plus touchant que la mort sanglante de Jésus-Christ et de ses martyrs; que ses conquêtes par toute la terre et le règne de sa vérité dans les cœurs; que les flèches dont il les perce; et que les chastes soupirs de son Eglise, et des ames qu'il a gagnées, et qui courent après ses parfums? Il ne faudroit donc que goûter ces douceurs célestes, et cette manne cachée, pour fermer à jamais le théâtre, et faire dire à toute ame, vraiment chrétienne : Les pécheurs, ceux qui aiment le monde, me racontent des fables, des mensonges et des inventions de leur esprit : ou comme lisent les Septante: « ils me racontent, >> ils me proposent des plaisirs; mais il n'y a rien » là qui ressemble à votre loi (2) » : elle seule remplit les cœurs d'une joie qui, fondée sur la vérité, dure toujours.

Pour ceux qui voudroient de bonne foi qu'on (1) Ps. xxxvIII. 4. — (2) Ps. cxviii. 84.

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