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raison que la loi ne l'accorde qu'aux collatéraux les plus proches, à ceux qui, à raison de leur degré de parenté, sont censés agir par affection et non par intérêt.

Enfin la loi limite les causes pour lesquelles les collatéraux sont admis à former opposition. Ils ne le peuvent, dit l'article 174, que dans deux cas lorsque le consentement du conseil de famille n'a pas été obtenu, et lorsque le futur époux est en état de démence. Pourquoi la loi ne permet-elle pas aux collatéraux de former opposition quand il y a une autre cause légale qui porte obstacle à la célébration du mariage, en cas de bigamie, par exemple? De raison, il n'y en a pas, sinon la crainte des abus; mais il n'y avait pas d'abus à craindre dès que le droit d'opposition était limité aux empêchements dirimants. Ce sont les excès de l'ancienne jurisprudence qui ont fait tomber le législateur dans un excès contraire.

382. La première cause d'opposition est péremptoire, et elle ne donne lieu à aucune difficulté. Si un mineur n'ayant plus d'ascendants veut se marier, il a besoin du consentement de la famille, sous peine de nullité. C'est le cas de dire avec Portalis Mieux vaut prévenir le mal que d'avoir à le réparer. La seconde cause est plus délicate, c'est la démence du futur époux. N'est-il pas à craindre que des collatéraux avides n'invoquent la folie pour entraver un mariage qui va ruiner leurs espérances? Le législateur a prévu le danger et il y a porté remède. Le tribunal, dit l'article 174, peut prononcer mainlevée pure et simple de cette opposition. » C'est le tribunal qui prononce la mainlevée. Cela suppose donc que le futur époux a demandé la mainlevée. Dans ce cas, c'est à l'opposant à justifier son opposition. Il ne suffit pas pour cela qu'il allègue vaguement l'état de folie. Un arrêt de la cour de Paris décide que l'opposant doit articuler par écrit les faits d'imbécillité, de démence ou de fureur. L'article 493 prescrit cette énonciation, quand il y a une demande en interdiction; or, d'après l'article 174, le collatéral qui fonde son opposition sur l'état de folie du futur époux, est obligé de provoquer l'interdiction, et d'y faire statuer dans is délai qui sera fixé par le tribunal. Il faut donc un juge

ment; dès lors l'opposant doit faire connaître les faits qui permettent au juge de décider, soit en prononçant la mainlevée, si les faits articulés ne lui paraissent pas pertinents, soit en recevant l'opposition, à charge de provoquer l'interdiction. Il résulte de là que l'opposant n'est pas tenu de provoquer l'interdiction au moment même où il forme opposition; et il n'est pas tenu non plus d'articuler les faits de démence, d'imbécillité ou de fureur dans l'acte d'opposition, car cet acte s'adresse à l'officier de l'état civil ce n'est pas devant lui, c'est devant le tribunal que le débat s'engage, ce n'est donc qu'à ce moment que l'opposant doit articuler les faits et provoquer l'interdiction (1). 383. La loi ne donne pas le droit d'opposition aux enfants ni aux neveux et nièces, bien qu'ils soient plus proches parents que les collatéraux qui peuvent former opposition. Il faut conclure du silence de la loi que ce droit ne leur appartient pas. Il est vrai que les termes de l'article 174 ne sont pas restrictifs : c'est une simple énumération. Il est vrai encore qu'il peut y avoir une juste cause d'opposition, la démence; or, quand il y a des enfants, les collatéraux n'agiront pas, puisqu'ils n'y ont aucun intérêt; ne conviendrait-il pas, en ce cas, que les enfants pussent former opposition? La question a été portée devant les tribunaux. C'était, comme dit Merlin, une lutte contre le texte de la loi; aussi ces prétentions n'ont-elles jamais été accueillies (2). La cour de Toulouse dit très-bien que le droit d'opposition au mariage est un droit exorbitant, une exception à la liberté que chacun a de contracter mariage; que par suite on ne peut reconnaître ce droit qu'à ceux auxquels la loi l'a spécialement et nominativement attribué. Il suit de là que le silence de la loi implique qu'elle refuse ce droit aux enfants et aux neveux. Il y a d'ailleurs une raison de ce refus. La déférence et le respect que les cnfants doivent avoir pour les auteurs de leurs jours ne

(1) Dalloz, Répertoire, au mot Mariage, n° 270. Merlin, Képertoire, au mot Opposition à un mariage, no 4, 5o.

(2) Voyez la jurisprudence dans Merlin, au mot Opposition, no 4, et dans Dalloz, au mot Mariage, no 285. Il faut ajouter un arrêt de Lyon du 11 décembre 1850 (Dalloz, Recueil périodique, 1851, 2, 243), ct un arrêt de Cruxelles du 3 septembre 1831 (Pasicrisie, 1831, 252).

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permettent pas qu'ils exercent le droit d'opposition. Quant aux neveux, si la loi ne leur donne pas un droit qu'elle accorde à des collatéraux plus éloignés, aux cousins, c'est que l'on a toujours considéré les oncles et tantes comme tenant lieu de père et de mère à leurs neveux et nièces. Cette image de la paternité suffit pour que l'on refuse aux neveux et nièces un droit que la loi n'a pas voulu accorder aux enfants. Il va sans dire qu'à plus forte raison, les collatéraux autres que ceux qui sont énumérés dans l'article 174 n'ont pas le droit de former opposition.

