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formé de la technique et de la manière mésopotamiennes; il est peu vraisemblable que cette Nativité de Mahomet ait été copiée par les peintres de Rashid

exagérations et des impossibilités flagrantes, elles ne sont point une constante de l'esprit des Asiatiques, qui entre dans les formules. de tous ses domaines. On trouve dans les vers de l'Arioste des imaginations dignes de figurer dans le Livre des Rois, dans le Ramayana, d'illustrer les murs solitaires de la pagode d'Angkor Thom; il faut n'avoir lu, ni le Boiardo, ni Pulci, pour se figurer que c'est seulement en Orient que l'impossibilité et la folie sont les bases essentielles de la féerie, et cependant ces exagérations littéraires n'ont pas empêché les financiers de Venise d'établir le budget de la Sérénissime République sur des fondements inébranlables. Dans le récit du shaikh Aboul-Thana, rapporté par Shihab adDin al-'Omari, Rashid demande à Oltchaïtou un million de pièces d'or, d'après ce précédent qu'Aristote, médecin comme lui (voir le n° 1967), a reçu un million de pièces d'or du roi Alexandre, auquel il avait offert un livre de sa composition; les circonstances qui entourent ce récit sont telles qu'il est visible que c'est sur ce chiffre d'un million de pièces d'or que, successivement, Rashid, Aboul-Thana, Shihab ad-Din, ont voulu attirer l'attention d'Oltchaïtou, puis des personnes auxquelles ils ont raconté cette histoire extraordinaire.

Mirza Mahdi Khan nous a conservé dans son dictionnaire turc-oriental, au XVIIIe siècle, la tradition très fidèle, qu'il a puisée dans Djouwaïni et dans Hamd Allah Mostaufi, que, sous le règne des Mongols, le toman représentait une valeur considérable, 10,000 pièces d'or, et non 10,000 pièces d'argent :

تومان عدد ده هزار را گویند و بـایـن سـبـب مغولیه امیریکه صاحب ده هزار لشکر باشد

میر تومان کویند و ایرانیان ده هزار دیناررا

-Kitab-i Adan, abrege du San) یک تومان کویند

gilakh, ms. supp. turc 1000, fol. 260 recto). « Toman; on appelle ainsi le nombre 10,000 pour cette raison, les Mongols nomment Mir Toman, le général qui commande 10,000 hommes de troupe; et les Persans donnent à 10,000 dinars le nom de 1 toman ». Il ne faut pas oublier, en effet, qu'à l'époque à laquelle écrivait Mirza Mahdi Khan, sous le règne de Tahmasp Kouli Khan, il y avait beau temps que le toman ne valait plus 10,000 dinars; il est évident que dans cette phrase, comme dans le passage que je vais citer plus loin, le présent vaut un passé historique, et doit se comprendre comme si l'auteur écrivait pour des Persans de l'époque mongole.

Ces sommes sont énormes par rapport à la puissance financière actuelle de la Perse, mais elles ne dépassaient pas, au xiv siècle, les de l'Iran; on sait, en effet, par ce que moyens raconte Hamd Allah Mostaufi dans le Nozhat al-kouloub (p. 113), que l'impôt du Fars, sous le khalife Moktadir, était de 63,000,000 de dirhams, soit 1,050 tomans; que les Arabes tiraient 30,000,000 de dirhams de Souk alAhwaz, Ram-Hormouz, Izadj, 'Askar Mokram, Toustar, Djoundaïsapour, Sous, Sourrak, Nahr Tiri et Manazir, tandis que les Sassanides. faisaient produire 50,000,000 à cette contrée (Yakout, I, 411). Wassaf nous a conservé dans sa chronique l'évaluation certaine d'une autre monnaie de compte dont il est souvent question dans les histoires persanes de Djouwaïni, de Rashid et de Wassaf, et qui était l'unité de compte budgétaire des Mongols de Mongolie, comme le toman le fut pour les Mongols de l'Iran. On voit assez, par sages où il se trouve cité, que le balish avait une valeur considérable, car Djouwaïni nous

les

pas

ad-Din dans un livre arabe enluminé dans un atelier mésopotamien par un artiste qui aurait exécuté cette scène d'après une peinture du Bas-Empire; le

apprend dans le Djihangoushaï (I, p. 18) qu'un balish vaut 500 miskals en or ou en argent, que·la valeur d'un balish d'argent, en Perse (vers 658), est de 75 dinars rokni, au titre de

