Hélas! en guerre avec moi-même, Où pourrai-je trouver la paix? Je veux, et n'accomplis jamais. Je veux; mais (ô misère extrême !) Je ne fais pas le bien que j'aime, Et je fais le mal que je hais.
O grâce, ô rayon salutaire ! Viens me mettre avec moi d'accord, Et, domptant par un doux effort Cet homme qui t'est si contraire, Fais ton esclave volontaire De cet esclave de la mort.
Neptune avait promis à Thésée d'accomplir tel vœu qu'il lui demanderait; celui ci, courroucé contre son fils Hippolyte pour un crime imaginaire le chasse de son royaume en priant Neptune de le faire périr. Théramène son confident fait le récit de sa mort.
A peine nous sortions des portes de Trézène Il étoit sur son char; ses gardes affligés Imitoient son silence, autour de lui rangés ; Il suivoit tout pensif le chemin de Mycènes; Sa main sur ses chevaux laissoit flotter les rênes ; Ses superbes coursiers, qu'on voyoit autrefois Pleins d'une ardeur si noble obéir à sa voix, L'œil morne maintenant, et la tête baissée, Sembloient se conformer à sa triste pensée. Un effroyable cri, sorti du fond des flots, Des airs en ce moment a troublé le repos; Et, du sein de la terre, une voix formidable Répond en gémissant à ce cri redoutable. Jusqu'au fond de nos cœurs notre sang s'est glacé ; Des coursiers attentifs le crin s'est hérissé. Cependant, sur le dos de la plaine liquide, S'élève à gros bouillons une montagne humide;
L'onde approche, se brise, et vomit à nos yeux, Parmi des flots d'écume, un monstre furieux. Son front large est armé de cornes menaçantes; Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes; Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux ; Ses longs mugissemens font trembler le rivage. Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage; La terre s'en émeut, l'air en est infecté ; Le flot qui l'apporta recule épouvanté.
Tout fuit; et, sans s'armer d'un courage inutile, Dans le temple voisin chacun cherche un asile. Hippolyte lui seul, digne fils d'un héros,
Arrête ses coursiers, saisit ses javelots,
Pousse au monstre, et d'un dard lancé d'une main sûre;
Il lui fait dans le flanc une large blessure.
De rage et de douleur le monstre bondissant, Vient aux pieds des chevaux tomber en mugissant, Se roule, et leur présente une gueule enflammée Qui les couvre de feu, de sang et de fumée. La frayeur les emporte; et, sourds à cette fois, Ils ne connoissent plus ni le frein ni la voix ; En efforts impuissans leur maître se consume. Ils rougissent le mors d'une sanglante écume. On dit qu'on a vu même, en ce désordre affreux, Un dieu qui d'aiguillons pressoit leur flanc poudreux. A travers les rochers la peur les précipite; L'essieu crie et se rompt: l'intrépide Hippolyte Voit voler en éclats tout son char fracassé ; Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé, Excusez ma douleur: cette image cruelle Sera pour moi de pleurs une source éternelle. J'ai vu, seigneur, j'ai vu votre malheureux fils Traîné par les chevaux que sa main a nourris. Il veut les rappeler, et sa voix les effraie ; Ils courent: tout son corps n'est bientôt qu'une plaie. De nos cris douloureux la plaine retentit. Leur fougue impétueuse enfin se ralentit :
Ils s'arrêtent non loin de ces tombeaux antiques Où des rois ses aïeux sont les froides reliques. J'y cours en soupirant, et sa garde me suit : De son généreux sang la trace nous conduit ; Les rochers en sont teints; les ronces dégouttantes Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes. J'arrive, je l'appelle; et me tendant la main, Il ouvre un œil mourant qu'il referme soudain : "Le ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie. Prends soin après ma mort de la triste Aricie. Cher ami, si mon père un jour désabusé Plaint le malheur d'un fils faussement accusé, Pour apaiser mon sang et mon ombre plaintive, Dis-lui qu'avec douceur il traite sa captive; Qu'il lui rende . . . ." A ce mot, ce héros expiré N'a laissé dans mes bras qu'un corps défiguré : Triste objet où des dieux triomphe la colère, Et que méconnoîtroit l'œil même de son père.
