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mer l'esprit, élevassent la voix en faveur de l'hospitalité et menaçassent du courroux du ciel les spoliateurs des établissements consacrés à l'infortune. Ces bienfaits légués aux générations souffrantes, étaient dus aux largesses des souverains et des grands de l'empire. Constantin devenu chrétien, donna le premier l'exemple. Tout l'Orient se remplit, dans les siecles suivants, d'hôpitaux, de monasteres, dont les pieux habitants observent encore aujourd'hui leurs regles primitives. Placés souvent dans des lieux écartés et dangereux, ils veillent pour recueillir le voyageur fatigué, et l'on peut parcourir toute la Grece, en se reposant sous leurs toits religieux: ils ne sont pas tous savants, mais tous sont secourables; et si quelques superstitions se sont introduites parmi eux, elles seront jugées avec indulgence par celui qu'ils auront reçu, nourri, ou accompagné dans des routes périlleuses. Des pachas; abusant de leur pouvoir, souvent les oppriment et les rançonnent; mais le gouvernement turc n'a jamais conçu l'idée de les anéantir, et leurs oppresseurs même ont peine à se défendre de quelque respect pour leur vie frugale et leur réputation de charité.

Bien peu d'hommes en effet, rendus à euxmêmes et dans le silence des passions, refusent un hommage intérieur à d'utiles vertus dont ils sont témoins, et si des institutions bénies durant des siecles ne sont plus, on aime à se reporter vers ces temps où de si généreux sacrifices étaient prodigués au malheur. On applaudit à l'écrivain qui, avec l'éloquence de la persuasion, en a si noblement consacré la mémoire, et qui, par le charme d'un style à la fois poétique et religieux, sait associer tous les cœurs à ses regrets mais quelles impressions de tels souvenirs portent surtout à l'âme du voyageur qui, dans ses courses pénibles, a chaque soir demandé l'hospitalité, ou qui, sur les mers,

a vu sa liberté menacée par les brigands d'Afrique ? Près d'être atteint par le chébeck algérien, c'est alors qu'il se rappelle ces héroïques religieux, qui seraient accourus pour rompre ses fers ou s'offrir à sa place ; qu'il rend hommage à ces ordres guerriers qui, tout à la fois, soignaient les malheureux et combattaient pour leur défense, dont les exploits sans nombre réveillerent et soutinrent le courage de l'Europe menacée de sa ruine, et qui, fideles à leurs lois et à l'esprit de leur institution jusque dans ces jours tranquilles où le zele languit faute d'obstacles, ne cesserent jamais leurs généreuses et touchantes fonctions! De tous ceux qui, sans les connaître, les ont calomniés, j'aime encore à croire qu'il n'en est pas un seul qui n'eût éprouvé une vive émotion en entrant, à Malte, dans ce magnifique hospice, ouvert à toutes les nations, à tous les cultes, à l'humanité toute entiere. C'est là qu'il aurait appris avec quelles recherches de bonté l'on peut adoucir l'infortune, et qu'il aurait vu, pour la premiere fois, le luxe lui-même revêtir le saint caractere de la bienfaisance. Un malheureux paraît; il est porté sur un brancard; c'est un étranger, un inconnu, un pirate, peut-être, qui la veille encore expiait dans les fers ses attentats contre la société : ceux dont la valeur le désarma s'empressent en ce moment au devant de lui; ce n'est plus un ennemi, ce n'est plus un coupable: c'est un être souffrant, un être sacré. L'un des princes de l'ordre, le grand hospitalier l'accueille et le console; l'infortuné, quel qu'il soit, se voit aussitôt servi par ces braves guerriers qui tant de fois lui inspirerent le respect et la crainte; et les maîtres de son sort lui montrent plus de zele qu'ils n'en exigeraient eux-mêmes de l'esclave le plus soumis ; des mains habiles préparent au malade les secours de l'art; tous ses besoins sont prévus, ses caprices même sont satisfaits; et par une magnificence digne de l'association souve

raine qui n'existe que pour la défense et le soulagement du pauvre, tous ces remedes, tous ces secours lui sont présentés dans de riches vaisselles, dons successifs des généreux chevaliers. Ce luxe dont il est surpris, flatte ses douleurs; le bonheur de se voir l'objet de tant de soins lui inspire la confiance et l'espoir, les plus efficaces sans doute de tous les remedes. Eh! quel cœur assez dur pour reprocher à des hospitaliers de placer leur faste dans des hőpitaux, et de le consacrer au service du malheur !