و بالشی پانصد مثقال است زر یا نقره و : « 4/6 قیمت بالشی نقره درین حدود هفتاد و پنج دینار رکنی باشد که عیار آن چهار دانکست

ces dinars rokni étant considérés en Perse comme les monnaies du meilleur aloi; un demi-siècle environ plus tard, Wassaf dit dans le premier tome de sa chronique :üdlig

Il est remarquable que le budget de l'Iran calculé sur la base de 2,433 tomans de 10,000 pièces d'or de 4 gr. 25, 110,701 kilog. d'or, représente une somme notablement inférieure aux revenus de la monarchie sassanide en la 18° année (607) de Khosrau Parwiz; Tabari nous apprend qu'à cette date «le roi de Perse ordonna qu'on fit le compte de tout ce qui était perçu comme impôt foncier de son empire, droits fiscaux, et toutes sources de revenus. On lui exposa que ce que l'on avait perçu cette année, comme impôt foncier et dans toutes les cédules, en espèces sonnantes et trébuchantes, faisait 420 millions de miskals, dont le poids était de 700 à 600 millions de dirhams »

سیر است که بهاء آن ده باصطلاح ایشان پنجاه دینار باشد واما بالشی زر ونقره پانصد مثقال وانه امر ان يحصى ما اجتبى من خراج بلاده است بالشی زر موازی دویست بالش چاو معین وتوابعه وسائر ابواب المال سنة ثماني عشرة من بدو هزار دینار و بالشی نقره مساوی بیست ملكه فرفع اليه ان الذي اجتبي في تلك السنة .ms) supp) بالش چاو معین بدویست دینار من الخراج وسائر ابوابه من الورق اربعمائة الف

الف مثقال وعشرون الف الف مثقال يكون

mil 420 . ذلك وزن سبعة ستمائة الف الف درهم

persan 208, fol. 20 ro et vo). « Un balish papier (tchao = ) dans la terminologie de ces gens (les Chinois) est 50 ser, dont la valeur est 10 dinars (le ser = o gr. 85 = 1 1/5 de drachme est le 1/40 de l'once du système pondéral des Séleucides, qui vaut 8 drachmes, ou 34 grammes; 50 1/5 de drachme valent bien 10 drachmes en poids = 42,5, ce qui est le poids des dix dinars à 4 gr. 25); mais un balish d'or et d'argent vaut 500 miskals (en métal); un balish d'or vaut 200 balish papier, valeur fixée à 2,000 dinars (en papier); un balish d'argent est égal à 20 balish papier, valeur fixée à 200 dinars (en papier). » Dans son Sangilakh ('Adan, ms. supp. turc 1000, fol. 197 v°), Mirza Mahdi Khan a copié ce passage, qui montre que la puissance d'achat du papier était le quart de celui de la monnaie.

lions de miskals à 5g.66 2/3 font 2,797,200 kilogrammes d'argent, autrement dit 199,800 kilogrammes d'or, et 600 millions de drachmes. à 4 gr. 25 donnent 2,550,000 kilogrammes d'argent; en réalité, les 420 millions de miskals faisaient un chiffre rond de 660 millions de drachmes. Cette somme n'a rien d'étonnant quand l'on lit dans Tabari que Yazdagard, le dernier roi de Perse, avait dans son trésor, avant l'attaque des Arabes, 3 mil

