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sa phrase, que cette entrevue ne lui a jamais été demandée, car de ce qu'il ne l'aurait pas voulue il ne s'ensuit pas qu'il l'aurait refusée. En disant qu'une nouvelle entrevue était sans objet, parce que la premiere où il avait donné la paix à son ennemi, n'avait laissé dans le cœur de celui-ci aucun souvenir de gratitude, il paraît annoncer que cette fois il est bien déterminé à lui donner une paix qui ne l'oblige à aucune reconnaissance ou même qu'une simple treve pendant laquelle il préparera sa ruine complette.

Il entre ensuite dans un parallele de la situation de l'Autriche après les batailles d'Austerlitz et de Wagram, et il veut prouver qu'après la premiere, l'Autriche était loin d'être aussi affaiblie qu'elle l'est aujourd'hui. Mais si réellement l'Autriche était alors dans la position qu'il dépeint, si elle pouvait encore trouver de si grands moyens dans la coopération de ses alliés, et dans l'armée du Prince Charles qui n'était pas entamée, pourquoi a-t-il dit que l'Empereur François avait laissé son sceptre parmi les débris sur le champ de bataille ? et quelle reconnaissance ce Prince lui doit-il pour cette paix qu'il prétend lui avoir donnée, s'il n'était réellement dans le cas d'en dicter les conditions? On voit que cet homme raisonne différemment selon le changement des circonstances, et qu'il s'inquiete peu d'être conséquent, de contredire impudemment ce qu'auparavant il a proclamé en face de l'univers, pourvu qu'il puisse répondre avec quelque avantage à un article de journal qui a blessé sa vanité. Nous voyons dans ce contraste qu'il établit entre la situation de l'Autriche après les batailles d'Austerlitz et de Wagram, qu'il veut mettre aussi une grande différence entre ces deux époques, et qu'il prépare à cette puissance une de ces dislocations qui, sous prétexte de la récomposer, la bouleversera, et qui, avec l'apparence de lui donner des compensa

pas

tions, ne lui laissera ni ce qu'elle possede légitimement, ni ce qu'il lui permettra d'usurper. Buonaparté prétend que l'expédition contre l'île de Walcheren ne pouvait avoir aucun résultat pour l'Angleterre, et il convient immédiatement après qu'elle a mis entre leurs mains une place imprenable par un siége régulier; ce qui est déjà un résultat assez important. Il est vrai qu'il y a quelque temps, il annonçait qu'il lui serait facile de chasser les Anglais de cette ville imprenable; mais comme nous venons de le remarquer, il s'inquiete fort peu d'être conséquent, de détruire une de ses assertions par une autre, et cela à quelques jours de distance, si une telle impudence satisfait la passion qui l'agite dans le moment, ou sert les projets qui l'occupent.

L'attaque contre Flessingue lui a, dit-il, procuré une nouvelle armée: nous doutons qu'il veuille employer cette armée, ni qu'il persiste à lui communiquer une impulsion qui peut dévier de son but primitif, et échapper à la cause qui l'a excitée, Nous le répétons, un tyran n'arme pas impunément une population mécontente, tourmentée de privations, et qui, après les sacrifices sans nombre qu'elle a faits pour continuer des guerres qui paraissent devoir être interminables, ne trouve pas même la sécurité au sein de la victoire, et se voit menacée dans ses propres foyers, au moment où ses armées occupent des contrées étrangeres. Déjà la bonne ville de Paris a perdu le droit momentané qu'on lui avait accordé de former une garde nationale pour occuper les différents postes. A peine organisée, elle est déjà relevée par la troupe de ligne, ce qui prouve ou que Buonaparté a menti quand il a parlé de l'enthousiasme avec lequel les parisiens ont formé cette garde, ou qu'il a craint de ne pouvoir la diriger selon ses vues.

Buonaparté continue à accuser de lâcheté le commandant qui a rendu Flessingue, et à menacer

