Si l'on me demande pourquoi je croyais que V. S. avait fait cette démarche, je répondrai que c'est parce que je croyais qu'il était naturel qu'elle en fût chargée, parce que j'avais insisté pour que V. S. fût sur-le-champ instruite de ce qui se passait, à raison du désir que j'avais qu'elle fût chargée d'en informer Lord Castlereagh; parce que la maniere dont vous reçutes cette confidence, (ainsi que le Duc de Portland me l'a depuis déclaré) tendait à persuader que V. S. était la personne la plus propre pour la transmettre à Lord Castlereagh; enfin parce que je ne savais pas qu'il y eût aucune raison d'adopter une marche différente de celle qu'on suit ordinairement dans de pareilles occasions. Si l'on m'objecte que non content de présumer que cette ouverture avait eu lieu, j'aurais dû m'informer avec anxiété si réellement elle avait été faite, je répondrai, 1°. qu'il n'est pas naturel de prendre des informations sur une chose dont on ne doute pas; 2o. que dès que j'eus le moindre soupçon à cet égard, je me hâtai de prendre des renseignements sur ce fait ; et que dès qu'il me fût démontré, je désapprouvai hautement ce mystere, et que pour donner plus de poids à mes remontrances, j'offris ma démission. Le 26 ou le 27 Juin, je m'assurai que mes soupçons étaient fondés; le 28, j'offris ma démission et, dans le courant de la même journée, V. S. reçut l'injonction de tout communiquer à Lord Castlereagh dès le moment que l'expédition aurait fait voile. La seconde époque mentionnée dans l'exposé de V. S., commence au 12 Juillet; et ce fut alors que V. S. offrit sa démission. Il ne paraît point d'après l'exposé de V. S. que l'injonction qui lui avait été faite, ait alors été renouvelée, et qu'il en existât une autre que celle que V. S. s'était imposée à elle-même, et qui ne la liait par conséquent qu'aussi long-temps qu'elle le jugerait nécessaire. J'ignorais entierement jusqu'où cette restriction volontaire avait pu aller; je savais seulement que V. S. s'était réservée le choix du moment où il serait convenable de tout découvrir à Lord Castlereagh; mais depuis même que cette stipulation m'avait été connue, j'avais reçu des amis de Lord Castlereagh les assurances dont j'ai parlé plus haut. Ce ne fut que le 6 Septembre que j'appris qu'elles n'avaieut point été réalisées, et le 19 du même mois, que vous n'y aviez pris aucune part. Ce fut alors en effet qu'il me fut confirmé que non-seulement V. S. ne s'était point engagée à faire la confidence en question à Lord Castlereagh, avant le départ de l'expédition, mais même qu'en Juillet vous aviez déclaré à un de nos collegues (non pas au Duc de Portland) qui insistait pour que cette communication ne fût pas différée, que pour ce qui vous concernait le choix du moment était remis à votre discrétion; mais que personne n'avait droit de vous reprocher de n'avoir point accompli ce dont vous vous étiez chargé, si vous jugiez à propos de ne pas dire un mot de toute cette transaction à Lord Castlereagh avant qu'on ne sût à Londres le résultat de l'expédition. V. S. elle-même me donna cet avis dans une lettre qu'elle m'écrivit le 19 Septembre, et certes l'information fut alors parfaitement nouvelle pour nous. V. S. jugera de ma surprise lorsqu'après avoir reçu d'elle, le 19 Septembre, au soir, un aveu si franc de la cause du secret qui avait été gardé pendant une période si importante, à l'égard de Lord Castlereagh, je reçus de S. S. une lettre portant la même date, par la quelle il m'en rendait responsable. Je ne pousserai pas plus loin mes observations. Je me suis borné à celles que suggerent la lettre de Lord Castlereagh et votre propre exposé; c'est sur celles-là seules que j'ai le droit d'appeler l'attention de V. S. La nécessité de venger non honneur personnel m'a forcé à la démarche que je fais près de V. S. Quant aux accusations qui peuvent tomber sur ma conduite publique, ce n'est point de cette maniere que je dois y répondre. Je suis prêt à repousser toutes celles qui