fermant ensemble dans les trois points à défendre, les deux forts et le morne des Olives. L'ilet-aux-Ramiers, point essentiel de défense de la rade du fort de France, se rend le 4; il y avait 130 hommes, et ils n'ont eu que quatre tués et 12 blessés; ce n'est pas là se défendre. Mais la ré sistance était inutile, dès que le 2 on avait abandonné le fort qui défend la rade de l'autre côté. Jusqu'au 8 Février, on tire les bombes à feu sur les Anglais qu'on aperçoit; mais ces feux étaient de nul effet: les Anglais étaient à 900 toises; on ne voyait pas ce qu'ils faisaient, parce qu'on n'avait pas découvert les terrains environnants, ce qu'on aurait dû faire, au moins dans les lieux où, en 1794, ils avaient établi des batteries. Le but étant éloigné, on tirait sous un grand angle; ce qui détruisait les affûts et les platte-formes. Il faut savoir arrêter un feu qui ne nuit point à l'ennemi, qui altere votre artillerie, et qui n'est qu'un vain bruit. On n'ose faire des reconnaissances ni des sorties sur les Anglais, parce qu'on est séparé d'eux par des ravines impraticables; parce qu'ils sont plus forts sur tous les points que les troupes qu'on pourrait envoyer contr'eux. Ces opinions peuvent être contredites et discutées; mais peu importe. Du 8 au 19, on continue des feux inutiles sur des buts éloignés. On tire avec plus de succès sur les batteries établies par l'ennemi au fort de France, et on les fait taire plusieurs fois. On fait dans le fort des ouvrages utiles, comme traverses, blindages, mais en démolissant ceux faits dans les fossés pour abriter la garnison, parce qu'on manquait de bois propres à cet objet. On garnit de sacs à terre les reins de la voûte du grand magasin à poudre, n'ayant pas de bois pour blinder: ceux qu'on a, sont em ployés à blinder sa porte, celles des dix casemattes, de la grande traverse, &c. C'est une grande faute de ne s'être pas procuré du bois pour blinder le grand magasin à poudre, puisque l'ile en pouvait fournir. M. Dupuget avait dit, qu'on croyait ce magasin à l'abri de la bombe, sans l'assurer formellement; depuis sept ans, on eût pu le vérifier. Dans le doute, et pressé par le peu d'espace des bâtipas fait ments nécessaires, c'est une grande faute encore de n'avoir évacuer ce magasin dans les galeries de contremines et les po ternes, pour se donner les moyens d'abriter les soldats entassés dans les casemattes et les affùts abandonnés en plein air aux chûtes des bombes qui les ont tout brisés. Cet expédient était dicté par - la pénurie des bois de blindage, par le genre d'attaque que l'ennemi préparait, genre d'attaque que sa lenteur annonçait, que des espions ou des reconnaissances auraient fait découvrir; enfin, par l'évacuation qui, faite dans le siége de 1794, devait être sue de beaucoup de monde. Le 19 au soir, les Anglais démasquerent sept batteries. Le capitaine-général dit, qu'elles étaient armées de 54 bouches à feu Le directeur du génie qui les indique dans sa relation par leur nom, leur emplacement, n'en compte que 39, dont 18 mortiers, 5 obusiers et 16 canons. Les bombes de l'ennemi tirent jusqu'au 24, ébranlent ou endommagent toutes les casemattes, détruisent les platteformes, les affûts, les blindages, font sauter les magasins provisionnels des batteries de ce fort. Dix bombes déjà, le 23, étaient tombées sur la voûte du grand magasin à poudre. Suivant le directeur du génie, cette voûte était enfoncée ét lézardée en trois endroits; elle avait cédé sur une étendue de 3 à 4 pieds, et sur une largeur de plusieurs rangs de briques. Ce dernier affaissement est le seul que mentionne le capitaine-général; il lui donne la longueur de 4 briques sur 5 d'épaisseur, et 15 lignes de protubérance inté rieure. Cet accident fait naître la terreur de voir sauter le magasin à poudre sous les premieres bombes qui pourront y tomber. Cette terreur, qui a été le motif de pressantes sollicitations des officiers supérieurs de la garnison auprès du capitaine-général pour capituler, n'eût pas eu lieu, si on eût évacué ce magasin du 2 au 8, comme on l'a dit; car il avait au plus 300 milliers de poudres en 3,000 barils de 100 livres, et la garnison était de 1,500 hommes; donc on avait les moyens. Mais n'ayant pas fait eette disposition, et n'ayant pas pris avant le siége la mesure prescrite de tout temps de blinder le magasin, il fallait réserver les bois qu'on avait pour le blinder dans les endroits endommagés, tout de suite après la chute d'une bombe. Il parait qu'on n'eût eu à Llinder qu'en dix endroits. Cette précaution eût calmé les craintes de l'explosion, puisque les sacs à terre employés avaient été insuffisants. Le blindage des portes des casemattes pouvait être suppléé par d'autres moyens; on les couvre par une traverse faite à deux toises environ; on défonce à sept à huit pieds l'intervalle entre la porte et la traverse; et on purge bien le terrain de pierres; où on laisse vide l'espace, et on communique par des planches. La méthode de défoncer les terrains intérieurs, quand on le peut, des lieux bombardés, affaiblit beaucoup les bombes; on eût pu la pratiquer peut-être au fort Desaix. Le capitaine-général voyant la garnison tourmentée de la crainte de l'explosion du magasin, estimant