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CHAPITRE IX

LA CONFECTION DES LOIS.

Le Règlement intérieur des Chambres. Les deux Chambres ont un Règlement intérieur qu'elles se sont fait elles-mêmes et qui a une grande importance pour le fonctionnement de la Constitution. Il est destiné 1o à distribuer les travaux de l'Assemblée de manière à les rendre aussi profitables que possible et à utiliser pour le mieux les lumières et les bonnes volontés; 2° à concilier l'ordre avec la liberté dans les débats parlementaires.

Le Bureau et la présidence des Assemblées. Les Chambres nomment elles-mêmes leur Bureau; c'est même par là qu'elles commencent aussitôt que la vérification des pouvoirs1 leur a permis de valider la majorité de leurs membres. Elles substituent alors le Bureau définitif au Bureau provisoire, qui est constitué au début de la session d'après l'âge. — Sous l'Empire, le chef de l'État s'était réservé la nomination du président et des vice-présidents du Corps législatif.

1. Chacune des deux Chambres est juge de l'éligibilité de ses membres et de la régularité des élections.

2. Le Président d'âge est le membre le plus âgé, les plus jeunes sont secrétaires.

Le Bureau est élu pour l'année, c'est-à-dire à la fois pour la session ordinaire et pour la session extraordinaire.

Les présidents des Chambres sont, après le président de la République, les plus hauts personnages de l'État; ils sont logés au Luxembourg et au PalaisBourbon. Ils ont sous leurs ordres les forces militaires préposées à la garde de l'Assemblée, avec le droit d'en fixer l'importance et de les réquisitionner.

Leur rôle dans le parlement est d'ouvrir et de lever la séance, et de diriger les débats. Ils accordent la parole, rappellent à la question, imposent l'observation de cette loi intérieure qui est le Règlement et veillent au maintien de l'ordre dans l'Assemblée. Aussi disposent-ils de peines disciplinaires, (rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal, censure entraînant la suppression d'une partie de l'indemnité). Il en est de même dans les parlements étrangers. Partout où les hommes sont réunis, comme le remarque fort justement M. Eug. Pierre, il faut une loi pour protéger chacun d'eux contre les passions d'autrui et surtout contre les siennes. La sanction purement morale établie en 1876 fut reconnue insuffisante, et on dut l'aggraver en 1879.

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Il y a

La discipline au Parlement et à l'école. là un enseignement dont la pédagogie peut faire son profit. Ainsi, des hommes faits, choisis parmi les plus raisonnables, ont reconnu que pour maintenir l'ordre dans leurs séances, leur président devait avoir à sa disposition, comme dernière raison, non seulement des mauvaises notes mais des punitions véritables. Comment le maître, dans les écoles, pourrait-il, quelque désir qu'il en ait, se dispenser de punir? Le petit monde auquel nous avons affaire est impatient de la règle, et ce n'est pas la partie la moins

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importante de notre tâche que de l'habituer à la respecter. Sans doute les élèves ne sont pas incapables non plus de comprendre la nécessité d'une discipline, et en les raisonnant il est possible aussi d'exercer une action utile sur leur conduite. Mais enfin on ne peut attendre d'eux plus, ni même autant, que des grandes personnes. «< Je vois le bien, je l'approuve, et cependant je fais le mal. » Cette parole d'un ancien leur est particulièrement applicable, même à ceux qui sont de bons sujets. C'est surtout de l'enfant qu'il est vrai de dire qu'il a besoin d'être protégé contre lui-même.

L'influence morale du maître peut beaucoup de même que celle du président dans les Assemblées délibérantes; mais ni l'autorité personnelle, ni le tact, ne sauraient en toutes circonstances tenir lieu du rappel à l'ordre avec inscription au cahier des consignes.

L'individu se comporte autrement dans une réunion un peu nombreuse qu'en son particulier; les passions acquièrent alors plus d'intensité et risquent d'entraîner les personnes les plus correctes d'ordinaire à des écarts qu'il est nécessaire de prévoir et de réprimer.

L'exemple tiré de notre histoire parlementaire vient de haut, il prouve que la sanction positive des règlements n'a rien de contraire à la dignité individuelle: nous dirons mieux, elle en est la plus sûre garantie.