de la mort celui qui a évacué le fort de Bahtz devant une force supérieure. Il paraît qu'il veut sacrifier ces deux militaires pour couvrir les fautes de son imprévoyance. Il sait bien que Flessingue n'a été rendue qu'après un bombardement auquel nulle force humaine ne pouvait résister, et contre lequel toutes les fortifications étaient inutiles; il sait bien, au moment où il écrit que le corps de la place était intact, qu'elle était au contraire presque démantelée, que l'incendie s'y manifestait de toutes parts.. Mais il lui faut des victimes pour satisfaire sa rage, pour servir sa politique; et dans l'explosion de ses pas*sions, dans l'effervescence de cet instinct féroce qui le pousse sans cesse au crime, il commence à déshonorer ceux qu'il s'apprête à frapper. 'Il vient de dire que Flessingue s'est rendu par l'effet de la terreur d'un bombardement, et quelques lignes plus bas il avoue que les Anglais ont obtenu leur succès par un bombardement: il est difficile de trahir plus d'irritation par plus d'inconséquence. Il fait ensuite un calcul qui malheureusement a été en partie "vérifié, et qu'il fonde sur l'effet de la saison et du climat sur les troupes anglaises débarquées à l'île de Walcheren, mais, avec son jugement ordinaire, il en conclut que "si vingt jours passés dans cette île doivent coûter un quart des troupes qui y débarquent (ce que ni lui ni l'événement n'ont prouvé), la santé des trois autres quarts doit être essentiellement altérée, et que, par conséquent, on doit considérer l'armée anglaise comme détruite, ou du moins comme devant rendre peu de services d'ici à deux mois." Ensuite, pour prouver sans doute aux Anglais qu'ils ne doivent plus essayer de tentatives de la nature de celle qu'ils voulaient diriger contre Anvers, il fait des moyens de défense de cette ville une énumération fastueuse qui prouve qu'il est loin de la regarder comme inexpugnable, et que la derniere expédition partie des ports d'Angleterre avait des

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chances de succès, reposait sur des combinaisong qui justifient ceux qui l'avaient projettée. Maintenant que le péril est passé pour lui, il annonce com: ment des armées qui n'existaient pas au moment où les troupes anglaises auraient pu marcher sur Anvers, les auraient attaquées, battues, cernées, annihilées. Il leur oppose Moncey qui était à Bruxelles, Bernadotte qui était sur le Rhin, le soidisant Duc d'Istrie qui était à Paris; et, des noms de ces généraux et de leurs hauts faits imaginaires, il compose une épopée qui n'est destinée sans doute qu'à amuser ou à tromper les badauts, de Paris. Pour ajouter à tout ce merveilleux, et pour prouver sa grande prévoyance, Buonaparté à l'effronterie d'avancer que quand il a su que l'armée anglaise était débarquée sur ce point, il a recommandé

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qu'on n'attaquat pas, qu'on laissât agir les maladies." Mais s'il n'a pas attaqué c'est qu'il man~ quait de troupes, c'est que bien loin de pouvoir attaquer il n'avait pas même laissé à Anvers les premiers moyens de défense: ce misérable charlatanisme, cette ruse puérile sont bien digues de son ignorance et de sa vanité.

[Nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain Numéro.]

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Notes du Moniteur du 27 Septembre, sur un Article intitulé: Etat de l'Europe, Extrait du Journal Anglais le Globe, du 19 Août 1809.

Globe.---Nous croyons pouvoir affirmer avec certitude, que depuis vingt ans, il n'est pas un moment où il se soit présenté d'aussi grands objets d'intérêt et d'anxiété que dans le mois d'Août actuel. Essayons de tracer, à vue d'oiseau, la situation de l'Europe dans cet intervalle de repos, pendant que le sort de l'Autriche et de l'Allemagne, quoique décidé, n'est pas encore scellé. La premiere figure qui attire nos regards, la figure la plus frappante, est Napoléon, le pied sur la gorge de son ennemi tombé et intimidé. Maître de Vienne, vainqueur du Danube, victorieux à Wagram, en possession de Brunn, de Presbourg et de Gratz; ayant forcé François à accepter un armistice; réunissant tous ses avantages et se trouvant lui-même au milieu de l'Autriche, il n'est, sans doute, que trop probable qu'il dictera la paix avant le 26 de ce mois, époque à laquelle les hostilités doivent recommencer, si la paix n'est pas conclue.. Cependant, il y a encore quelques rayons de lumiere au travers de ces tenebres. Nous ne pouvons pas considérer la monarchie autrichienne, son souverain et ses armées comme aussi humiliés qu'ils l'étaient après la bataille d'Austerlitz: on ne parle pas d'une entrevue dans un moulin à vent*.-On ne dit plus rien de la marche des auxiliaires russes annoncés

Notes. S'il n'y a point eu d'entrevue, c'est que l'Empereur Napoléon ne l'a pas voulu. La premiere où l'Empereur avait donné la paix à son ennemi, n'ayant laissé dans le cœur de celui-ci aucun souvenir de gratitude, il devenait évident qu'une nouvelle entrevue était sans objet.

VOL. XXVII.

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