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champion de la liberté des mers, et du code qui doit régir toutes les nations, agit avec une espece d'impartialité. Il ne traite pas ses propres esclaves et les sujets de ses freres, mieux que les citoyens des états neutres.

Lorsque la guerre éclata entre la Prusse et la France, il y eut plus de 200 bâtiments, en apparence prussiens, qui furent mis en embargo, préalablement à leur condamnation. Il fut prouvé devant le Conseil des Prises que c'étaient des navires hollandais, masqués sous le pavillon prussien. Ils furent néanmoins condamnés tous sans exception.

Un négociant français qui avait été établi à la Havane, vint en France avec son bâtiment: il avait été visité à la mer par les anglais, la propriété étant supposée américaine. A son arrivée à Bordeaux, navire et cargaison furent condamnés; et le négociant ayant dit dans un mémoire très-énergique qu'il publia sur son affaire, que les Anglais avaient eu pour lui plus de pitié que ses propres compatriotes, il fut envoyé au Temple et y resta six mois.

Un décret permettait l'introduction en France du co ton de Macédoine. La maison de Buff & Co. de Paris, importa en conséquence une quantité considérable de cet article. Dans l'intérieur de la Grece, il n'y a point de consuls français ; et par cette raison, il ne pouvait pas y avoir de certificats d'origine: mais des experts sur la frontiere de Hongrie, et les autorités autrichiennes certifierent que ce coton venait de Grece. Il fut saisi à Strasbourg, et en derniere analyse condamné à Paris.

Il serait essentiel que ces décrets fussent rendus aussi publics que possible, car ce sont autant de piéges tendus au commerce.

Au mois de Mai dernier, lorsque le subtil tigre était occupé à Bayonne à préparer les moyens d'attirer dans ses griffes la malheureuse famille

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royale d'Espagne si mal conseillée et si mal dirigée, il rendit un décret par lequel il permettait la vente, pour la consommation intérieure de la France, des denrées coloniales qui seraient prises par les corsaires ou autres bâtiments de guerre. Jusques-là, les marchandises de prise n'avaient pu se vendre que pour exportation, ce qui faisait qu'on ne les vendait qu'à vil prix. Il affecta donc, pour encourager la course, de permettre qu'elles fussent vendues pour la consommation intérieure. On va voir quelle en fut la conséquence.

Ce décret engagea nombre de négociants de Hollande et d'ailleurs à ordonner des denrées coloniales en Angleterre ; mais, en même temps, leur intention était d'envoyer sur les côtes un corsaire pour les prendre; ayant eu à entendre que le gouvernement français fermerait les yeux.

par

Alors Buonaparté fit écrire par le ministre de la marine et par M. Colin, un de ses conseillers d'état et son directeur-général des Douanes, des lettres circulaires privées aux différentes autorités dans les ports de France et de Hollande, ordonnant de confisquer toute propriété qui serait amenée des corsaires Français, à moins qu'il ne pût être prouvé que les navires marchands avaient fait une résistance convenable, et qu'ils avaient été pris en bonne forme!!! Il est aisé de se figurer la résistance que pouvait faire un bâtiment marchand contre un corsaire armé exprès pour l'attaquer à son entrée dans le port, en raison de cet insidieux décret.

Heureusement pour les négociants, on sut bientôt que les circulaires en question avaient été écrites, et ils contremanderent leurs ordres.

Tous les deux mois, lorsque Napoléon avait besoin d'extorquer de l'argent à son frere Louis, ou par son entremise il permettait l'entrée en France des denrées coloniales: mais dès qu'on savait qu'il y avait une

quantité suffisante de marchandises arrivées à Anvers, il paraissait un contre-décret qui ordonnait leur confiscation. C'est ce qui arriva à nombre de négociants d'Anvers, au mois d'Octobre 1808.

Au mois de Mai dernier, on annonça la vente à Flessingue de différentes cargaisons de denrées coloniales, en raison du décret qui avait permis la vente de ces articles pour la consommation intérieure ; elles se vendirent en conséquence à de trèshauts prix. Après la vente, les acheteurs écrivirent à M. Colin pour avoir les permis nécessaires; mais ils apprirent, à leur grand étonnement, par la réponse de M. Colin, que Sa Majesté Impériale avait changé d'avis depuis que le décret avait été rendu, et qu'il ne serait accordé aucun permis. Dans cette situation, les acheteurs résolurent d'essayer d'introduire leurs marchandises en contrebande, le long de la côte. Ils les envoyerent en conséquence à Gravelines, où elles furent saisies. Les cargaisons furent condamnées, et les propriétaires arrêtés et envoyés à Boulogne pour y être jugés comme espions. C'étaient presque tous des habitants respectables de Dunkerque. M. Coffin, consul américain dans ce port, étant intimement lié avec M. de Villiers, commissaire-général à Boulogne, s'entendit généreusement avec lui, et ce ne fut pas sans la plus grande peine qu'ils parvinrent à leur sauver la vie.