pourront m'être faites, à l'époque et dans le lieu convenables. J'ai l'honneur d'être, etc. etc. GEORGE CANNING, Substance des Dépéches Officielles, mentionnant la Destruction d'un Convoi Français parti de Toulon pour l'Espagne, par la Flotte Britannique, commandée par Lord Collingwood. L'Honorable William Waldegrave, licutenant à bord du vaisseau amiral la Ville de Paris, a apporté aux Lords de l'Amirauté des dépêches de Lord Collingwood, dont ce qui suit est la substance: Dès le 26 Septembre, Lord Collingwood informé des mouvements de la flotte de Toulon, qui indiquaient sa sortie prochaine, avait changé sa station, et s'était porté à St. Sébastien, ayant détaché la frégate la Pomone, capitaine Barrie, et la frégate l'Alceste pour observer le port de Toulon -Le23 Octobre, le Vice-Amiral fut informé par le capitaine Barrie, que la veille, 22, une partie de la flotte française avait mis en mer, qu'une autre partie appareillait quand il les avait quittés, et qu'il y avait toute apparence que la totalité était en mouvement pour sortir de la rade. A cette flotte était joint un convoi nombreux, et comme ce mouvement avait lieu au premier souffle d'un vent d'Est, il ne paraissait pas douteux que l'intention de l'ennemi était de porter à l'Ouest. Sur-le-champ, la flotte anglaise reçut ordre de se tenir prête à recevoir l'ennemi, et les trois frégates la Pomone, la Folontaire, et l'Hydra et la corvette le Minstrel, furent postées au vent, afin de donner connaissance de l'approche de l'ennemi. Le 23, à huit heures du matin, la Volontaire fit le si gnal d'une flotte dans l'Est. Tant que cette flotte continua d'arriver vent arriere, il ne fut fait aucun changement dans la position de la flotte britannique, si ce n'est que l'on plaça en avant deux vaisseaux excellents voiliers, le Tigre et le Bulwark. A dix heures, la Pomone fit signal que l'ennemi avait hâlé au vent. Le convoi s'étant séparé des bâtiments d'escorte, que l'on découvrit alors consister en trois vaisseaux de ligne, deux frégates, deux corvettes ou flûtes, et environ 20 bâtiments de transport, le contre-amiral Martin reçut ordre de les chasser, et il fut ordonné à 8 vaisseaux bons voiliers, de manoeuvrer à bord opposé afin de profiter des changements de vent qui alors était variable. A deux heures après-midi, la Pomone ayant prodigieusement gagné au vent, il lui fut fait signal de détruire tous les bâtiments du convoi qu'elle pourrait joindre. Elle en brûla cinq dans la soirée, savoir: deux brigs, deux bombardes et une ketch. A la brume, l'ennemi était hors de vue, l'escadre de chasse était au Nord, et le gros de la flotte s'étendait vers le Sud; à la pointe du jour, on perdit de vue la flotte française, et les vaisseaux de chasse. Le 30 Octobre, le Contre-Amiral Martin rejoignit la flotte avec sa division composée des six vaisseaux le Canopus, le Renown, le Tigre, le Sultan, le Leviathan et le Cumberland. Il rapporta qu'il avait revu l'escadre française le 24 au matin, devant les bouches du Rhône ; et que le 25, il l'avait chassée et forcée de s'échouer à terre, savoir: le Robuste de 84 canons, portant le pavillon du contr'amiral Boudin, et le Lion de 74, devant Frontignan, où le lendemain l'ennemi y avait mis lui-même le feu. Le Borée de 74 et une frégate s'échouerent à la côte à l'entrée du port de Cette, où le vaisseau doit être regardé comme perdu sans ressources; la frégate a reçu des dommages considérables. Le feu des batteries de terre ne permit pas d'en approcher. Les vaisseaux du Contr'amiral Martin, en essayant d'approcher les deux vaisseaux qui étaient à la côte devant Frontignan, se trouverent dans une position très-périlleuse; un de ces vaisseaux s'étant trouvé par moins de 5 et un autre par moins de 6 brasses d'eau seulement. Les deux frégates françaises se nomment la Pomone et la Pauline. L'une s'échoua, comme on a vu, devant Cette, l'autre pinça le vent et parvint à gagner la rade de Marseille. Pendant la chasse des vaisseaux de