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pour rendre un bon office, pour être utile à un parent, à un ami.

"J'en prends à témoin tous ceux qui m'entourent, et qui ont vécu journellement avec lui: je le jure sur ces restes inanimés qui font encore couler nos larmes, il ne fut jamais un artiste plus estimable, un frere plus tendre, un ami plus sûr, un meilleur mari, un plus honnête homme! Vingt-cinq ans son amitié a fait mon bonheur, et sa perte est pour moi la source d'une douleur éternelle.

"O mon ami! toi qui m'as donné tant de preuves de zele, d'affection, à qui je dois en partie les succès que j'ai pu obtenir, reçois ce dernier hommage. Une plume plus habile aurait mieux fait sentir tout ce que tu valais; aucun cœur n'en aurait été pénétré plus vivement. Que ne peux-tu, du moins, en descendant au tombeau, jouir encore de ce tribut de l'admiration publique, de ces pleurs que tu fais répandre, de ces éloges qui te sont si justement prodigués ! Ce moment flatteur et solen-' nel consolerait ton âme trop' sensible, des chagrins qui l'ont si vivement affectée dans les derniers temps de ta carriere dramatique, et qu'il aurait été si facile de t'éviter. Mais, hélas, nos regrets sont superflus! tu ne peux plus nous entendre! Dalayrac, c'est en vain que je t'appelle; tu ne vis plus que pour la postérité !"

Dalayrac était l'un des compositeurs français que le monarque avait jugé digne d'une distinction glorieuse, en le nommant membre de la légion-d'honneur; les honneurs funebres lui ont été rendus en cette qualité; il a été enlevé par une mort rapide et bien précoce; il n'avait que 56 ans. Il laisse une famille inconsolable; et quand il est pleuré par elle, il est sincerement regretté par la grande famille des artistes, au sein de laquelle il a long-temps brillé, et vivra plus long-temps encore.

PRISE DE LA MARTINIQUE.

RAPPORT DU CONSEIL D'ENQUÊTE A BUONAPARTÉ,

[Extrait du Moniteur du 7 Décembre.]

Le Conseil d'Enquête, composé de

Son Exc. le Maréchal Comte Serrurier, Président;
Son Exc. le Comte Dejean, Ministre de l'Administration de la

Guerre ;

Le Comte Lespinasse, Sénateur;

Et le Comte Gassendi, Conseiller d'Etat ;

Formé par S. M, pour connaître les causes et les circonstances de la reddition du fort Desaix et de la Martinique, après avoir pris connaissance des divers récits de ces événements, avoir fait différentes observations aux officiers qui en ont été acteurs, et se trouvent aujourd'hui en France; avoir comparé, pesé et discuté leurs réponses; et avoir reçu communication de M. le Comte Decrès, Ministre de la Marine, des derniers états de situation des divers approvisionnements de cette colonie ;

A l'honneur de présenter à S. M. les résultats suivants de ses opinions :

Au 1er Janvier 1809, les troupes de ligne étaient de 2400 hommes, non compris 420 malades: elles se sont accrues le 2 Février suivant de 305 hommes de l'équipage de la frégate l'Amphitrite, qui a été brûlée. Dans ce nombre sont comprises deux compagnies de canonniers de ligne (213 hommes.)

Il devait y avoir dans l'ile quatre bataillons de gardes nationales, qui pouvaient être de 5 à 600 hommes chacun.

Les approvisionnements de guerre, d'après les états du 1er VOL. XXVI.

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Janvier, 1808, et qui avaient été envoyés dans le courant de cette

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Ces pieces approvisionnées, en général, les canons de 1000 à 300 boulets, suivant les calibres; les mortiers de 200 bombes; les obus idem.

5,000 fusils avec baïonnettes;

1,500,000 cartouches d'infanterie ;

11,000 livres de plomb, fournissant 220,000 balles; 357,000 pierres à fusils;

17,000 sacs à terré.

Les approvisionnements à bouche, à la reddition de l'ile, consistaient encore en

1,300 barils de farine de 220 livres l'un;

1,500 livres de biscuit;

300 tierçons bœuf sale;

98 barils porc salé, &c,

On s'attendait à la Martinique d'être attaqué dès le mois de Novembre 1808, d'après les préparatifs que les Anglais faisaient à la Barbade. L'artillerie et le génie étaient en mesure, autant que les moyens de la colonie avaient pu le permettre.

Le capitaine-général avait ses ordres et ses instructions pour réunir au premier coup de canon d'alarme, les gardes nationales ou milices, qu'il ne tenait pas rassemblés par la crainte de diminuer ses subsistances; il avait, de concert avec son état-major et les officiers supérieurs des troupes, arrêté un plan de défense qui consistait à

concentrer ses forces dans un rayon de trois lieues, autour du fort Desaix; et en avant de ce fort était un camp retranché qu'on venait de réparer. L'ardeur des troupes, le bon esprit de la colonie lui faisaient espérer une belle défense.