وكان في بيوت : liards de ces pieces d'argent اموال كسرى ثلاثة الاف الف الف ثلاث مرات

et ce nombre n'est pas né d'une faute de copiste, puisque Tabari, qui entend que l'on

fait n'est point absolument impossible; mais il faut tenir compte de cette circonstance que les Musulmans de langue arabe, en Syrie, en Égypte, dans les plaines arrosées par le Tigre et par l'Euphrate, n'eurent jamais l'esprit assez libre pour oser décorer de peintures une histoire des Prophètes; c'est seulement dans les livres de littérature imaginative, qui n'ont aucun rapport avec la théologie ou la tradition religieuse, les Makamat de Hariri, les Kalila et Dimna, dans quelques traités de superstition, que l'on trouve des illustrations; même à l'époque à laquelle les Musulmans de Mésopotamie copiaient dans leur monnayage les pièces à figures frappées dans les provinces de l'empire grec, par les empereurs de Byzance, aucun décora

comprenne qu'il parle de milliards, écrit 3 x 1,000 × 1,000 × 1,000 = 1,000, 3 fois; il est clair qu'une telle somme n'aurait pu se trouver amassée dans le trésor de Ctésiphon, si le budget de la Perse ne s'était élevé à une très forte valeur; encore faut-il remarquer que Tabari, en spécifiant qu'il s'agit de sommes perçues en argent, a peut-être voulu que l'on comprenne qu'il y avait des taxes en nature, des prestations et des corvées, dont il ne pouvait faire état.

Quelle que soit la solution de ces difficultés, il n'en est pas moins certain que le toman mongol n'a rien de commun avec le toman d'aujourd'hui, qui vaut 10 francs, et qu'il a subi, comme le balish, depuis l'époque de Wassaf, une dépréciation constante. Dans sa chronique qu'il dédia à Akbar, le Keshikkhana, le poste de garde», Nadjib de Kashan, se référant à une époque antérieure à ce souverain, mais indéterminée, nous apprend que le balish d'or ne valait plus que 8 miskals et 2 dank, c'est-à-dire 8 miskals et 1/3; le balish d'argent, dirham et 2 dank, c'est-à-dire 1 dirham et 1/3:

و نجیبای کاشی در تاریخ

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بالشی که با زر مذکور شود هشت مثقال ودو

دانك واكر با نقره مذکور شــود یـکـدرم ودو

Adan abrege دانك است بفارسی معروف است

du Sangilakh de Mirza Mahdi Khan, ms. supp. turc 1000, fol. 197 vo); on voit assez, par ce passage, qu'à cette époque, le balish d'or ne valait plus que 8 ashrafis 1/3, ce qui est loin de 500 dinars au miskal légal; le balish d'argent, quelques sous.

La meilleure preuve de la valeur du toman est qu'Oltchaïtou donnait tous les ans 50 tomans pour la construction de la ville de Sultaniyya, où il fit élever le splendide mausolée qui abrite son tombeau; ce fait seul montre suffisamment que, vers 1310, le toman était une somme très forte, car, en admettant même qu'il ne s'agisse que d'une subvention aux parles aider dans leur œuvre, le ticuliers pour bon sens le plus élémentaire conduit à penser qu'un puissant souverain ne contribue pas à construire une grande ville avec 1 ou 2 milliers de francs par an. On voit que Rashid, avec sa pension de 8 tomans, soit plus d'un million de francs, avait de quoi fournir aux dépenses de son scriptorium de Tauris, et de payer de beau papier à ses copistes, ce que, d'ailleurs, il se plaisait à faire.

teur n'aurait eu l'idée d'orner de tableaux les manuscrits du Roman d'Antar, ou les scènes profanes des Mille et une Nuits.

Il en faut conclure que cette peinture de la Djami al-tawarikh de Rashid est une copie directe d'un original du Bas-Empire; tout en gardant l'enveloppe de cet art mésopotamien, comme on le voit assez par les autres peintures de cet exemplaire unique de l'histoire composée par le vizir de Ghazan, les peintres persans y faisaient entrer, suivant la coutume traditionnelle de tous les ateliers, des copies de tout genre, de peintures indiennes, et même de peintures françaises, comme on le voit assez par deux bandes illustrées qui représentent le sultan ghouride ‘Ala ad-Din, de Dehli, assis sur son trône, et l'intronisation d'un fakir par les gens du Kashmir. Dans leur partie de droite, ces deux illustrations présentent des souvenirs certains de la technique et de la manière des peintures qui décorent les livres français du milieu du XIIIe siècle.