l'escorte, les bâti ments de transport s'étaient séparés des vaisseaux de guerre et avaient gagné la baie de Rosas, sous la protection d'une gabarre armée, de deux bombardes et d'un chébec. La frégate l'Apollo fut envoyée, le 22, dans la baie de Rosas, afin de reconnaître la position des bâtiments qui s'y trouvaient, et d'examiner jusqu'à quel point il était possible de les atta quer. Le lendemain, 30, le vice-amiral détacha pour cé service, sous les ordres du Capitaine Hallowell, les vaisseaux le Tigre, le Cumberland, les frégates la Volontaire, l'Apollo, la Topaze, la Philomel, et les deux brigs le Scout et le Tuscan. reçut ordre d'emmener ces bâtiments si le vent le permettait, ou autrement de les détruire; l'état du vent et de la mer ne permit de faire l'opération que le 31 dans la nuit. L'escadre ci-dessus se rendit dans la baie, et jeta l'ancre à cinq milles du château de Rosas, sous la protection duquel, ainsi que du fort de la Trinité et de plusieurs autres batteries nouvellement érigées, s'était amarré le convoi, consistant en onze bâtiments don't cinq armés. Les embarquations de l'escadre ayant été formées en divisions séparées, et mises sous les ordres du Lieutenant Tailour, premier lieutenant du Tigre, on se mit en marche pour l'attaque de la flotille. Quoiqu'il fût impossible à l'ennemi d'être prévenu de cette attaque, le Lieutenant Tailour në l'en trouva pas moins sur ses gardes; le bâtiment armé en flûte, et qui était une espece de frégate, était recouvert de ses filets d'abordage et avait en outre un bateau canonnier en avant de lui en observation. Le coup de canon d'alarme ayant été tiré au moment où les embarquations le hélerent, les bateaux pousserent en avant aux acclamations réitérées des matelots qui étaient au dernier degré d'ardeur et d'enthousiasme. Le vaisseau armé fut attaqué le premier sur tous les points et enlevé en quelques minutes, malgré une résistance assez vive de la part de l'ennemi. Il en fut de même de tous les autres bâtiments armés, qui furent tous enlevés les uns après les autres, quoique bien défendus; mais rien ne put résister à l'ardeur et à la bravoure des matelots et soldats de marine britanniques, qui, dans cette occasion, eurent affaire à une force supérieure du double à ce qu'on attendait; outre la résistance opposée par chaque bâtiment, le château, le fort, les batteries de terre, les chaloupes canonnieres, et la mousqueterie du rivage, firent un feu constant sur les bateaux. Le 1er Novembre, à la pointe du jour, tous les bâti ments de ce convoi furent ou brûlés, ou emmenés, à la faveur d'une légere brise de terre qui s'élevait; et de cette maniere la totalité du convoi qui était appareillé de Toulon pour porter des rafraîchissements à l'armée française. d'Espagne, fut détruit, à l'exception de la frégate qui gagna Marseille, et d'une gabarre dont on n'a pas entendu parler. La perte des Anglais dans cette brillante affaire, qui fait tant d'honneur à leur bravoure, à leur sang-froid et à leur persévérance, n'a été que de 15 hommes tués et de 55 bles sés; parmi les premiers est le Lieutenant Tait de la Volontaire. Le Lieutenant Tailour, commandant l'opération a été dangereusement blessé. Les bâtiments pris à Rosas, sont: 1.-La flûte la Lamproie, Cap. Bertaut-Labrêteche, lieutenant de vaisseau, de 600 tonneaux, 16 canons de 9, et 116 hommes d'équipage-brûlée. 2.-La bombarde la Victoire, Cap. Garribou, enseigne de vaisseau, de 14 canons de 6, et 80 hommes-brûlée. 3-La felouque l'Alsacienne, 20 hommes-brûlée. 4.-L'Union de 150 tonneaux 5.-Le Bien-aimé idem brûlées; 6.- La Notre-Dame du Rosaire (cargaisons débarquées. 7.-La Notre-Dame de Grâce 3.-La bombarde le Grondeur, Cap. Corille, enseigne de' vaisseau, 8 canons de 6, et 80 hommes-prise. 9.-Le chebec la Normande, Cap. Arnaut, enseigne de vaisseau, 10 canons et 48 hommes-pris 10.-Le Dragon de 200 tonneaux-pris. 11.-L'Indien de 200 tonneaux-pris. Ces quatre derniers bâtiments, chargés de biscuit, blể et farines. |