Remarque. Il est bon de faire observer, pour éviter toute équivoque, que l'expression de discipline parlementaire s'emploie d'ordinaire pour désigner l'accord qui règne ou qui doit régner au Parlement entre les membres d'un même parti se concertant pour la réalisation d'un programme politique qui leur est commun. La discipline ainsi entendue est indispensable pour assurer le triomphe d'une opinion; elle exige l'abandon temporaire au moins, de certaines idées de moindre importance, car enfin nul ne doit s'attendre à la réalisation complète de son idéal et il faut savoir sacrifier quelque chose à celui d'autrui : mais elle ne doit jamais aller jusqu'à l'abdication de la personnalité. Il y a des cas où l'homme de parti cesserait de s'accorder avec lui-même s'il ne se résignait pas à un désaccord avec les membres de son groupe. Nul ne doit, pour

obéir à un mot d'ordre, désobéir à sa conscience; car jamais, pas plus dans la vie publique que dans la vie privée, il ne faut faire le mal pour que le bien en sorte: la fin ne justifie pas les moyens.

Les commissions. La discussion et le vote des lois. — Une fois que le Bureau est élu, la Chambre se trouve constituée. Alors il est procédé par voie de tirage au sort à la formation des bureaux : il ne faut par les confondre avec le Bureau; ce sont simplement les sections ou les groupes temporaires (leur durée est d'un mois), entre lesquels se répartissent tous les membres des Assemblées pour nommer après discussion ceux d'entre eux qui doivent faire partie des Commissions.

Il y a pour le Sénat 9 bureaux, composés les uns de 34, les autres de 32 membres; à la Chambre des députés ils sont au nombre de 11, avec 53 et 52 membres.

Les commissions sont chargées d'un travail préparatoire; chacune d'elles examine et discute la proposition ou le projet de loi qui lui a été renvoyé. Il y a cette différence entre la proposition et le projet que celui-ci émane de l'initiative gouvernementale et celle-là de l'initiative parlementaire. - Outre les commissions spéciales il y a chaque mois une commission d'initiative chargée de se prononcer d'abord sur la prise en considération des propositions de lois. Les propositions manifestement inopportunes ou inutiles peuvent ainsi être écartées par la Chambre à la suite d'un rapport concluant au rejet pur et simple; les autres sont soumises aux délibérations d'une commission nommée à cet effet. Les projets ne passent pas par la commission d'initiative.

Lorsque la commission spéciale, après un temps plus ou moins long, a terminé ses travaux, elle apporte à la Chambre en séance publique son rapport qui contient ses conclusions et leurs motifs. Deux délibérations, à cinq jours d'intervalle au moins, sont nécessaires sauf le cas où l'urgence a été prononcée. A la première lecture, l'ensemble de la loi est soumis à une discussion générale. S'il est décidé qu'il y a lieu de passer à la discussion des articles, la seconde délibération commence habituellement par là. Chacun peut dire ce qu'il approuve ou repousse; les amendements se produisent, sont discutés, rejetés ou adoptés; le texte proposé par la commission est maintenu ou modifié enfin on vote sur l'ensemble.

Si la Chambre a rejeté, la même loi ne peut lui être présentée de nouveau avant trois mois.

Si au contraire elle a adopté, son président transmet le texte au président de l'autre Chambre où la même procédure est obligatoire.

Alors il advient de trois choses l'une : ou le vote est favorable, et la loi passe; ou le vote est contraire, et le rejet pur et simple annule ce qui avait été fait par la première Assemblée : si jamais le même projet est repris et revient devant le Parlement, il ne pourra aboutir qu'après avoir suivi la même filière; ou bien enfin la loi est adoptée dans son ensemble, mais est amendée partiellement. Dans ce dernier cas, elle retourne à la Chambre d'où elle était sortie; et tant que l'accord ne s'est pas fait sur elle entre les deux parties du Parlement, elle n'est pas promulguée. Il peut arriver qu'elle fasse ainsi plusieurs fois la navette du Palais-Bourbon au Luxembourg.

Quand une loi a reçu la double consécration du

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