Le 30 Janvier, à la pointe du jour, on signala l'escadre anglaise, et bientôt après le débarquement en deux endroits, au Robert de 5,000 à 7,000 hommes, au Marin de 3,000 hommes, et le reste de l'escadre filant vers Case-navire; le capitaine-général présume qu'il s'y fera un troisième débarquement de 5,000 hommes, parce qu'il a été instruit que les Anglais l'attaqueraient avec 15,000 hommes.

Le capitaine-général envoie sur chacun des deux points de débarquement effectué, deux bataillons de gardes nationales sans troupes de ligne; elles auraient dû cependant former la tête de ces deux détachements. Aussi ces gardes nationales ne rendirent-elles aucun service: le bataillon de la pointe ne parut pas, et les autres se débanderent deux jours après. Au contraire, le capitaine-général fait marcher contre le débarquement présumé et non-effectué de la Case-navire, le 82e régiment, qui devait être fort de 1,500 hommes.

Il eût été préférable que les troupes de ligne, déjà rassemblées, volassent les premieres aux points de débarquement: que laissant un détachement pour éclairer l'ennemi sur un des deux points et servir de noyau à la réunion des gardes nationales, tout le reste marchat sur le second point, pour culbuter les Anglais.

On ne voit nulle part qu'on ait disposé quelques pieces de campagne pour protéger la retraite, en supposant qu'on n'ait pas eu de chevaux pour les conduire et appuyer les troupes en marchant à

l'ennemi.

Le capitaine-général, averti que les Anglais doivent attaquer le camp retranché qui couvre le fort Desaix en avant du seul front attaquable, que la flotte ennemie est sous le Cap Saolmon, loin de Case-Navire, fait venir le 82e régiment pour défendre le camp. La colonne anglaise, venue de Robert, avait repoussé successivement jusque dans le camp, les deux corps qu'on lui avait opposés.

Ce camp n'était pas tenable par les troupes trop peu nombreuses qu'on avait. Les ennemis occupaient le morne Lacalle qui le domine, et l'on ne put l'en déloger: y fût-on parvenu, par sa supériorité il eût bientôt rejeté les Français dans leur camp. Le 2 Février, les Anglais l'attaquerent par la droite (le poste Landais),

et furent repoussés; mais la seule crainte d'être attaqué par là ganche, et de voir la retraite des troupes sur le fort Desaix coupée, fait abandonner ce camp le même jour.

Ainsi ce camp est dominé: la gauche n'est pas assez forte pour forcer d'attaquer par la droite, et pouvoir se retirer sur le fort Desaix si on ne peut résister; il faut trop de monde pour y tenir, parce qu'il faudrait occuper le morne Lacalle; il ne convenait donc pas pour la circonstance. Il fallait occuper les forts de France et Desaix, et le morne des Olives, position inexpugnable centrale entre St. Pierre, le fort de France, la Trinité, d'où l'on peut tomber sur les derrieres des assiégeants du fort Desaix.

La défection des gardes nationales, le 2 Février, fait résoudre le capitaine-général à évacuer le fort de France sur le fort Desaix. Il donne, dès le 3, pour faire cette évacuation, 7 à 800 hommes de corvée; il fait brûler l'Amphitrite, &c. Il charge le sous-directeur d'artillerie de retirer ou de détruire tous les approvisionnements de guerre. Cet officier n'exécute l'ordre qu'en partie; cependant il a eu au moins quatre jours pour le faire: car les Anglais n'y débarquent que le 7, arborent leur pavillon le 8, et dès le 11 tirent avec les mortiers français et leurs bombes sur le fort Desaix, sur lequel les autres batteries ne tirent que le 19, au soir: ce qui accélere de beaucoup la fâcheuse situation de ce fort.

C'est une faute capitale et sans excuse au sous-directeur d'artillerie Sancé, de n'avoir pas exécuté l'ordre du capitaine-général; c'est aussi une faute de n'avoir pas fait surveiller cette importante opération. Mais, le parti d'évacuer le fort de France si promptement, sans être menacé de l'ennemi qui n'arrive que cinq jours après, est d'autant plus surprenant, que l'opinion d'un officier de génie très-instruit, rapportée dans un mémoire sur la défense de la Martinique, qui a été apostillé et approuvé par le capitaine-général Villaret, est: Qu'il faut que l'ennemi prenne le fort Desaix avant de s'emparer de celui de France; et, en effet, les localités des deux forteresses bien examinées, rendent cette opinion très-soutenable; les approches du fort de France, qui occupe en entier une langue de terre, allongée dans la mer, sont très-difficiles, et l'ennemi qui s'y loge est écrasé par le fort Desaix qui le domine de 450 pieds; aussi les batteries du fort Desaix font-elles beaucoup d'effet en tirant contre les Anglais au fort de France.

On aurait pu parer, comme on l'a déjà dit, à la défection des gardes nationales, en les mêlaut aux troupes de ligne, et les ren

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