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M. Goldsmith, après avoir cité tous les cas qui précedent, pour prouver la rapacité, l'insolence, la fourberie de cet usurpateur déhonté, qui se prétend le restaurateur de la liberté des mers; et après avoir démontré évidemment que le gouvernement américain n'a jamais opposé à ce systême de pillage qu'une soumission aveugle qui équivaut à des hostilités ouvertes contre la Grande-Bretagne, acheve de répandre la conviction sur ce même systême en donnant en détail 26 procédures de navires américains condamnés en vertu des décrets de Buonaparté, dont nos Or

dres en Conseil n'ont été qu'une représaille trèsmodérée. Ces procédures sont copiées des mémoires originaux et du journal du Conseil des Prises, à Paris, que l'auteur a apportés de France avec lui.

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Il ajoute ici les anecdotes suivantes :

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Une personne de toute confiance, lui dit un jour qu'il venait d'avoir une conversation avec un membre distingué du Conseil des Prises, relativement à la capture d'un bâtiment américain. Cette personne avait cité au magistrat, à l'appui de ses arguments, un passage de Vattel; à quoi celui-ci répondit eu plaisantant : plaisantant: "Nous ne connaissons pas "le droit public, nous vous laissons cela à vous 66 autres. Il faut s'en tenir aux décrets de l'Empereur. Il est bien bon, votre Milord Auckland, "de s'en occuper à cette heure." Cette réponse faisait allusion au passage d'un discours de SaSeigneurie, relaté dans les feuilles du jour, dans lequel on le représentait comme se plaignant de la conduite du gouvernement Britannique, et la regardant comme contraire au droit des gens. Le membre du Conseil des Prises dont il est question, sait parfaitement bien que Lord Auckland est un politique consommé, un homme d'état aussi habile qu'instruit, et un homme du meilleur ton; mais des Français en place ou non, ne peuvent pas se figurer que dans aucun pays du monde, un homme de rang ou de bonne compagnie puisse excuser la conduite de Buonaparté, ni comment on peut condamner une seule des mesures que les ennemis du tyran adoptent contre lui. Les Français le connaissent mieux que les autres; ils savent tout ce dont il est capable. "Nous ne pouvons pas," dit le même magistrat," aller aussi loin que Sir William Scott, qui "disait que s'il siégeait à Stockholm, il donnerait son opinion comme à Londres. Nous ne sommes " aussi pas tont-à-fait aussi indépendants."

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M. Goldsmith n'hésite pas à dire que ce célebre et habile juge de la Cour d'Amirauté à Londres, ne peut pas être respecté en Angleterre, pour ses connnaissances et son intégrité, plus qu'il ne l'est en France.

Mais ce qui, par dessus tout, excite l'étonnement en France, c'est la crédulité des assureurs anglais du café de Lloyd's.

L'ouvrage intitulé la Guerre déguisée excita beaucoup d'avidité parmi ceux qui purent se le procurer. On en fit une traduction à l'usage des Conseillers-d'état ; on en fit aussi une de la réponse de M. Maddison, le Président actuel des Etats-Unis : mais tout le monde ajouta foi au premier ouvrage, car il n'était pas un négociant en France qui ignorat que tout le coinmerce qu'on y faisait avait lieu par l'entremise des neutres, qui neutralisaient les propriétés pour une commission de 10 pour cent.

Au total, c'est une pauvre recommandation ent France que d'écrire en faveur des mesures qui ont été adoptées par les divers gouvernements qui se sont succédés depuis la révolution.

M. Goldsmith présente ici ses picces justificatives à l'appui de ses diverses assertions. Nous nous contenterons d'en faire un léger extrait; il faut lire dans l'original l'historique de chaque fait cité, pour se faire une idée juste de l'esprit de vexation et de rapine qui anise le gouvernement français, et du mépris qu'il a pour ces pauvres Yankeis.

La premiere de ces pieces est la Lettre du Ministre de la Marine Décrès au général Armstrong, ministre des EtatsUnis*, datée de Paris le 24 Décembre 1806, au sujet du

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* Ici M. Goldsmith met en note que lorsque le général Armstrong reçut cette lettre de Décrès, il passa chez lui, pour lui demander quelques explications ultérieures. Il sortit

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