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nouveau monde: un passager lui donne son nom. Bel exemple des quiproquos de la gloire!

"Les beaux dits des héros ne font effet que quand ils sont suivis du succès.-Tu conduis César et sa fortune......Mais s'il s'était noyé ?Et moi aussi, si j'étais Parménion !....Mais s'il avait été battu?-Prends ces haillons et rapporte-les-moi dans le palais Saint-James.....Mais Edouard est battu." "César laisse tomber de sa main la condamnation de Ligarius quand Cicéron parle pour lui. Cela est plus beau que le trait d'Alphonse, roi de Naples, qui ne chassa une mouche de dessus son nez qu'après avoir été harangué.”

"Un anglais, membre du parlement, disait: Si M. Robert Walpole ne m'envoie pas de l'argent, je

voterai selon ma conscience."

Ces morceaux suffiront pour faire reconnaître la maniere de Voltaire; on y retrouve la finesse de ces aperçus, et l'originalité de ses rapprochements. Le manuscrit, écrit en entier de la main de Vanieres, a été pendant long-temps à la disposition de M. de Villevieille; il a été remis à M. Piccini fils, et c'est à lui que nous en devons la publication.

Une nouveauté qui écrase maintenant à Paris toutes les autres, c'est le Colosse de Rhodes, mélodrame, que l'on joue depuis quelque temps au théâtre de la Gaîté. Rien ne manque à ce chef-d'oeuvre pour captiver, séduire, enchanter le public: enlevement de princesse, tyran, forban, rochers, citadelle, combats, tonnerre, éclairs, tempêtes, ouragans, et pour finir convenablement, un tremblement de terre qui renverse le colosse de Rhodes. Ce colosse est lui-même pour les spectateurs un sujet d'admiration et de ravissement. Ses pieds énormes s'appuient sur deux rochers, sa tête se perd dans

les toiles qui servent de eiel, et son corps est peuplé de guerriers et de victimes. C'est le Gargantua du théâtre. Pour égayer le sujet, on y a joint les ballets; car que serait un tremblement de terre sans ballets! On croit que cette piece rapportera 100,000 f. au théâtre de la Gaîté. Ce genre de spectacle est toujours sûr de réussir; il ne faut pour en jouir que des yeux. Il faut, pour jouir des chefsd'œuvres de Corneille, de Racine, de Moliere, de l'esprit, du goût, du sentiment; ce qui n'est pas aussi commun aujourd'hui que des yeux.

Les ouvrages français qui présentent en ce moment le plus d'intérêt, sont l'Histoire du dix-huitieme siecle par M. Lacretelle; une nouvelle Histoire de Inquisition, par M. Lavallée; des Lettres russes, par M. de Selves, et une Description des Pirénées, par M. Azaïs. On a publié aussi une traduction de Ï'Iliade en vers, par M. Aignan; un poëme en douze chants, intitulé Napoléon en Prusse, par M. Bruguiere du Gard, et un autre poëme de quelques pages, intitulé la Felenoniade, par M. Panard.

Il existe en outre un roman de Mme. SimonCandeille, intitulé, Lydie; et un Voyage en Espagne, de M. Lantier. On jouit aussi d'un poème de M. Campenon, dont on connaît déjà quelques fragments pleins de goût. Il a pour titre la Maison des Champs.

Si l'on veut, dans un autre genre, des ouvrages singuliers et curieux, il faut lire les Considérations sur les Causes et les Effets de la Fievre, par le Docteur Judel, médecin de Montpellier, et la Médecine perfective, par M. Millot.

Le but du docteur Judel est de prouver que, pour se bien porter, il faut avoir la fievre; que la découverte du quinquina est une calamité pour le

genre humain, et que tous les remedes fébrifuges sont des poisons qu'il faut bannir de toutes les pharmacies. Il prouve la dignité de la fievre par son antiquité. Son origine se confond avec celle du monde; elle entre comme partie essentielle dans le grand plan de la nature. Les Grecs et les Romains lui avaient érigé des autels, et les érudits ont découvert des inscriptions où la fievre est qualifiée de divine fievre, sainte fievre, grande fievre. Le docteur Judel entreprend aussi de nous démontrer.` notre ingratitude envers l'astrologie judiciaire et le mesmérisme; il nous assure qu'il existe une chaîne nécessaire entre les astres et les corps sublunaires, et que les émanations des corps célestes déterminent nos affections, notre santé et nos maladies. Ces émanations produisent aussi les orages, le calme, les vents, la pluie et le beau temps; de sorte que, si l'on veut se bien porter, il faut consulter les astrologues et non pas les médecins.

