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LES EVEQUES D'IRLANDE ET M. MILNER,

Réfutés par le BREF Quum memoranda de
PIE VII, du 10 Juin 1809.

Par P. L. BLANCHARD, Curé de Saint Hypolite.

L'impression de notre Réponse à la Déclaration et aux Censures des Evêques d'Irlande du 3 Juillet 1809, s'achevait au moment même que M. Peltier publia en Latiu et en Italien, puis en Français, le Bref de Pie VII, qui condamne à un silence éternel tous les apologistes du nouvel ordre religieux et politique en France. Notre premiere pensée fut de suspendre la publication de notre ouvrage pour y ajouter, en forme d'appendix, les preuves non suspectes, mais décisives que ce Bref nous offre en grand nombre. Mais afin de montrer d'une inaniere sensible que le triomphe de la vérité, soutenue par nous, n'avait pas besoin de cette autorité inattendue et qu'indépendamment des aveux de Pie VII, notre défense était assurée, nous avons pu. blié l'Opposition. Notre espoir n'a pas été trompé ; la partie éclairée du Clergé Français applaudit hautement à l'exposé de nos principes, et les Concordatistes sont réduits à dévorer secrétement leurs chagrins.

Cependant nous ne croyons pas devoir négliger le précieux avantage que présente à notre apologie une nouvelle Opposition directe des Evêques d'Irlande et de M. Milner, sur des principes essentiels, sur des faits décisifs, au Pontife même qu'ils font une si VOL. XXVII. 2 L

haute profession de respecter et dont ils soutiennent 'tous les actes comme bons, légitimes et nécessaires. Cette opposition paraît vivement sentie de tout le monde, même de nos Concordatistes, Pressés par cette publication imprévue, ils voudraient insinuer que ce Bref qui les importune, est supposé. Vaine ressource! La voie par laquelle il est parvenu en Angleterre, et que nous indiquerons à ceux qui le désireront, ne permet d'élever.aucun doute sur son authenticité. Il s'accorde d'ailleurs parfaitement avec le style de la Cour Romaine, avec les nombreuses protestations de Pie VII en 1808, avec les annonces d'une excommunication de Buonaparté, généralement répandues depuis quelque temps; enfin, avec le caractere connu de ce Pape infortuné, dont tous les pas, depuis qu'il s'est livré aux révolutionnaires de France, ont été marqués par une faiblesse inconcevable, et le sont encore dans l'acte même où il montre quelque fermeté.

Nous convenons donc que Pie VII n'a pas encore rempli toute justice, ni satisfait à toute l'étendue de son devoir pour la pleine réparation des malheurs de l'Eglise, cansés par sa condescendance. La divine Providence qui ne cesse de veiller sur le royaume spirituel de Jésus-Christ l'a amené à cette extrémité d'infortune personnelle et d'excès exigés de son autorité, qui enfin éclaire, révolte et commande la résistance; mais il n'a pas encore vu toute la profondeur de l'abîme où il s'est précipité. Il semble vouloir en sortir; mais à peine ose-t-il en retitirer un pied timide, si je puis ainsi parler. Il ne rétracte pas le Concordat d'une maniere formelle, mais en termes obscurs, embarrassés, et peut-être inspirés encore par les préjugés ultramontains. Il ne donne aucune des marques publiques de repentir qu'il doit à l'Eglise, à la justice, à sa conscience; A moins que les deux allocutions consistoriales dy

16 Mars et du 11 Juillet 1808, que nous n'avons pas, mais dans lesquelles il déplore tous les désastres de l'Eglise, ne les contiennent. Il se représente au contraire, comme un juste persécuté. Il condamne, il est vrai, les continuels attentats des persécuteurs contre l'Eglise ; mais il ne fait point porter l'excommunication sur ces attentats. Il montre à l'univers un Pontife armé de censures contre les usurpateurs des biens temporels de son Eglise ; et désarmé, lorsqu'il s'agit de ce que le sanctuaire a de plus sacré. Comme, par un reste de ses premieres frayeurs, il ne nomme pas Buonaparté dans cet acte solennel, il se contente de le désigner clairement. II dénonce les criminelles tentatives de ce tyran contre l'Eglise Catholique, ses profonds artifices, sa perfidie caractéristique, ses vues ultérieures de ruine et de destrnction, sans avouer son propre concours avec lui ce concours, si long, si funeste, déploré par tous les gens de bien, la vraie cause des malheurs qu'il se voit forcé de révéler au monde.

