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1o. Garnerin a dû mourir, parce que s'étant élevé très-rapidement, le refoulement de la colonne d'air a dû l'étouffer.

2o. Il a dû mourir d'apoplexie, parce que dans les hautes régions où il s'est élevé, l'air est néces→ sairement condensé ou raréfié, chaud ou froid. S'il est condensé, les poumons ont été comprimés outre mesure, le sang a reflué vers la tête, et les vaisseaux cérébraux de M. Garnerin ont éprouvé une dilacération considérable; de sorte que cette partie doit être maintenant en fort mauvais état chez lui. Si l'air est raréfié, la colonne d'air ayant cessé d'exercer une pression suffisante, le sang s'est porté rapidement du centre à la circonférence, et il en est résulté l'hémorragie, l'hémiplégie et l'apoplexie qui est le terme de la vie.

Ainsi, de toute façon, M. Garnerin a dû mourir; et s'il n'est pas mort, il faut le tenir pour tel, attendu la sûreté des principes et la dialectique rigoureuse du docteur. Il est constant néanmoins que le Dédale moderne refuse obstinément d'acquiescer à la sentence. Déjà même il est de retour à Paris, et pour montrer combien il brave l'hémiplégie, l'apoplexie et l'hémorragie, il se dispose à faire, la semaine prochaine, un nouveau voyage dans les airs. N'est-ce pas se jouer bien cruellement des arrêts de la faculté ?

Rentrées et Débuts sur les Théâtres de Paris.

La rentrée de Talma et celle de Mde. Branchu ont produit tout l'effet qu'on en devait attendre. La salle était pleine à l'Opéra et aux Français. Les deux virtuoses ont été accueillis au bruit des plus vives acclamations. Talma a joué le rôle de Man

lius; c'est un de ceux où ses talents se déploient avec plus de profondeur et d'énergie. Il ne laisse rien à désirer dans la scene de la lettre; sa démarche, ses traits, sa voix, tout est admirable. Il paraît difficile de porter plus loin l'art de l'imitation. Le mérite et la réputation de cet acteur s'accroissent tous les jours. Il a courageusement réformé les défauts de sa déclamation; il a donné à son jeu plus de justesse et de régularité, à son style plus de mesure et de dignité; il s'est attaché à suivre plus fidelement les mouvements de la période poétique; il a su enfin réprimer la fougue d'une imagination ardente et impétueuse, et régler son jeu sur les lois du goût.

Madame Branchu est la premiere cantatrice de FOpéra Français. Elle réunit à un rare degré le talent musical et le talent dramatique; elle surprend, étonne et ravit par les beaux effets de sa voix: elle frappe, touche, attendrit par la vérité de son jeu, la chaleur et l'énergie de son âme. C'est le plus beau présent que le conservatoire ait fait à l'Académie Impériale de Musique. Le soin de sa santé la tenait depuis quelque temps éloignée du Théâtre. Elle y a reparu dans le rôle de Didon; et jamais elle ne s'est montrée plus grande cantatrice et plus habile actrice.

que

Madame Luret n'a pas eu un auditoire aussi nombreux que Talma et Mde. Branchu; car la piece dans laquelle elle a reparu (les Femmes vengées) n'est d'un médiocre intérêt: mais elle a charmé tous ceux qui l'ont entendue. Nulle voix n'est plus fraîche, plus pure, plus capable de tous les développements de l'art musical. Sa méthode annonce la meilleure école. Elle est, comme Mde. Branchu, éleve de l'Orphée Parisien, c'est-à-dire de M. Garat.

d'un

Les deux débutantes du Théâtre Français sont genre fort différent: l'une se destine aux fonctions de soubrette, et paraît appelée à s'y faire une brillante réputation. Elle est éleve de Michot, l'ac

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teur le plus franc, le plus gai, le plus naturel du Théâtre. La nature l'a douée de ses dons les plus précieux. Elle est jolie et bien faite; sa voix a de l'étendue et du charme. Sa figure est pleine d'expression; son jeu spirituel et animé. Elle a débuté dans le rôle de Dorine du Tartuffe : c'est un des plus difficiles de son emploi ; mais ces difficultés ont disparu devant son talent facile et agréable. On peut lui reprocher quelques imitations trop exactes de Mlle. de Vienne, et des effets de voix qui tendent à en altérer la belle qualité; d'ailleurs elle a fait le plus grand plaisir. Elle se nomme Mlle. d'Artaux.

