Images de page
PDF
ePub

secrétaire qui convoite ardemment la main d'une jolie personne que Mde. de Mazarin a élevée. L'auteur lui a donné pour concurrent un vieil usurier hollandais qui prête de l'argent à Mde. de Mazarin, et s'enrichit à force de friponneries. Le secrétaire l'épie, le surprend en flagrant délit, le démasque en présence de la Duchesse, et parvient à obtenir la main de sa belle Sophie. Tout cela se passe dans le cabinet de Saint-Evremond: et voilà ce qui justifie le titre de la piece; mais il n'est pas si aisé de justifier l'auteur. Nulle connaissance de l'art, des scenes isolées et décousues, nul esprit dans le dialogue, nul sel dans les couplets, nul intérêt dans les situations; c'est une composition souverainement froide et en

nuyeuse.

Sur Tivoli

Le Tivoli de Paris, qui ne ressemble en rien à l'Udum Tibur dont parle souvent Horace, est de tous les jardins de ce genre, le seul où l'on donne encore des fêtes publiques. Les autres sont redevenus ce qu'ils étaient autrefois. Du Hameau de Chantilly on a fait un des palais de Buonaparté ; Idalie s'est transformée en une Villa délicieuse, que M. de Choiseul-Gouffier embellit chaque jour de quelques fragments antiques de la Grece; Bagatelle, Mousseaux, Mon Plaisir ont subi des changements à peu près semblables.

D'où vient que de tant d'établissements de cette espece, il n'en existe plus qu'un seul, et qui encore a beaucoup perdu de son ancienne splendeur? S'il était permis dans un sujet aussi frivole de rechercher une cause sérieuse, on la trouverait dans l'influence d'un gouvernement sombre et attrabilaire. A la suite des troubles révolutionnaires, le besoin de se rassembler

conduisait la foule dans ces lieux de réunion; mais, à mesure que le gouvernement est devenu plus despotique et la police plus active, les réunions particulieres ont recommencé, et les jardins publics ont perdu insensiblement de leur attrait.

Aussi Tivoli, qui, il y a quelques années, était le rendez-vous de la meilleure compagnie qu'on pût trouver à Paris, n'est plus gueres fréquenté que par des grisettes et des courtisanes. Toutefois il existe encore dans le nombre des habitués, un mélange assez bisarre. En divisant le jardin par compartiments, on trouverait dans chaque un monde d'une espece différente. Près de l'orchestre et dans le carré de la danse sont les marchandes de modes, les ouvrieres de tout genre parées de leurs plus brillants atours; les bons marchands de la rue St.-Denis, les habitants du Marais qui ont le courage d'abandonner leur quartier une fois par semaine, et aussi les provinciaux depuis peu arrivés à Paris, entourent le spectacle d'Olivier ou se tiennent près des tréteaux pour voir Forioso et sa troupe; enfin dans la grande allée se promenent ou sont assises les femmes du grand air qui daignent encore visiter Tivoli. Ce n'est qu'au moment où le feu d'artifice paraît embrâser l'atmosphere que tout le monde se réunit dans le même lieu, ou bien encore lorsque Garnerin s'éleve dans un ballon pour entreprendre ses rapides et dangereux voyages.

Mais que deviendront tant et de si magiques amusements, si, comme on l'assure, Tivoli est vendu à un des rois de la façon de Buonaparté, et si le public ne doit plus en avoir la jouissance que pendant le reste de la belle saison. Se réunira-t-on avec la même affluence dans tout autre lieu? On dit que les administrateurs de Tivoli donneront l'année prochaine leurs fêtes au Port-à-Langlais *. Déjà ils

* Le Port-à-Langlais est un petii hameau sur le bord de la Seine, à deux lieues environ de Paris, et un peu

ont voulu éprouver leurs habitués Lundi dernier, il y a eu dans ce nouveau séjour une fête foraine trèsbrillante. Tous les abonnés y ont été transportés aux frais de l'administration dans le coche, dans des batelets et même dans des voitures. Mais malgré cet excès de zele et de générosité on a trouvé la course un peu longue, les chemins mauvais, et le jardin petit. Tivoli sera long-temps, malgré son aridité, l'objet des regrets de tous ceux qui ont l'habitude de le fréquenter depuis dix ans.

Sur l'Académie Celtique.

