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dans quelques autres pièces, en substituant un papier à un autre; c'est par un moyen tiré du sujet. La crédulité de Sganarelle n'est pas poussée trop loin on n'est point choqué qu'il emploie pour guérir sa fille tous les expédients qu'on lui propose; et la manière dont on le trompe n'a rien d'odieux, puisque c'est l'unique voie par laquelle Lucinde parviendra à se marier avec un jeune homme qui d'ailleurs lui convient, et contre lequel Sganarelle n'a rien à opposer.

Cette pièce est remarquable, en ce qu'elle offre la première attaque de Molière contre les médecins. Il est vrai que dans LE FESTIN DE PIERRE on trouve quelques traits contre eux; mais, comme l'auteur les a mis dans la bouche d'un homme odieux, ils perdent nécessairement toute leur force. Les médecins ne durent pas être irrités des sarcasmes de don Juan, qui se moque du ciel, et foule aux pieds toutes les lois; au lieu que dans L'AMOUR MÉDECIN ils purent voir que l'attaque étoit sérieuse. On assure que Molière joua dans cette pièce les quatre premiers médecins de la cour, Daquin, sous le nom de Tomès; Desfougerais, sous celui de Desfonandrès; Esprit, sous celui de Bahis; et Guenaut, sous celui de Macroton. Si l'anecdote est vraie, on a lieu de s'étonner que la Faculté n'ait pas réclamé contre cette insulte, qui passoit un peu les bornes que doit se prescrire la comédie: mais il faut consi

1 On assure aussi que Boileau composa ces noms tirés du grec. Daquin étoit partisan de la saignée; Tomės vient du mot Toutus, coupeur. Desfngerais soutenoit l'émétique; Desfonandrès vient des mots Qira, tuer, et avnp, avopos, homme. Esprit parloit très-vite; Bahis vient du verbe Baw, aboyer, bredouiller. Enfin Guénaut bégayoit ; Macroton vient de paxpòs, long, et révos, ton. C'est ce même Guénaut dont Boileau parle dans la satire des Embarras de Paris:

Guénaut sur son cheval en passant m'éclabousse.

dérer que le roi aimoit et protégeoit Molière, que ce monarque étoit jeune, et qu'il étoit probablement disposé à excuser tout ce qui le faisoit rire.

La dispute de Tomès et de Desfonandrès, très-comique par elle-même, renferme une application maligne à deux procès fort singuliers, qui firent beaucoup de bruit un an auparavant. En 1664, les facultés de médecine de Rouen et de Marseille prirent dispute avec les apothicaires de ces deux villes : les médecins se plaignoient de ce que les pharmaciens empiétoient sur leurs droits : la cause fut portée aux tribunaux; et dans les mémoires qui furent publiés des deux côtés on ne s'épargna pas les injures. Des vérités désagréables furent dites; et cette affaire, en faisant connoître le charlatanisme de quelques médecins, inspira de la défiance pour les autres. Molière fait allusion à ce procès en introduisant un cinquième médecin qui se porte pour conciliateur entre Tomès et Desfonandrès: c'est un homme parfaitement impartial, dont la fortune est faite, et qui ne prend intérêt qu'à l'honneur de la médecine qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il grêle, ceux qui sont morts, sont morts, et il a de quoi se passer des vivants : « Il faut <«< confesser, dit-il à ses deux confrères, que toutes ces con<< testations nous ont décriés depuis peu d'une étrange ma«< nière, et que si nous n'y prenons garde, nous allons nous « ruiner nous-mêmes. >>

On voit que, dans L'AMOUR MÉDECIN, l'auteur a embrassé des objets plus importants que ne paroissoient l'annoncer le genre et le ton de cette pièce. Un divertissement fait à la hâte présente d'excellen's tableaux et de grandes vues. A quel degré cet homme se seroit-il élevé, s'il lui eût été permis de donner à ses ouvrages la perfection dont un travail plus suivi et plus assidu les auroit rendus susceptibles'

LE MISANTHROPE,

COMÉDIE

EN CINQ ACTES ET EN VERS,

Représentée à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 4 juin 1666.

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BASQUE, valet de Célimène.

UN GARDE de la maréchaussée de France.

DUBOIS, valet d'Alceste.

La scène est à Paris, dans la maison de Célimène.

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