M. Millot est d'une opinion tout opposée ; il croit au contraire que c'est au médecin qu'appartient l'honneur de régénérer la nature. Le but de sa Médecine perfective est d'améliorer la race humaine et de fournir aux nations des individus mieux conformés, plus robustes et plus sains. Il veut d'abord qu'un époux, avant d'aspirer aux honneurs de la paternité, choisisse un temps favorable, qu'il donne la préférence au printemps, cette saison si brillante, si jeune, si propre à communiquer la vie à tous les êtres! Il veut qu'une jeune épouse devenue mere regle ses passions, ses plaisirs, sa nourriture, afin que son enfant vienne au monde non-seulement avec une bonne complexion, mais avec une âme honnête. et un bon naturel; car il est persuadé que l'âme des enfants dépend un peu de celle de leur mere, et la bonté du naturel de la bonté des aliments. Il n'est pas moins convaincu que le fétus est sujet, dans le sein même de sa mere, aux mêmes passions que nous;

qu'il est colere, jaloux, ambitieux, mutin, et voilà pourquoi il y en a tant qui donnent des coups de pied à leur mere.

Quant aux cris des nouveaux-nés, M. Millot défend expressément de les apaiser. Il affirme qu'ils deft de la plus necessit pour santé l'ens sont de la plus haute nécessité pour la santé de l'enfant, et plusieurs nations sont tellement pénétrées de ce principe, que dans l'Inde, où les enfants ne crient pas, leurs charitables parents ont soin de les fouetter avec des orties. Ces opinions paraîtront singulieres ; mais l'ouvrage de M. Millot n'en est pas moins utile sous beaucoup de rapports: il contient souvent des observations justes et des vues très-sages. Il est à présumer qu'en suivant ces préceptes, on épargnerait à l'humanité beaucoup de difformités qui avilissent quelquefois la majesté du roi des animaux.

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Parmi ces difformités, on peut citer un enfant que l'on montre en ce moment sur le boulevard Poissonniere. Il a quatre ans et demi, et présente déjà tous les signes de la virilité. Sa taille n'excede pas les proportions de son âge; mais sa tête est forte et chargée d'une chevelure très-épaisse; sa face est large, joufflue et colorée. Sa poitrine présente des formes dont plusieurs dames pourraient s'honorer. Cet enfant est né à Saint-Aubin-sur-Yonne, village situé à une lieue de Joigny. Il est gai et annonce de l'intelligence.

Près du lieu où l'on fait voir cet individu on montre aussi un autre enfant extraordinaire. Il a dix ans, mais il est plus fort et plus grand qu'on ne l'est ordinairement à cet âge. Dans toute la partie postérieure de son corps, à partir du cou et des épaules jusqu'a l'origine des cuisses, sa peau est d'un brun-noirâtre, quoique très-blanche dans les autres endroits; elle est épaisse, chargée de mucosités, de poils denses, mais doux, soyeux et de couleur blonde. Cette partie est habituellement beaucoup plus chaude

.que

le reste du corps. Les épaules de l'enfant sont en ontre remarquables par la facilité avec laquelle elles se meuvent; il les rejette en arriere et les éloigne si fortement de la poitrine qu'elles paraissent former comme deux ailes. Cette disposition n'est pas très-rare et se rencontre quelquefois chez les personnes atteintes de marasme. La mere de cet enfant assure qu'il est né sur les bords du Gange; et comme il faut toujours relever les choses par un peu de merveilleux, elle ajoute qu'étant grosse de six semaines, elle fut poursuivie par une troupe de noirs qui lui troublerent tellement l'imagination qu'il en est résulté un enfant noir comme eux et blanc comme elle. On trouve dans les Oeuvres de Buffon plusieurs exemples de pareils phénomenes.

La scene française est ménacée de perdre encore un de ses plus illustres sujets. La maladie de Dugazon a pris tout à coup un caractere qui fait craindre pour la lucidité de ses idées. Ce n'est plus ce favori de Thalie d'une originalité si vive, d'une verve si piquante et si enjouée, dont la présence seule inspirait la gaieté. Aujourd'hui entouré de canards hupés, de poulets d'Inde, de perroquets, d'écureuils, c'est dans ce cercle innocent qu'il renferme toutes ses pensées. Les choux de son jardin forment son auditoire; et au lieu des applaudissements du public, toute son ambition se borne à entendre le gloussement de ses poulets, et les cris de ses oies. Un baquet rempli d'eau de son puits, lui sert de bassin dans son jardin, et deux cannetons lui représentent les cygnes des Tuileries. Il fuit la société, il s'enveloppe dans la tristesse et la mélancolie; tout annonce enla muse de la comédie ne le reconnaît plns pour son intreprête.

fin que

(Dugazon est mort le 16 Octobre, il était âgé de 64 ans.)

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