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Pendant la représentation qui, comme à l'ordinaire se borna pour les spectateurs à une sinple pantomime, quelques boxeurs engagerent divers combats dans le parterre, et l'encouragement que leurs partisans leur donnaient, ajoutait encore au tumnlte et à la confusion. Entre les deux pieces, un renfort d'instruments bruyants annonça la présence d'un plus grand nombre de mécontents; malgré cela, il était facile de distinguer que l'audience était divisée en deux partis dont les forces étaient égales, et que les encouragements prodigués aux acteurs, surtout dans les loges, balançaient au moins les efforts de la violence et de la désapprobation. Entre les deux actes de la petite piece un orateur se présenta avec toute l'agitation d'un homme qui sent les inspirations du génie, et prenant une attitude imposante, il commanda le silence; mais les spectateurs préférant le bruit et la sottise, continuerent leur épouvantable discordance, et il ne put pas même obtenir de la curiosité un instant d'attention. Lorsque la représentation fut finie, un intervalle de repos succéda au bruit le plus affreux dont la salle ait encore retenti depuis le commencement de cette formidable opposition, mais bientôt le nom de Kemble fut répété par mille voix amies et ennemies. M. Kemble ne jugeant pas à propos de paraître, on demanda de toutes parts les orateurs qui dans les soirées précédentes, avaient déployé leur éloquence. Mais ni le marqueur de billard, ni le barbier, ni le savetier, ne se présenterent, et leurs admirateurs témoignerent leur mécontentement par des imprécations analogues aux mouvements d'éloquence dont ils étaient privés : enfin, à onze heures, la foule se retira après des scenes dans lesquelles un individu a, dit-on, perdu la vie et d'autres ont été blessés.

"Dans un pays," dit au sujet de ce tumulte, un journaliste anglais, "où les lois de la propriété sont si bien connues et si bien établies, où chacun

peut se dire, avec un sentiment d'orgueil et une conviction profonde, qu'il est exclusivement maître de ce qu'il possede, et qu'il n'y aurait que sa propre volonté qui pourrait l'en dépouiller; dans un tel pays, disonsnous, ces outrages portent un caractere extraordinaire; ils sont également en opposition avec nos mœurs et avec les circonstances où nous sommes. Un de nos contemporains prétend qu'en diminuant la dépense, on produirait le même effet qu'en augmentant les prix; et que si au lieu de 6 pour cent, que gagnent les propriétaires, ils ne retiraient qu'un denier, il ne faudrait encore pas conclure que les prix dussent être augmentés, mais bien que les dépenses doivent être diminuées. A cela nous répondrons, continue le journaliste que nous citons, que c'est là raisonner d'après le principe erroné que la recette serait la même si l'on diminuait les frais, si l'on retranchait quelque chose de la splendeur avec laquelle toutes les pieces sont montées à Covent-Garden-que le théâtre serait également rempli soit que M. Kemble et Mad, Siddons y jouassent pour une rétribution proportionnée à leurs grands talents, soit qu'on les remplaçât par des acteurs de province à trois guinées par semaine. Une telle observation ne mérite pas une réponse plus détaillée. Les recettes d'un théâtre sont toujours proportionnées aux agréments que le public y trouve, et aux dépenses qui sont faites pour l'attirer et le satisfaire. Le salaire des acteurs se monte pour la saison présente à £20,000. On pourrait, sans doute, le réduire à £10,000; mais le public n'ayant plus les mêmes acteurs ne serait plus attiré par les mêmes jouissances, et laisserait le théâtre désert."

"Dans tout ce qui intéresse la curiosité publique, dans tout ce qui a quelque rapport avec les plaisirs d'une nation rafinée, il faut toujours de la part de ceux qui président à un établissement qui intéresse ses plaisirs, des avances proportionnées à ce que son goût exige; on ne peut dans ce cas consulter

une économie sordide, ni se livrer à des spéculations. d'un ordre inférieur; il faut attirer la foule ou s'attendre à rester sans spectateurs.