384. Cette opinion est admise par tout le monde. L'article 490 donne cependant lieu à une sérieuse objection. Il autorise tout parent à provoquer l'interdiction do scn parent. On demande si cette disposition ne déroge pas à l'article 174. A première vue, la contradiction entre les deux dispositions paraît évidente. Les enfants, les neveux et nièces ne peuvent pas former opposition, pas même pour cause de démence, pas même en provoquant l'interdiction de leur père ou de leur oncle le respect filial le leur défend. Et voilà l'article 490 qui, malgré ce respect filial, permet aux enfants de demander l'interdiction de leur pèro et donne le même droit aux neveux. S'ils peuvent poursuivre l'interdiction de leur père ou de leur oncle pour cause de démence, ne doit-on pas, par voie de conséquence, leur accorder le droit de former opposition au mariage, pour cause de démence, en provoquant l'interdiction?

Cela a été soutenu devant les tribunaux, mais cela est inadmissible. On ne peut pas admettre qu'un article du code abroge l'autre. Il faut donc dire que le droit de provoquer l'interdiction ne donne pas le droit de former opposition. Il y a, en effet, une raison de différence. L'interdiction a pour but de sauvegarder les intérêts pécuniaires de celui qui est en état de démence et de sa famille. Dès lors l'action doit appartenir à tout parent. Il n'en est pas de même de l'opposition au mariage; elle n'est pas fondéc sur un intérêt pécuniaire, mais sur un intérêt moral; or, convient-il que les enfants viennent, donner une leçon do morale à leur père ou ies neveux à leur oncle? ou, pour parler le langage juridique, convient-il que les enfants et

les neveux prétextent un intérêt moral, alors qu'en réalité ils agissent par intérêt pécuniaire? Le respect filial le leur défend. Il y a encore une autre différence entre l'interdiction et l'opposition au mariage. L'interdiction est prononcée, alors même qu'il y a des intervalles lucides, tandis que l'aliéné peut se marier s'il a un intervalle lucide. L'opposition fondée sur la démence n'est donc jamais péremptoire. Convient-il que des enfants s'opposent au mariage de leur père, si celui-ci a des intervalles lucides? Encore une fois, le respect le leur défend (1).

Ce que nous venons de dire ne répond pas encore à la difficulté que présente la combinaison des articles 174 et 490. L'enfant ne peut pas former opposition au mariage de son père. Soit, il ne le fera pas, mais il peut provoquer l'interdiction de son père, et il le fait. Après que l'instance est engagée, le père fait des publications de mariage; l'enfant ne peut pas s'y opposer et personne ne forme opposition. Le mariage devra-t-il avoir lieu, malgré le procès en interdiction, malgré la preuve acquise que le père est réellement aliéné? M. Demolombe prétend que l'enfant pourra en ce cas former opposition, à titre de mesure conservatoire (2). Cela paraît rationnel, car à quoi servira l'interdiction, si le père se marie en faisant de folles libéralités dans son contrat de mariage? Cependant cela nous paraît inadmissible. L'opposition n'appartient qu'à ceux auxquels la loi accorde ce droit. Voilà un principe absolu; les enfants ne peuvent pas obtenir indirectement un droit que la loi leur refuse, en provoquant l'interdiction: ce serait leur donner un moyen d'éluder la loi. Tout ce que les enfants peuvent faire, c'est de dénoncer le procès en interdiction à l'officier de l'état civil, et, au besoin, au ministère public. L'officier de l'état civil ne peut pas célébrer le mariage d'une personne qui est incapable de consentir; si tel est l'état du père, l'officier public doit refuser son ministère. Dans l'opinion qui permet au procureur impérial de former opposition, la dénonciation qui lui sera faite permettra d'arrêter le mariage.

(1) C'est l'opinion générale (Dalloz, au mot Mariage, no 275).

(2) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III, p. 239 et suiv., no 145.

Autre difficulté. Les enfants commencent par former opposition, puis prévoyant qu'elle ne sera pas reçue, ils demandent l'interdiction. Cette demande devra-t-elle être reçue par le tribunal? La cour de Bruxelles a décidé que la demande n'est pas recevable : ce serait, dit l'arrêt, permettre d'éluder l'article 174, en permettant non-seulement aux enfants, mais à tous les collatéraux de faire indirectement ce que la loi leur défend de faire directement. Merlin approuve cette décision, il voit dans l'article 174 une fin de non-recevoir insurmontable (1). Mais en interprétant ainsi l'article 174, on annule l'article 490. Il faut concilier les deux dispositions, et la conciliation se fait d'elle-même, si l'on admet, comme nous venons de le dire, que la demande en interdiction intentée par les enfants, et à plus forte raison par les collatéraux, ne leur donne pas le droit de former opposition. La cour de Bruxelles et Merlin supposent que la demande en interdiction vaut opposition. Cela n'est point; elle ne fait qu'éveiller l'attention de l'officier de l'état civil et du ministère public. Et rien de plus légitime.

No 4. DU TUTEUR ET DU CURATEUR.

385. L'article 175 porte : « Dans les deux cas prévus par le précédent article, le tuteur ou curateur ne pourra, pendant la durée de la tutelle ou curatelle, former opposition qu'autant qu'il y aura été autorisé par un conseil de famille qu'il pourra convoquer. » Au mariage de qui s'applique cette disposition? C'est le tuteur ou le curateur qui peuvent former opposition. D'après le code Napoléon, les mineurs sont sous curatelle ou sous tutelle, suivant qu'ils sont ou non émancipés. Sont encore sous tutelle les majeurs ou mineurs interdits. Que l'article 175 doive recevoir son application aux mineurs, émancipés ou non, cela est sans difficulté pour le premier des deux cas prévus par l'article 174, c'est-à-dire lorsque le mineur veut se marier sans avoir obtenu le consentement du conseil de famille.

(1) Merlin, Répertoire, au mot Opposition, no 4

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