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un droit de propriété qu'il n'a pas sur les seconds ? Cette tâche est impossible à remplir. Voilà la pierre contre laquelle vous vous briserez toujours, et la borne fatale que vous ne franchirez jamais.Plusieurs articles du Bref concernant l'usurpation temporelle, font de la peine, sans nuire aux preuves que nous venons d'en tirer. Pie VII déclare que les usurpateurs ne pourront être absous qu'après avoir satisfait pour les crimes du dépouillement; il ne spécifie que ces crimes à expier, afin qu'ils puissent rentrer dans la bergerie: comme s'il ne tenait qu'à cette réparation pour être digne du bienfait de la réconciliation. Il semble que tous les crimes précédents ont disparu, le Pape ne voit que ceux qui ont été commis depuis l'invasion et par l'invasion. Il a oublié tous ceux qu'il a pleurés dans ses deux allocutions. Il fait dépendre tout le sort de la religion, de la conservation de sa souveraineté, comme pour insinuer qu'il a pu sacrifier ailleurs tous les droits sacrés au maintien d'un pouvoir temporel qui lui paraît nécessaire. Les Papes en ont été privés long-temps, et ils ont fait de grandes choses, et l'Eglise a prospéré sous le gouvernement divin qui n'emprunte pas sa force de la concession des hommes. La privation des biens, la pauvreté même des Ministres de l'Eglise, ce n'est pas ce qui enchaîne la liberté et l'indépendance: mais de recevoir un salaire des persécuteurs mêmes, mais de faire dépendre la subsistance du Clergé de leurs aumônes. libres et volontaires, voilà uniquement ce qui détruit la liberté, et ce qui, jusqu'à nos jours, n'a eu aucun exemple dans l'Eglise Chrétienne, ni même dans le paganisme. Mais prenons, si vous le voulez, dans la rigueur des termes ce que dit Pie VII des plaies infligées à l'Eglise de Rome, par l'enlevement de ses propriétés temporelles, de la destruction de son régime essentiel, des atteintes portées à la forme de son Gouvernement Spirituel, il en résultera une

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censure frappante des mêmes opérations relatives a l'Eglise de France que justifient M. Milner, et après lui les Evêques d'Irlande. "Tant et de si grandes

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Eglises," dit Tertullien, " sont cette premiere Eglise fondée par les Apôtres qui est une et de " laquelle toutes dérivent." Ces Eglises ont donc la même origine, la même constitution, le même intérêt, et ce qui détruit la forme essentielle de l'une, détruit aussi celle de toutes les autres. - Nous avions prédit cet inévitable dépouillement du Pape, il y a huit ans, dans la Controverse Pacifique, p. 108, en résolvant cette misérable objection, que la crainte de perdre le patrimoine de St. Pierre était pour le Pape un motif suffisant de deinander à nos Evêques la démission de leurs siéges. "Les Evêques " de France," disions-nous, "seraient dépouillés de " leurs pouvoirs spirituels, et le Pape le sera de ses droits temporels."

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Pie VII éclairé enfin par l'invasion de Rome, " a vu revivre, renaître de leurs cendres, et repa" raître au grand jour les complots impies et pleins " d'artifice qui semblaient, si non réprimés, du " moins assoupis." Le bandeau fatal est donc tombé de ses yeux; puisse l'aveu public qu'il en fait l'arracher aussi des yeux de nos censeurs! Il a vu encore ces hommes trompés et trompeurs qui " par le secours d'une philosophie vaine et falla"cieuse veulent introduire des sectes de perdition, " et qui, comme des conjurés, trament depuis long" temps la ruine entiere de notre très-sainte reli

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gion." Il a vu par conséquent dans leurs demandes anti-canoniques la voie pour y arriver, dans leurs actes les moyens choisis, dans leur concordat l'instrument inventé pour cette fin détestable. Il a vu tous les malheurs dans ce seul principe. Avec quelle réserve et quelle timidité il parle des dispositions qu'il avait cru remarquer en eux ! " Nous " avions pensé, nous avions espéré que le gouver"nement français voulait rétablir le libre exercice

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" de la Religion Catholique." Faible appui pour un acte aussi important que le Concordat! Encore! on était bien éloigné d'avoir en France la même pensée et le même espoir, parce qu'on y connaissait mieux le caractere personnel, le génie pervers et malfaisant, les vues impies des chefs révolutionnaires. "Dans la nécessité," disaient les rédacteurs des annales Catholiques, "de se rendre au vœu " du peuple français qui réclame la religion de toutes parts, on voudrait lui donner le change, en lui en offrant une moitié sacrée, moitié pro"fane." Tom. 2, p. 550. Instruits par nos légitimes Evêques, par Pie VI, de sainte et immortelle mémoire, par nos relations personnelles, par notre propre expérience, nous n'avons jamais eu cette pensée et cet espoir. Mais nous avons signalé les conspirateurs anti-Chrétiens, dévoilé leurs trames odieuses, suivi leur marche perfide, montré leur but affreux, indiqué leurs moyens qu'ils ont quelquefois variés, selon les circonstances, mais toujours poursuivis avec un incroyable acharnement. Comment Pie VII a-t-il pu être un instant leur dupe, puisqu'ils commencerent par exiger de lui précisément les mêmes actes qui avaient été jugés propres à décatholiciser la France, et qu'il eut d'abord à lutter, qu'en effet il lutta, sans rien obtenir, contre les pernicieuses voies de rétablissement qui lui étaient proposées ? C'est un problême que nous n'entreprendrons pas de résoudre.

