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L'Eglise n'a rien définien faveur des infidèles.

» jamais ouï ». Id quod non audieras crederes, si velles (1).

Que si c'est un fait constant et public, qu'il y a eu et qu'il y a des peuples en cet état, peuton nier qu'il ne soit utile aux chrétiens de leur inspirer de l'attention au malheur de la naissance de ces peuples, afin qu'ils ressentent mieux les richesses inestimables de la grâce qui les a mis dans un état plus heureux?

Nous disons, en second lieu, qu'il n'y a rien là qui approche de ces cinq fameuses propositions, où il est à la vérité décidé que nul juste Question n'est jamais privé, ni ne le peut être, de la grâce jugée tou- absolument nécessaire à faire, mais où tout le chant les jus- monde est d'accord que la sagesse de l'Eglise n'a

tes de la 1. re

proposition. pas trouvé à propos de rien définir en faveur des infidèles sur la grâce nécessaire à croire. Il est donc certain qu'en les privant de cette grâce, on n'encourt pas la condamnation d'Innocent X, et que cette thèse n'appartient en aucune manière à la fameuse question qu'il a jugée, avec le consentement de toute l'Eglise, en faveur des justes.

Nous ajoutons néanmoins que cette conclusion n'empêcheroit pas qu'en ôtant aux infidèles qui n'ont jamais ouï parler de l'Evangile, la grâce immédiatement nécessaire à croire, on ne leur accordât celle qui mettroit dans leur cœur des préparations plus éloignées, dont, s'ils usoient comme ils doivent, Dieu leur trouveroit (1) De corr. et grat, c. 7.

dans

dans les trésors de sa science et de sa bonté, des moyens capables de les amener de proche en proche à la connoissance de la vérité. Ce sont ces moyens qui ont été si bien expliqués dans le livre De la vocation des Gentils, où sont comprises les merveilles visibles de la création, capables d'amener les hommes aux invisibles perfections de Dieu, jusqu'à les rendre inexcusables, selon saint Paul, s'ils ne les connoissent et les adorent. Et non-seulement on y trouve cetle bonté générale, mais encore par une secrète dispensation de sa grâce, de plus occultes et de plus particulières insinuations de la vérité, que Dieu répand dans toutes les nations par les moyens dont il s'est réservé la connoissance.

Il ne faut donc pas songer à les pénétrer, ni jamais rechercher les causes pourquoi il met plus tôt ou plus tard, et plus ou moins en évidence les témoignages divers, et infiniment différens, de la vérité parmi les infidèles. C'est ce qu'on trouve expliqué dans le docte livre de la vocation des Gentils (1), et ce qu'on croiroit, s'il en étoit question, pouvoir montrer non-seulement dans les autres Pères, mais encore distinctement dans saint Augustin, et dans le véritable Prosper, dont ce livre a si long-temps porté le nom. Ainsi, bien loin de soutenir (2) aucune des cinq propositions, les Réflexions Morales ne

(1) Resp. ad 8. obj. cap. Gall. (a) Il y a dans la copie combattre, mais il est évident que M. de Meaux a voulu mettre soutenir, ou quelque autre mot équivalent.

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sont pas même contraires à la volonté générale de sauver tous les hommes et de les amener, de loin ou de près, par des moyens différens, à la connoissance de la vérité. Nous en avons vu les passages, qui ne sont pas éloignés de ces consolantes paroles du livre de la Sagesse : Que Dieu n'a pas fait la mort, et ne se réjouit pas de la perte des vivans; mais qu'il a fait guérissables les nations de la terre (1) : qu'il a soin de tous, toujours prêt de pardonner à tous, à cause de sa bonté et de sa puissance, et qu'il a méme ménagé avec attention, TANTA ATTENTIONE, les peuples qui étoient dús à la mort (pour avoir persécuté ses enfans) DEBITOS MORTI, afin de donner lieu à la pénitence, leur accordant le temps et l'occasion de se corriger de leur malice (2).