A FAMOUS satirist of the seventeenth century, contemporary and friend of Molière and Racine.
L'Huitre et les Plaideurs.
Un jour, dit un auteur n'importe en quel chapitre Deux voyageurs à jeun rencontrèrent une huitre Tous deux la contestaient, lorsque dans leur chemin La justice passa, la balance à la main.
Devant elle à grand bruit ils expliquent la chose, Tous deux avec dépens veulent gagner leur cause, La justice, pesant ce droit litigieux,
Demande l'huitre, l'ouvre, et l'avale à leurs yeux; Et par ce bel arrêt terminant la bataille ; "Tenez; voila dit-elle à chacun une écaille, Des sottises d'autrui nous vivons au palais. Messieurs l'huitre était bonne. Adieu vivez en paix.
Il n'est point de serpent ni de monstre odieux, Qui, par l'art imité ne puisse plaire aux yeux : D'un pinceau délicat l'artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable, Ainsi, pour nous charmer, la tragédie en pleurs D'Edipe tout sanglant fit parler les douleurs, D'Oreste parricide exprima les alarmes,
Et pour nous divertir nous arracha des larmes.
Pourquoi ces éléphants, ces armes, ce bagage Et ces vaisseaux tout prêts à quitter le rivage Disait au roi Pyrrhus un sage confident Conseiller très-sensé d'un roi très-imprudent. Je vais, lui dit ce prince, à Rome ou l'on m'appelle, Quoi faire ?-L'assiéger-L'entreprise est fort belle, Et digne seulement d'Alexandre ou de vous. Mais Rome prise enfin, seigneur, où courons-nous? -Du reste de Latins la conquête est facile.
Sans doute on les peut vaincre; est-ce tout?-La Sicile De là nous tend les bras, et bientôt sans effort Syracuse reçoit nos vaisseaux dans son port.
-Bornez-vous là vos pas! —Dès que nous l'aurons prise, Il ne faut qu'un bon vent, et Carthage est conquise. Les chemins sont ouverts : qui peut nous arrêter ? -Je vous entends, seigneur, nous allons tout dompter Nous allons traverser les sables de Libye, Asservir en passant l'Egypte, l'Arabie,
Courir de-là le Gange en de nouveaux pays, Faire trembler le Scythe aux bords du Tanaïs, Et ranger sous nos lois tout ce vaste hémisphère. Mais de retour enfin que prétendez-vous faire ?——
Alors, chez Cinéas, victorieux, contents
Nous pourrons rire à l'aise et prendre du bon temps. 2 -Eh! seigneur, dès ce jour, sans sortir de l'Epire, Du matin jusqu'au soir qui vous défend de rire?
Aussitôt que du soir les ombres pacifiques D'un double cadenas fort fermer les boutiques, Que, retiré chez lui, le paisable marchand Va revoir ses billets et compter son argent; Que dans le Marché-Neuf tout est calme et tranquille, Les voleurs à l'instant s'emparent de la ville Le bois le plus funeste et le moins fréquenté Est, au prix de Paris, un lieu de sûreté Malheur donc à celui qu'une affaire imprévue Engage un peu trop tard au détour d'une rue! Bientôt quatre bandits, lui serrant les côtés :
La bourse! . . Il faut se rendre ; ou bien non, résistez 8 Afin que votre mort, de tragique mémoire Des massacres fameux aille grossir l'histoire.
Pour moi, fermant ma porte, et cédant au sommeil, Tous les jours je me couche avecque le soleil,
Mais en ma chambre à peine ai-je-éteint la lumière, Qu'il ne m'est plus permis de fermer la paupière Des filous effrontés, d'un coup de pistolet, Ebranlent ma fenêtre, et percent mon volet ; J'entends crier partout: Au meurtre! On m'assassine! Ou Le feu vient de prendre à la maison voisine Tremblant et demi-mort, je me lève à ce bruit, Et souvent sans pourpoint je cours toute la nuit Car le feu, dont la flamme en ondes se déploie, Fait de notre quartier une seconde Troie Où maint Grec affamé, maint avide Argien, Au travers des charbons va piller le Troyen Enfin sous mille crocs la maison abimée Entraîne aussi le feu qui se perd fumée.
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