Quoiqu'il en soit, ce Pape est aujourd'hui détrompé; il voit, comme nous, mais contradictoirement aux Evêques d'Irlande et à M. Milner, que jamais les complots impies n'ont été abandonnés; que ceux que l'on a représentés comme les protecteurs de l'Eglise, méritent à juste titre le nom de persécuteurs que nous leur avons donné; que leurs prétendus bienfaits sont des piéges et tous leurs actes des moyens de destruction. Suivez un instant

leur marche. Quand ils fonderent avec tant d'appareil, la secte constitutionnelle, ils ne voulaient pas sa durée. Ils ne veulent pas davantage celle de la prétendue Eglise établie en sa place. L'une et l'autre est entre leurs mains un moyen de détruire le, Christianisme. Ils ont cru un moment qu'ils avaient rendu la France constitutionnelle. Dans cette erreur ils ont brisé trop tôt un instrument qui n'avait pas encore produit tout l'effet auquel il était destiné. Ils en ont donc, pour ainsi dire, ramassé les morceaux pour former la nouvelle Eglise, et pour ressusciter ainsi la secte constitutionnelle. Mais plus adroits, ils ont eu cette fois recours au chef même de l'Eglise; ils lui ont arraché tout ce qu'ils avaient vainement tenté d'opérer par euxmêmes. Par le Pape, ils ont fait entrer le Clergé Catholique dans la composition de la secte qu'ils élevaient; ils ont interdit aux constitutionnels toute rétractation et forcé le nouveau Clergé à lier communion avec eux; ils ont fait ratifier tous les actes précédents de la secte qu'ils rétablissaient, et pris d'avance tous les moyens de la détruire à son tour, lorsque le temps sera venu.

On conçoit donc aisément ce que Pie VII ajoute: " Combien il en a coûté et à nous et à cette même Eglise pour conduire ces traités à la fin qu'il a été possible d'obtenir !" Il en a coûté la suppression simultanée de tous les siéges et de tous les titres, la cession totale des biens ecclésiastiques, la destitution de tous les pasteurs, la réintégration d'hérétiques notoires, la violation des canons fondamentaux et des droits les plus sacrés; il en a coûté tout ce que les Evêques de France déplorent dans leurs réclamations canoniques et prouvent injuste, funeste, anti-canonique et nul; il en a coûté tout ce que rejetta constamment Pie VI, jusqu'à souffrir la mort plutôt que de l'accorder. Il faut s'aveugler volontairement soi-même pour ne pas voir que des concessions de

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tte nature ne pouvaient produire que des effets désastreux. Formons encore le vœu le plus ardent que nos censeurs le voient du moins aujourd'hui par les yeux de Pie VII. " Mais grand Dieu!" s'écrie ce Pape, à quoi notre espoir a-t-il abouti! quel a été "le fruit définitif de notre condescendance et de "notre libéralité? Depuis le moment où cette

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paix a été promulguée, nous avons été réduits à "faire entendre la plainte du Prophète: Voici

que dans la paix mon amertume devient encore "plus amere." Effet déplorable, mais naturel, mais nécessaire d'une paix fausse, achetée par une violation inconnue à tous les siecles passés et souvérainement dangereuse pour les siecles à venir, des saints Canons, de la discipline universelle, des droits de l'épiscopat, de la constitution de l'Eglise, et par le plus dur esclavage qui a mis la religión absolument sous le joug du gouvernement civil! (Récl. Can. p. 144). Vous le voyez, l'espoir de Pie VII n'a pas été long, la premiere illusion a bientôt été dissipée : au moment même que la paix eût été promulguée, ab ipsa promulgatione constitutæ pacis; il n'y a pas d'intervalle. Une funeste lumiere sur les malheurs de l'Eglise éclairait déjà le malheureux Pontife, lorsque M. Milner en publiait la prospérité; lorsqu'il nous accablait de censures pour ne pas voir les objets imaginaires qui lui fascinaient les yeux ; lorsqu'il traitait de réve ridicule le fait certain et aujourd'hui très-croyable de l'approbation de la Controverse Pacifique, par Pie VII.

Et qu'on ne dise pas: les malheurs de l'Eglise si amérement déplorés par ce Pape ont uniquement leur source dans les articles organiques. Je demanderais pourquoi donc Pié VII s'est-il plaint, qu'il en ait tant coûté à l'Eglise pour conduire le Concordat à la fin qu'il a été possible d'obtenir? A quoi revient cette plainte, si le Concordat n'en est pas l'objet? Qui pourrait croire le Concordat salutaire,

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