Ce qu'il faut ici uniquement éviter, c'est de Ne point donner donner pour pour défini ce qui ne l'est pas, ou d'ôter défini ce qui aux enfans de Dieu la connoissance distincte de ne l'est pas. leur préférence toute gratuite à l'égard du don

de la foi; de peur de les confondre par-là avec le reste des nations que Dieu, par un juste jugement, a laissé aller dans leurs voies, comme il est écrit dans les Actes (3). C'est pourquoi saint Augustin n'a pas hésité à mettre les trois propositions suivantes à la tête des douze articles de la foi catholique, qu'il expose dans son épître à Vital (4).

(1) Sap. 1. 13 et 14.— (2) Ibid. x11. 19, 20. (3) Act. xiv. 15, (4) Lett. 217. al. 107. á Vital.

tés de foi.

IV. Nous savons que la grâce par laquelle Trois vérinous sommes chrétiens, n'est pas donnée à tous les hommes.

v. Nous savons que ceux à qui elle est donnée, elle leur est donnée par une miséricorde gra

tuite.

vi. Nous savons que ceux à qui elle n'est pas donnée, c'est par un juste jugement de Dieu qu'elle ne l'est pas.

Vérités que la foi propose à tous les fidèles, pour les obliger de reconnoître avec action de grâces la prédilection dont Dieu les honore.

En troisième lieu, dans la plus sévère critique, et quelque opinion qu'on veuille embrasser, il n'y a rien à reprendre dans ces propositions des Réflexions Morales: Celui qui l'a reçue (la grâce nécessaire à croire) doit craindre; parce qu'il la peut perdre; faute de l'effort qu'il faudroit faire pour la conserver, et pour la faire valoir : et celui qui ne l'a pas reçue doit espérer, puisqu'il la peut recevoir (1). Mais si on la doit espérer, on ne doit donc pas se croire destitué de tout secours, puisqu'espérer en est un si grand. Ainsi l'auteur avertit, en relevant ceux qui sentent qu'ils ne peuvent encore vaincre la maladie de l'incrédulité, quels qu'ils soient, ou dans l'Eglise, ou hors de l'Eglise, qu'ils se gardent bien de désespérer d'eux-mêmes, ou d'abandonner la sainte parole; mais qu'ils se confient en notre Seigneur, qu'ils pourront un jour ce qu'ils ne peuvent peutêtre pas selon leur disposition présente.

(1) Joan. vi. GG.

Voilà comme on ne contredit les Réflexions que par un esprit de contention; et nous osons dire que pour peu qu'on apportât à cette lecture un esprit d'équité, et que l'on s'attachât à considérer toute la suite du discours, au lieu du trouble que quelques-uns voudroient inspirer, on n'y trouveroit qu'édification et bon conseil.

Au reste, nous ne croyons pas avoir rien à dire de nouveau sur la grâce nécessaire aux œuvres chrétiennes et salutaires, qui n'est pas donnée à tous, puisqu'il est certain et que tout le monde est d'accord qu'on ne l'a point sans la foi, que tout le monde n'a pas ; et qu'enfin pour ce qui regarde les justes, la vérité n'oblige à confesser, même pour des personnes si favorisées, qu'un secours dans l'occasion, ou immédiat ou médiat, pour accomplir les préceptes selon l'expresse définition du concile de Trente.

§. XVIII.

Rétablissement d'une preuve de la divinité de Jésus-Christ, qui avoit été affoiblie dans les versions de l'Evangile.

La vigilance de notre archevêque ne s'étend pas seulement à éclaircir la matière des cinq propositions, ni celles qui en approchent; ce prélat porte bien plus loin son attention pastorale. C'est une faute commune presque à toutes les versions nouvelles de l'Evangile, d'avoir traduit ces paroles de notre Seigneur : Antequam Abraham fieret, ego sum: Devant qu'Abraham fút, je

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