"On a objecté que plusieurs des acteurs ont un salaire au moins égal à celui des juges; mais cela s'applique aux progrès du luxe et non à la conduite des directeurs du théâtre. Si les progrès du luxe sont tels que des talents de ce genre sont payés partout à un si haut prix, et que si les propriétaires de Covent-Garden refusaient de le donner, des directeurs de province s'empresseraient de l'offrir; il en résulte que les propriétaires de Covent-Garden doivent donner le salaire ou renoncer à l'acteur qui l'exige, et que le public doit ou les indemniser, ou s'attendre qu'ils ne sacrifieront pas leurs capitaux pour ajouter gratuitement à ses plaisirs. Il est d'autres professions dans le monde qui produisent, à ceux qui les exercent, beaucoup plus qu'un juge ne reçoit de l'état ; mais l'argent n'est pas la seule chose qui forme la rémunération des juges; outre leurs fonctions honorables, ils ont la perspective des plus hautes places du gouvernement, une grande considération, de l'autorité et de l'influence, tandis que les acteurs sont payés pour leur assujétissement aux volontés, aux caprices mêmes du public, pour supporter avec patience les exécrations qui, depuis quelques jours, sont le seul accueil qu'ils reçoivent d'une multitude excitée par quelques malveillants. Eh! quelques-uns des propriétaires des papiers publics ne retirent-ils pas euxmêmes de leur propriété un revenu qui excede ce que l'état donne annuellement au grand chancelier d'Angleterre ? Une multitude de marchands, de détailleurs, de boutiquiers, ne font-ils pas aussi des bénéfices annuels encore plus considérables? &c. &c.

MÉLANGES POLITIQUES.

Le Général Cuesta a envoyé à la Junte Suprême un rapport sur la bataille de Talavera qui détruit tout ce qui avait été répandu sur une mésintelligence entre lui et Lord Wellington. Nous devons dire que le général espagnol rend justice à la valeur de l'armée anglaise, à l'intrépidité et aux talents de ses chefs, en militaire qui est digne de les apprécier, et qui ne craint pas que les éloges qu'il leur prodigue blessent l'opinion de son pays ou l'amour-propre de ses soldats. Ce rapport répand encore un nouvel éclat sur la victoire de Talavera, et en supposant, comme on l'a prétendu, que le général qui l'a écrit ait été spectateur passif dans cette affaire, ce que nous ne pouvons croire, on trouverait dans la maniere dont il parle des Anglais une preuve de plus de l'importance et de la réalité de leur succès et des belles manoeuvres ainsi que des actions éclatantes auxquelles ils l'ont dû. Rien n'est d'un meilleur augure pour les opérations ultérieures des armées combinées que cette franchise avec laquelle le Général Cuesta, dont Lord Wellington avait cru avoir à se plaindre dans une ou deux circonstances, a parlé de cette journée : une telle loyauté, une telle grandeur d'âme sont bien dans le caractere espagnol, et doivent former un lien indissoluble autant que glorieux entre cette nation et le peuple anglais. Il est malheureux sans doute qu'après la bataille de Talavera les Français aient pu réunir leurs forces dispersées, et donner à leurs opérations un ensemble que, depuis plusieurs mois, elles avaient perdu; mais les désastres partiels et les retraites précipitées qui ont été la suite de cette jonction des divers corps de l'usurpateur, doivent faire sentir à ceux qui le. combattent la nécessité de l'union, de la vigilance et de l'activité.

Rapport Officiel de la Bataille de Talavera, par le Général Cuesta, au Ministre de la Guerre.

"Séville, 7 Septembre (date de la publication.)

"Très-Excellent Seigneur,

"Le 21 du mois dernier (Juillet) je transférai mon quartier-général à Velada, ainsi que je vous l'avais annoncé dans ma dépêche de la nuit d'auparavant. Je l'avais écrite après avoir vu à Oropesa, dans la même soirée, la brave armée anglaise. Je placai mon avant-garde en avant de Velada, concluant que le feu que j'entendais provenait d'une escarmouche entre nos détachements et le corps avancé des Français, qui était alors posté dans le distriet de Gamonal à deux lieues de Talavera, et qui, par la suite, fut mis en déroute et poursuivi jusqu'à Casar.

"A la pointe du jour du 22, mon armée étant réunie dans la vaste plaine d'entre Velada et Talavera, j'ordonnai à l'avant-garde, sous les ordres de l'intrépide brigadier-général, Don Josef de Zagas, de charger l'ennemi, qui avait été renforcé par la division de cavalerie du général Latour-Maubourg, et je donnai ordre aux divisions de cavalerie et d'infanterie de marcher en ordre serré sur Talavera, afin de pouvoir être en état de soutenir l'attaque des Français, s'ils voulaient entrer dans la ville de vive force comme ils y paraissaient déterminés. La dépêche de Zagas, que j'envoie avec celle-ci vous fournira les détails des événements qui ont eu lieu dans la matinée.

"Toute l'armée suivit l'avant-garde, traversa Talavera et prit position dans un champ d'oliviers entre cette ville et la riviere Alberche. Dans la nuit VOL. XXVII.

F

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