qu'il avait perdu un tiers des troupes de ligne de l'ile, dont 700 aux combats du 1er Février et 200 dans le courant du siége, a cru devoir étouffer la voix de son courage, et céder aux instances réitérées des chefs et officiers supérieurs dont il connaissait les talents, le zele, la bravoure et l'attachement à S. M. afin de conserver, par une capitulation, des soldats valeureux, qui pouvaient être utiles encore à leur patrie. Sans doute, les troupes dans l'enceinte des fortifications encore intacte, auraient pu essuyer, jusqu'au renversement de ses remparts, les feux de l'assiégeant, mais un secours nombreux était incertain; les craintes de l'explosion du magasin n'étant pas calmées. leur petit nombre ne permettant pas de s'aller mesurer en rase campagne avec un ennemi trop supérieur, l'avis unanime des officiers étant de se rendre, le préfet colonial étant joint à eux, on crut devoir capituler. Le capitaine-géneral, dans ses lettres et mémoires envoyés au Conseil d'Enquête, allegue les motifs suivants, qui, ayant rendu très-fâcheuses les circonstances où il se trouvait, peuvent justifier sa conduite; suivant lui, 1o, L'attaque par le bombardement (genre inouï, dit-il); mais les Anglais firent de même en 1794, et bombarderent le fort avec 31 mortiers du 13 au 20 Mars (ils avaient en outre 35 canons). 2o. La défection des gardes nationales. On dit dans ce rapport, qu'en les combinant avec les troupes de ligne et les renfermant dans les forts, on eût pu peut-être en tirer parti. 3o. La crainte de l'explosion du magasin à poudre. On a dit qu'on pouvait la prévenir, ou au moins la calmer. 4. La proclamation du général Beckwith, de déporter les hommes de couleur. L'ennemi est maître de ses proclamations. 5o. Une lettre du 6 Mai, 1808, écrite par le préfet colonial au ministre de la marine, et qui tombée entre les mains des Anglais, avait provoqué l'invasion de l'île. Cette lettre a paru au Conseil sage, mesurée, exposant en général les besoins de la colonie, telle qu'elle devait être, et telle que le capitaine-général en a écrit lui même durant sept ans. Cette lettre d'ailleurs fut confiée à un bàtiment léger excellent voilier. En résumant les causes et les circonstances de la reddition de la Martinique, le Conseil d'Enquête trouve que les principales sont : De ne s'être pas mis en mesure d'arriver sur l'ennemi avant son débarquement; D'avoir divisé ses troupes en trois corps, lorsqu'il n'y avait que deux débarquements effectués; d'en avoir composé un tout en gardes nationales; d'avoir renvoyé le plus fort détachement tout en troupes de ligne sur le troisieme débarquement présumé, au lieu de marcher contre une des divisions débarquées, avec le plus de troupes possible, et ne faisant qu'éclairer l'autre division ennemie, De n'avoir pas combiné ensemble les gardes nationales et les troupes de ligne, et renfermé les premieres dans les forts ; D'avoir évacué le fort de France sans attendre l'ennemi, ayant même en troupes de ligne de quoi y laisser une garnison; De n'avoir pas fait surveiller les opérations du sous-directeur d'artillerie, chargé de retirer ou de détruire les munitions de guerre au fort de France, où les Anglais ont trouvé canons, mortiers, projectiles, &c. D'avoir occupé un camp mal-choisi, puisqu'on l'a abandonné le même jour; qu'on a repoussé une attaque de l'ennemi au lieu d'occuper le poste central et inexpugnable du morne des Olives; D'avoir entassé trop de troupes dans le fort Desaix, qui n'a des casemattes que pour 300 hommes, ce qui indique une garnison d'environ 1000 hommes; De n'avoir pas blindé le magasin à poudre du fort Desaix, au lieu des portes des casemattes; De n'avoir pas évacué ce magasin dans les galeries de contremines, dans la poterne, pour avoir un local qui mit à couvert la garnison et les affûts laissés en plein air, que les bombes ont détruits; De n'avoir pas enfin blindé, avec les débris restant des blindages des casemattes, les endroits de la voûte du magasin à poudre, endommagés par les bombes, pour rassurer la garuison qui craignait l'explosion de ce magasin. Malgré cette exposition des causes de la reddition du fort Desaix, le Conseil n'a vu qu'avec la plus grande surprise, qu'on n'a pas attendu pour se rendre que l'ennemi assiégeât la place, puisque le bombardement n'avait pas entamé les fortifications, et d'avoir cédé à la crainte de voir sauter le magasin à poudre. Le Conseil croit devoir dire encore à S. M. que ces causes et circonstances de la reddition de la Martinique qu'il vient d'exposer, sont déduites des relations du siége, du mémoire et lettre de M. le Capitaine-Général et des réponses aux observations faites par le Conseil au Chef de l'Etat-Major, au Directeur du génie, au Colonel du 82e, et que si on les considérait d'après une lettre confidentielle écrite de la rade de Quiberon, par un agent supérieur de la colonie, ces causes et circonstances paraîtraient sous un jour plus défavo rable. Paris, 29 Novembre 1809. (Signé) Le Maréchal Comte SERRURIER, Le Comte DEJEAN. Le Comte DE L'ESPINASSE. Le Comte GASSENDI. Renvoyé au Ministre de la Marine, pour faire exécuter les lois de l'empire contre les prévenus. Au Palais des Tuileries, le 6 Décembre 1809." |