Heureux les peuples qui conservent encore les nobles monuments de l'humanité de leurs peres ! chez qui le voyageur égaré connaît d'avance la porte où il peut frapper; l'indigent, l'asile où il exposerá ses besoins; où des secours assurés attendent les maux de tous genres, et où les plus douces consolations sont promises à toutes les douleurs! Heureuses les nations qui n'ont jamais repoussé l'opprimé que les discordes civiles privaient de sa patrie! on pourra, sans craindre de les blesser, sans les condamner à d'humiliantes comparaisons, célébrer la bonté généreuse et compatissante. Les infortunés surtout qui trouverent chez elles un refuge aux jours du malheur, sentiront le charme attaché au rapprochement de ces antiques et de ces modernes souvenirs. Ce ne seront pas eux du moins qui me reprocheront, lorsque je n'avais annoncé que de simples notions sur la piété musulmane envers les voyageurs, d'avoir pu me laisser entraîner à rappeler d'autres bienfaits de l'hospitalité. Celui qui en éprouva si long-temps l'heureuse influence, n'est-il pas excusable de s'être oublié dans un tel sujet, de ne le quitter même qu'à regret? Je puis, en effet, dire comme Ménélas: "Et moi aussi, je fus errant, et moi aussi, je fus étranger;" mais plus heureux que le prince grec qui promena chez des peuples divers ses malheurs et ses longs ennuis, la nation qui accueillit mon infortune ne laissa pas un moment égaVOL. XXVII.

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rer mon espérance. Ses généreux souverains ne se sont pas bornés à me tendre une main protectrice, à m'accorder un asile; ils m'ont rendu des foyers, une patric; ils ont étendu leurs bienfaits, et imposé des obligations sans cesse renaissantes, à ma postérité la plus reculée. Tous ceux que le ciel a fait naître sous leur empire, ont partagé ces généreux sentiments. Sous la tente du Cosaque, comme dans les palais les plus somptueux, avec la simplicité des mœurs patriarchales, ainsi qu'avec les formes les plus délicates de la civilisation, le malheur, en d'autres pays traité comme un crime, fut là toujours accueilli, respecté, secouru. Oh! que l'aspect de cette bienveillance générale est doux au cœur du proscrit! Quels souvenirs y restent gravés ! Et qui voudrait restreindre sa reconnaissance, ou lui en mesurer l'expression, lorsqu'il ajoutera que, sur cette terre hospitaliere, il a joui de l'inappréciable bonheur de ne voir jamais un seul de ses compatriotes délaissé, ou méconnu dans son honorable indigence? Nos voix reconnaissantes ne se lasseront donc point de célébrer les mânes révérés de nos bienfaiteurs, et d'appeler d'intarissables bénédictions sur l'héritier magnanime de leur puissance, ainsi que sur son auguste mere, modele de tant de vertus, et dispensatrice des bienfaits du pouvoir suprême dans ce vaste empire.

ROMAN NOUVEAU,

La Famille Wieland, ou les Prodiges, par Pigault
Maubaillarcq, 4 vol.

Un Cartel, signé Donnadieu!....disait Beaumarchais, dans ses Mémoires: Il y a de quoi faire pálir d'effroi l'homme le plus courageux.

y a rire.

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Un Roman signé Pigault !....dirons-nous : de quoi faire pâmer d'aise tous les amateurs du

Rassurez-vous! continuait le pere de Figaro ; ce n'est point ce Donnadieu, maître d'armes....

Ne vous pressez pas! ajouterons-nous. Ce n'est point ce Pigault, auteur de l'Enfant du Carnaval, de la Folie espagnole, de Mon oncle Thomas, etc. Ces Messieurs sont freres, à la vérité; mais jamais productions respectives n'eurent moins un air de famille. Si l'un écrit dans un bosquet de roses, l'autre compose à l'ombre des cyprès. Cela ne prouve rien néanmoins contre ce dernier. Chacun a son mérite.

Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux.

Il faut des étoffes pour tous les goûts; il faut de tout dans une famille, dit M. Pigault-Maubaillarcq, dans son Epître à son joyeux frere; et il a consenti à devenir Jean qui pleure, puisque ce frere est en possession depuis si long-temps d'être Jean qui rit. Il prévient au surplus les lecteurs trop sensibles, à qui les romans d'Anne Radcliffe ont fait trop d'impression, de ne point entreprendre la lecture de son livre, parce que l'ébranlement moral qu'elle leur ferait éprouver serait d'un effet incalculable et terrible. C'est un moyen ingénieux qui doit opérer On dévorera cette précisément l'effet contraire.. production fortement conçue, très-bien écrite, con

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