Bien des personnes ne savent peut-être pas qu'il existe à Paris une académie celtique, comme il existe un dépôt de moutarde celtique. Cette académie fondée il y a à peu près deux années, se charge d'entretenir, instruire et informer les parisiens de tout ce qui concerne leurs bons aïeux les Gaulois, de leurs usages, des monuments qui intéressent leur histoire. Elle publie ses Mémoires par numéros qui paraissent tous les mois. On lui doit déjà un grand nombre de savantes dissertations sur plusieurs points trèsimportants, tels, par exemple, que les oeufs de Pâques, les poissons d'avril, le mardi-gras et le dimanche des brandons; elle s'est aussi chargée de nétoyer, éclaircir, débrouiller le calendrier Catholique et d'en dénicher tous les saints qui s'y sont glissés sans titres et autorisation suffisante. Nous savons aujourd'hui, grâces à ses doctes recherches, que Bacchus et St. Hubert ne font qu'un même saint; que St. Michel, St. Georges, St. Romain, St. Marcel et St. Clément

au-dessus d'Ivry. Son nom vient, à ce qu'on croit, de ce qu'il dépendait, il y a plusieurs siecles, du Seigneur d'Ivry, lequel se nommait Langlais.

nous représentent évidemment Persée et le cheval Pégase; que Ste. Marguerite n'est elle-même que la déesse Proserpine ou Médée déguisée sous un nom plus aimable, pour surprendre et tromper la foi des gens crédules. La preuve de ce fait est évidente: d'abord on représente cette sainte les pieds appuyés sur un dragon; or, le nom de Proserpine dérive incontestablement de deux mots latins pro serpens, qui veut dire devant, avant ou sur le serpent: donc Ste. Marguerite est Proserpine. D'ailleurs les astronomes en braquant leurs lorgnettes sur la couronne boréale, ont remarqué dans cette constellation une étoile qu'on appelle Margarita; donc Ste. Marguerite a quelque chose de commun avec cette étoile. Mais la couronne boréale s'unit au signe de la Vierge et ce, signe précede le Serpent; donc voilà encore le pro serpens, la Proserpine des anciens, la Marguerite des modernes.

[ocr errors]

Quant à Médée, la chose n'est pas moins démontrée tout le monde ne sait-il pas que le char de cette illustre magicienne était traîné par des dragons ou serpents? Or, toute personne qui se fait traîner dans un char, est incontestablement au-dessus de ses coursiers; donc on peut dire de Médée, qu'elle est præ-serpentes, avant les serpents, au-dessus des serpents; donc elle est Proserpine; donc Ste. Marguerite ressemble à Proserpine, ressemble à Médée, ressemble à une sorciere. L'argument est infaillible. Voilà ce que les doctes membres de l'académie celtique nous ont appris dans les premiers numéros de leurs mémoires. Mais le tome troisieme qui vient de paraître, n'est pas moins instructif. Un des savants académiciens, en lisant l'histoire de Charlemagne, a remarqué que ce Prince avait détruit, renversé, proscrit le culte et les autels d'une divinité saxonne qu'on nommait Magada, et dont là ville de Magdebourg a tiré son nom. L'analogie des mots l'a frapé. It en a vu une évidente entre Magada et Magda

tôt

lena (Ste. Madelaine), puisqu'en retranchant un a après le g, et en ajoutant lena après l'a, ont fait indubitablement de Magada Magdalena. D'un autre côté Magad en langue saxonne signifie Vierge et Maegdlein en allemand signifie jeune fille, ce qui se rapproche beaucoup de vierge; mais entre Maegdlein et Madelaine, quel est l'œil voilé, louche, obtus, qui ne découvre pas la ressemblance parfaite? Il est donc incontestable que la déesse chassée de son temple par Charlemagne, était Ste. Madelaine, ou pluque Ste. Madelaine fêtée dans nos calendriers, est la vierge Magada chommée par les Saxons. Il est vrai que Marie-Madelaine ne passe pas dans l'évangile pour un modele de vertu, qu'elle est même plus célebre pour ses péchés et le pardon qu'elle eut le bonheur d'obtenir, que pour son innocence virginale; mais avant d'avoir été pécheresse, elle avait eu cette précieuse innocence; et cela ne suffit-il pas pour justifier les savantes conjectures de l'auteur du Mémoire! Prions Dieu que l'académie celtique poursuive le cours de ses recherches érudites. Que de belles choses elle est destinée à nous apprendre!

Les autels d'Apollon et des Muses sont abandonnés pour ceux de Mars et de Bellone. On organise partout à Paris les phalanges nationales!!!

Au milieu de ces intérêts supérieurs, il n'est pas étonnant que les spectacles éprouvent quelque langueur. L'Opéra-Comique n'a point encore déployé tous ses avantages. La fievre à l'oeil creux, au teint pâle, à l'haleine brûlante, s'est emparée de ses plus hautes puissances. Mais on espere que le quinquina interviendra dans cette affaire, et qu'on reverra incessamment Martin, Elleviou.

« PrécédentContinuer »