La nouvelle tragédienne s'appelle Mlle. Fontanier. Elle se présente pour l'emploi de Mlle. Georges dont l'évasion laisse une place vacante; mais elle n'est pas riche d'autant de charmes. Elle est assez grande, d'une taille déliée, d'une figure douée d'intelligence et d'esprit ; elle a fait preuve de talent dans plusieurs passages du rôle d'Hermione de la tragédie d'Andromaque, et surtout dans la belle scene de l'ironie. D'ailleurs sa voix est faible et ses moyens physiques ne paraissent pas répondre à l'étendue de ses moyens intellectuels. On assure qu'elle a reçu une éducation très-soignée, et qu'elle n'est pas même étrangere aux beautés de la langue de Virgile et d'Ovide. Ces avantages sont précieux pour son art, mais ils ne suffisent pas. Il faut attendre un second début pour la juger. Car la justice oblige de dire qu'une extrême frayeur lui a dérobé une partie de ses facultés, et que la consternation semblait empreinte dans toute sa personne.

Mademoiselle Landier qui a débuté à l'OpéraComique est aussi très-timide; c'est même la défiance de ses propres forces qui l'a déterminée à reculer l'époque où elle se proposait de faire le premier essai de ses talents. Elle est grande, bien faite et belle, et avec un peu plus d'embonpoint on pourrait la regarder comme une beauté parfaite. Sa voix

dont la qualité est brillante et agréable, a beaucou d'étendue, de flexibilité et de légéreté. Sa méthode annonce du goût, une étude sage et raisonnée; mais son jeu est presque nul. Elle a paru successivement dans les rôles de Kesy du Calife de Bagdad, et d'Armentine dans Une Folie.

Pieces Nouvelles jouées à Paris dans le Commencement de Septembre.

Un mélodrame froidement accueilli à l'AmbiguComique, une petite comédie écoutée avec beaucoup de patience au Vaudeville, le retour de Talma à Paris, la rentrée de Mde. Branchu au Grand-Opéra, celle de Mde. Duret à l'Opéra-Comique, le début de deux actrices aux Français et de Mlle. Landier à Faydeau; voila à peu près ce qui compose nos nouveautés dramatiques.

Le mélodrame a pour titre, l'Enlevement ou Léonore de Wolmar. Cette Léonore est une jeune et belle Espagnole promise à un comte Léon, qu'elle aime beaucoup. Son pere est un homme depuis long-temps retiré de la cour et vivant dans ses terres en philosophe. Un Duc de Floresca, gouverneur de Tolede, entend vanter la beauté de Léonore et forme aussitôt le projet d'en faire une Duchesse, gouvernante de Tolede; mais le pere et la fille refusent obstinément d'entrer dans ses vues. Que faire dans ce cas? se consoler et chercher une autre femme. C'est assez l'avis de Floresca; mais les grands ont toujours auprès d'eux quelques conseillers pervers pour dénaturer leurs bonnes intentions et les porter au mal. Un vil flatteur, nommé Don Pedre, témoin des chagrins de son maître, parvient à lui persuader que Léonore n'aime point Léon, que c'est une victime sacrifiée aux caprices VOL. XXVII.

D

de son pere; qu'elle sera charmée d'être enlevée. Floresca saisit cette idée avec empressement et charge son cher Don Pedre de tous les détails du rapt. L'entreprise réussit à souhait; mais Volmar et Léon accourent et réclament, l'un sa fille, l'autre son amante. Floresca reconnaît bientôt qu'on l'a trompé; et comme il a le cœur naturellement droit et l'âme bonne, il rend Léonore à sa famille et chasse Don Pedre, en se rappelant ces vers de Racine:

Détestables flatteurs, présent le plus funeste
Que puisse faire aux rois la colere céleste.

L'auteur de cet ouvrage mérite de justes reproches. Il a négligé ou méconnu les beautés principales et les premiers ressorts du genre: point de ballets, point de combats, point de marches militaires, nulle pompe dans le spectacle, nul jeu de machines et de décorations; rien enfin de ce qui fait la gloire et l'appui du mélodrame. Aussi l'auditoire lui a-t-il donné une bonne leçon en lui témoignant beaucoup d'indifférence.

La piece du Vaudeville a pour titre, Madame de Mazarin chez Saint-Evremond; car depuis. quelque temps, toutes les pieces de ce genre se passent en visites que se rendent très-réguliérement les personnages les plus célebres des deux derniers siecles. L'auteur de cet ouvrage est un jeune homme qui paraît encore fort novice. Ses acteurs pensent peu et parlent beaucoup; son Saint-Evremond a tous les travers des mauvais poëtes; il se loue lui-même avec une complaisance admirable; il ne tourne pas un couplet sans parler de la gloire qui l'attend et de l'admiration que la postérité lui réserve. Malheureusement ses couplets sont très-mauvais, et sa prose ne vaut pas mieux que ses vers. Ce n'est pas là le Saint-Evremond que nous connaissons.

Après lui le personnage principal est un jeune

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