était superficielle et se bornait aux généralités. Le lecteur doit être mis en présence des textes législatifs qui règlent la vie publique, et il faut qu'il puisse suivre leur application jusque dans les mesures de détail qui aboutissent au fait particulier; sinon, il est exposé à se payer de mots et à prendre << la paille des termes pour le grain des choses ».

Mais les textes sont innombrables et les détails sont infinis: la confusion qui résulte d'une analyse minutieuse n'est pas moins à redouter que le vide des formules banales. Il ne faut pas que « les arbres empêchent de voir la forêt. » Le danger n'est pas moindre si l'esprit se détourne des idées générales que s'il se perd dans les abstractions.

Il y a des idées directrices qui président à l'organisation de l'État comme à celle des êtres vivants.

c'est par

elles

Elles sont l'âme de ses institutions; c'est que l'ordre social devient intelligible et que la raison comprend les lois qui le réalisent.

Qu'il s'agisse de la nature ou de la société, l'idée est présente dans les faits; la réflexion l'y découvre. Mais gardons-nous, en la dégageant, de rompre le lien qui l'unit à la réalité concrète, car elle échapperait à nos prises. Dans l'enseignement, les exemples sont indispensables à la transmission des vérités abstraites; plus ils sont précis, mieux ils remplissent leur rôle. L'intelligence humaine a horreur du vague, et pour agir sur l'entendement

il faut s'adresser aux sens et à l'imagination. L'artiste ne crée un type général, capable de se graver dans la mémoire des hommes, que s'il incarne sa pensée dans un personnage qui possède en même temps au plus haut degré l'individualité. Les principes de l'esthétique paraissent s'appliquer aussi aux œuvres plus modestes où l'auteur s'est proposé d'instruire, sans se flatter de charmer comme le peintre ou le poète.

N'est-il pas vrai encore que si l'on veut exposer dans leur ensemble les institutions d'un pays et représenter comme en un tableau la vie nationale, on devra mettre en relief les faits essentiels et les traits caractéristiques? L'élimination des choses accessoires, et des détails d'une valeur significative moindre, permettra d'obtenir une image fidèle dans un cadre restreint.

Enfin il n'est pas interdit non plus, dans un pareil sujet, de rendre l'émotion, d'exprimer la passion dont le cœur se remplit et s'échauffe quand la pensée se fixe sur les grandes idées du droit et de la liberté. Nous dirons même qu'on tient par-dessus tout à communiquer aux autres ses propres sentiments et à leur faire partager ses convictions.

En dehors des connaissances puisées dans les ouvrages spéciaux sur les différentes questions, ouvrages que nous indiquons toujours en leur lieu,

nous avons eu recours autant que possible aux documents officiels. Nous nous sommes efforcé de mettre le livre au courant des travaux législatifs les plus récents; et à divers égards, il est autre chose qu'un livre de seconde main.

Nous adressons ici nos remerciements aux chefs de service qui ont bien voulu nous communiquer les textes et nous éclairer de leurs renseignements. Nous tenons également à témoigner notre reconnaissance à la bibliothèque Sainte-Geneviève ainsi qu'aux bibliothèques de l'Université, du Musée pédagogique et du lycée Saint-Louis, que nous avons mises largement à contribution et où nous avons trouvé un précieux concours pour nos recherches.

E. L.

Septembre 1895.

INSTRUCTION CIVIQUE

INTRODUCTION

L'INSTRUCTION CIVIQUE, SON RÔLE DANS L'ÉDUCATION

L'enfant est appelé, lorsqu'il atteint l'âge d'homme, à exercer les droits et à pratiquer les devoirs du citoyen; l'instruction civique a pour but de l'y préparer. Elle a été inscrite en première ligne dans la loi du 28 Mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire; mais elle ne s'achève point à l'école. Il convient ici surtout de se rappeler la parole de M. Gréard « l'éducation est l'œuvre de la vie entière »>, et de ne pas vouloir faire tenir toutes les études <<< dans le travail de quelques années de la jeunesse ».

Les diverses parties de l'éducation se tiennent, et les enseignements mêmes dont ce n'est pas l'objet particulier ont une importance capitale au point de vue civique. Tout ce qui fortifie le corps et l'esprit, tout ce qui rend l'individu plus fort, plus éclairé, plus honnête est utile en même temps au pays et contribue au bien de la nation.

Vous avez besoin, pour vous-même, de savoir lire, écrire, compter, exprimer clairement votre pensée en

bon français; la patrie aussi est intéressée à ce que nul de ses enfants n'ignore ces éléments: ne sont-ils pas tous appelés à la servir et à prendre part aux affaires publiques?

L'histoire vous fait connaître le passé de la France, les grandes choses qu'elle a accomplies dans le monde, les luttes, les efforts de nos ancêtres pour la rendre libre et prospère; - et l'amour que vous avez naturellement pour votre patrie en devient plus ardent.

La morale développe et fortifie le sentiment du bien; elle prépare à la pratique des vertus individuelles et sociales qui sont la condition des vertus civiques; la morale civique en particulier fait comprendre lecaractère sacré des obligations patriotiques, elle les détermine, et en éclairant la conscience elle dispose la volonté à remplir son devoir.

Il faut être un honnête homme pour être un bon citoyen; mais cela ne suffit pas avec les meilleures intentions on ne fait pas tout le bien dont on serait capable, on peut même faire du mal si l'on ignore ce qu'il faudrait savoir et si on est dans l'erreur. L'instruction civique complète l'enseignement moral et achève d'éclairer le patriotisme en faisant connaître l'organisation de l'État et les conditions de la vie nationale. Les questions dont elle traite sont familières à tous; aussi on se figure volontiers qu'on n'a pas besoin d'en faire une étude spéciale.

L'Etat, la commune, le gouvernement, la loi, le parlement, voilà des mots qu'on a vus imprimés mille fois, qu'on entend et qu'on emploie sans cesse, et l'on croit en bien savoir le sens : en réalité, on les comprend fort mal; l'écho qu'ils éveillent dans la