Recevons cependant avec reconnaissance ce qu'il nous accorde en ce moment, avec l'espoir qu'instruit de plus en plus par le malheur, il jettera un regard plus fixe sur le passé, il osera envisager et comprendre dans une nouvelle confession tous les maux qui, par sa faiblesse, affligent aujourd'hui l'Eglise qu'il devait soutenir, à l'exemple de son prédécesseur.-La Providence a daigné nous envoyer ce secours dans le temps même où la tentation était presque à son comble pour les simples fideles qui, d'un côté, voyaient les Vicaires Apostoliques d'Angleterre censurer la sainte doctrine de l'Eglise Catholique exposée dans les impérissables réclamations des légitimes Evêques de France; et de l'autre, le corps entier des Evêques d'Irlande appuyer ccs censures par un exercice éclatant de l'autorité pastorale, avec plusieurs autres circonstances qui formaient autour d'eux comme une irrésistible séduction.

O vous done, auxquels un aveugle respect pour Pie VII mettait devant les yeux un voile épais qui empêchait de voir les malheurs de l'Eglise de France que nous avons retracés; vous, que l'ignorance des faits a principalement jetés dans l'erreur, et par suite dans l'injustice, rendez-vous du moins attentifs à la voix de Pie VII qui vous parle aujourd'hui. Il va vous instruire de ces faits que vous ne connaissiez pas; il va consacrer pour vous les principes que vous avez

censurés.

Quvrez le Bref du 10 Juin 1809, et dites-nous d'abord ce qu'il contient de favorable à l'Etat de la religion en France, en Italie, dans tous les lieux où les persécuteurs ont porté les armes et leur impiété? Rien, rien absolument rien de favorable n'y est énoncé. Tout y est montré sous les plus noires couleurs; ce ne sout d'un bout à l'autre que maux, plaies, atteintes, malheurs, désastres, projets impies de les porter encore plus loin, et le pinceau de Pie VII est devenu semblable à celui des écrivains contre le Concordat; tandis que le vôtre ne retrace que bonheur pour l'Eglise, avantage, prospérité, censures contre ceux qui ne peuvent voir ces biens imaginaires. Ainsi, le fait de la ruine de l'Eglise Gallicane posé et prouvé par nous, mais nié vaguement et sans preuves, est solennellement youé par Pie VII, qui condamne ici le principal motif pour lequel nous sommes chargés d'anathême.

Et remarquez que cette opposition générale entre Pie VII et les Evêques censeurs, ne leur laisse aucune ressource. Dès qu'ils sont forcés de reconnaître, sur une autorité non suspecte en ce point, la déplorable chute de l'Eglise Catholique en France, ils sont obligés d'admettre plusieurs de nos propositions censurées par eux, lesquelles énoncent simplement ce fait. Ils éleveraient en vain des disputes sur les véritables causes de ce désastreux résultat qu'ils ont nié absolument,

Pie VII, en déclarant les Français usurpateurs de l'Etat Ecclésiastique dont ils se sont emparés, et leur nouveau gouvernement établi à Rome, un gouvernement injuste et illégitime, déclare par là même, pour quiconque sait déduire une conséquence, Buonaparté usurpateur du trône de France et l'illégitimité de son prétendu gouvernement; il condamne du même coup, et le serment de fidélité envers cet usurpateur prescrit par le Concordat, et l'acte par lequel il l'a sacré pour le rendre vénérable au peuple français, et condamne également les Evêques d'Irlande qui approuvent tous ces actes comme bons et légitimes, et M. Milner surtout qui n'a pas rougi d'écrire que ce tyran a reçu du Ciel le pouvoir sans bornes qu'il exerce sur toute l'Europe, dès-lors le pouvoir qu'il exerce sur Rome même, et qui provoque les plus justes protestations du Pape.

Certes, le dépouillement de l'Eglise particuliere de Rome est le comble de l'injustice, un attentat révoltant en lui-même et plus encore par les vues de ses auteurs, un acte insigne d'impiété; Pie VII a été tenu en conscience, par justice, par serment, de réclamer; il a pu, il a dû répondre, comme il a fait, avec le saint homme Naboth, propriétaire de sa vigne: Dieu me garde de cédèr ainsi l'héritage de mes peres! Mais par quelle fatalité la spo liation de l'Eglise Gallicane n'est-elle pas aussi injuste que celle de l'Eglise de Rome? Est-ce donc que les Evêques de France n'étaient pas obligés, par les mêmes titres, à la même réclamation? Est-ce que Pie VII pouvait, avec quelque ombre de justice, approuver les modernes Achabs dépouillant de véritables Naboths propriétaires des riches possessions qui leur ont été ravies? Je redirai donc encore ici aux Prélats censeurs: montrez-nous la différence entre les biens de l'Eglise Gallicane et ceux de l'Eglise de Rome, que les uns sont plus sacrés que les autres, ou que le Pape a sur les premiers

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