Il semble que ce manuscrit ne porte aucune marque qui indique sa provenance, et que la date à laquelle il a été copié a disparu avec ses derniers feuillets; mais certaines particularités de son exécution permettent de remédier à ce défaut de renseignements, et de déterminer ses origines avec beaucoup plus de précision que pour des livres qui ont conservé leur souscription.

La principale de ces caractéristiques est la dimension exagérée des feuillets du papier sur lesquels ce Livre des Rois a été copié; à une époque qu'il n'est pas possible de déterminer, les marges de ces feuillets, d'un papier de très belle qualité, mais qui se brise facilement, tombaient en lambeaux, comme le cas se produit assez souvent, ou, plutôt, elles se détachaient, comme coupées au ciseau, tout le long de l'encadrement polychrome du texte, comme le fait ne se produit que trop souvent dans les manuscrits de luxe exécutés en Perse; l'action corrosive des encres de couleur employées pour cette ornementation, jointe à la morsure du tire-lignes dans l'épaisseur du papier, ont, après quelques siècles, détaché complètement le corps des

pages de leurs marges ainsi délimitées; au XIXe siècle, un Persan qui eut

ce Livre des Rois en sa possession, rogna toutes ces marges au ras du filet d'or qui les délimitait, et réencarta chacun des feuillets dans un cadre de papier moderne, qui mesure 58 sur 40,5 centimètres; il est impossible de

déterminer si la personne qui s'est livrée à cette opération s'est attachée à reproduire exactement la dimension des feuillets du manuscrit, ou si elle s'est contentée de prendre un papier de très grand format, sans pousser la précision jusqu'à cette limite; le seul renseignement exact que l'on possède sur les dimensions de l'original est celle du cadre d'or qui contient le texte, et au ras duquel les marges ont été rognées, 41 centimètres de hauteur sur 29,5 de large.

Ces dimensions rappellent d'une façon frappante celles du cadre d'un très beau manuscrit des œuvres théologiques, écrites en arabe par Fadhl Allah Rashid ad-Din, l'auteur de l'histoire des Mongols, conservé dans le fonds arabe sous le numéro 2324, lequel mesure 39 sur 27,5 centimètres, dans un feuillet de 52 sur 32 centimètres, avec cette particularité additionnelle que le Livre des Rois compte 31 lignes à la page, et le manuscrit 2324, 35 lignes. Or, la souscription du recueil des œuvres théologiques de Rashid ad-Din nous apprend que sa copie a été terminée en 710 (1310), par Mohammad ibn Mahmoud ibn Mohammad al-Amin al-Baghdadi, évidemment à Tabriz, dans l'établissement religieux que le vizir avait fondé dans cette ville, et qui est connu dans l'histoire de la Perse sous le nom de Raba'-i Rashidi. Rashid ad-Din avait institué dans cet établissement, qui était considérable, atelier de copie destiné principalement à l'édition de ses deux titres de gloire, la Djami al-tawarikh et la al-Madjmouat al-Rashidiyya, et il en a laissé, en tête de ce dernier recueil, le règlement et les statuts. Il était enjoint à l'administrateur de cette fondation pieuse de faire copier la Djami' al-tawarikh et la al-Madjmoua, en un seul volume, sur du papier de Baghdad, de la meilleure qualité qui put se trouver, de la dimension la plus grande qui se fit dans l'industrie, pût de façon à donner deux feuillets, ou quatre pages, en pliant l'une de ses feuilles en deux.

un

Il est vraisemblable que le scriptorium du Raba'-i Rashidi ne se bornait point d'une façon absolue et exclusive à la reproduction des œuvres du maître, ou, tout au moins, que le vizir eut l'occasion d'utiliser les talents de ses scribes à la copie d'autres ouvrages, soit pour son usage personnel, soit pour les offrir aux grands personnages de l'état, dont il avait besoin de ménager l'influence, et de gagner les faveurs.

Quoi qu'il en soit, c'est un fait indéniable que le manuscrit du Livre des

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