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rapporter, il substitue une expression si indigne à la force de celle de l'apôtre.

Je ne sais pourquoi il a voulu expliquer dans sa note l'aiguillon dont parle saint Paul, par avoir une épine au pied (1), qui est d'un langage si bas, et d'ailleurs si fort au-dessous de ce que l'apôtre appelle l'ange de Satan: ni pourquoi il explique aussi se remarier selon le Seigneur (2), par ces mots, en tout bien et honneur, comme si outre la bassesse de cette expression du vulgaire, ces grands mots, selon le Seigneur, se devoient réduire à une simple honnêteté selon le monde.

Il semble dans toutes les notes que l'auteur n'ait eu dans l'esprit que le dessein de ravilir les idées de l'Ecriture. Sous prétexte de rapprocher les objets, et de condescendre à la capacité du vulgaire, il le plonge, pour ainsi parler, jusque dans la fange des expressions les plus basses..

Garder la parole et le commandement de Jésus-Christ, veut dire sept ou huit fois dans saint Jean, XIV. XV. XVII. et en cent autres endroits de l'Evangile, les mettre en pratique, y obéir. Ainsi l'auteur avoit parfaitement rendu cette expression du Fils de Dieu : Si sermonem meum servaverunt et vestrum servabunt : Joan. xv. traduisant naturellement comme tous les autres, s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais comme un si grand critique n'est pas content, s'il ne montre qu'il voit dans son

(1) II. Cor. xn. 3. — (2) L. Cor. vii. 79.

20. en

texte, ce que nul autre n'y a jamais aperçu; il tombe dans la ridicule version que voici : gardé, et observé, c'est autrement épié, et contre tous les exemples, il donne la préférence à cette traduction, sous prétexte que dans notre langue, observer, veut dire, épier, quand nous disons observer un homme.

Les Juifs d'envie qu'ils eurent, ayant pris avec eux de méchantes gens de la lie du peuple, ce qui exprimoit naturellement les paroles du texte sacré, Act. XVII. 5. mais l'auteur s'est avisé de cette note; le mot grec signifie proprement des gens qui sont toujours sur le pavé et dans les grandes places à ne rien faire, c'est ce que nous appelons batteurs de pavé. Le mot grec αγοραίων, qui est dans le texte, quoi qu'en puisse dire le critique, n'a aucun rapport au pavé, et il a seulement voulu montrer qu'il savoit changer les expressions les plus naturelles dans les plus vulgaires et les plus basses.

VI.

Réflexions

Si quelques-unes de ces remarques paroissent en elles-mêmes peu considérables, il n'est pas sur les derinutile d'observer que notre critique a peu connu, nières remarje ne dirai pas cette justesse d'esprit qui ne s'ap- ques. prend point, et le bon goût d'un style simple; mais je dirai le grave et le sérieux, qui convient à un traducteur de l'Evangile : en sorte que nous voyons concourir ensemble dans cette version avec la témérité et l'erreur, la bassesse et l'affectation, et tout ce qu'il y a de plus méprisable.

C'est quelque chose de plus, d'avoir dit dans la préface sur l'Apocalypse, que ce livre est une

VII. Dernière remarque

se : version

livre : con

clusion de

ces remar

ques.

qui dégrade espèce de prophétie. Jérémie étoit-il prophète à l'Apocalyp meilleur titre que saint Jean, à qui il a été dit infidèle d'un comme à lui: Il faut que tu prophétises aux passage de ce nations, aux peuples, aux langues, et à plusieurs rois (1); et encore: bienheureux celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ; et encore : ne scellez point les paroles de la prophétie de ce livre (2); et encore: si quelqu'un retranche des paroles de la prophétie de ce livre (3); et encore: je suis comme vous, serviteur de Dieu et de vos frères les prophètes (4). Voilà donc en paroles claires saint Jean au rang des prophètes, et leur frère : ce que notre auteur n'a pas voulu voir, et n'a daigné le traduire, encore qu'il soit et du grec et de la Vulgate. Cependant saint Jean ne sera plus qu'une espèce de prophète, malgré les expressions, non-seulement des saints Pères, mais encore du saint Esprit dans ce divin livre.

C'en est assez pour cette fois, et on voit déjà par la seule préface de l'auteur et par toutes les explications qu'on a observées, s'il a mérité le titre superbe du plus capable des traducteurs : surtout, si on le regarde du côté de la tradition, qui est le principal fondement d'un ouvrage de cette nature. Nous en dirons davantage dans les remarques sur les passages particuliers.

(1) Apoc. x. 11. — (2) Ibid. xx11. 7, 10. — (4) Ibid. 9.

(3) Ibid. 19.

REMARQUES

SUR LES EXPLICATIONS TIRÉES DE GROTIUS.

I. Importance

ques: aver

tissement

donné au public il y a dix

ans, sur Grotius.

as

Ce n'est pas d'aujourd'hui, ni à l'occasion de la nouvelle version, que j'ai senti une sorte d'autorité de ces remarque gagnent insensiblement parmi plusieurs interprètes et théologiens, même catholiques, les commentaires de Grotius sur l'Ecriture, et ses autres ouvrages théologiques, et il y a dix ans que je me suis cru obligé d'avertir tous nos savans de prendre des précautions contre les pernicieuses nouveautés qui s'introduisoient par ce moyen dans l'Eglise. Les raisons en sont expliquées d'une manière démonstrative dans quelques notes latines, imprimées à la fin des commentaires sur les ouvrages de Salomon sous ce titre: Supplenda in Psalmos(1). Encore que mes remarques qui consistent en des faits constans, ne souffrent point de réplique, je les fortifierai par d'autres observations encore plus convaincantes: en sorte que s'il plaît à Dieu, il demeurera pour démontré, que si l'on peut tirer quelque utilité de cet auteur, en le regardant comme un homme qui sortoit peu à peu des ténèbres du calvinisme et des égaremens des sociniens, on établiroit les erreurs les plus énormes en le considérant comme orthodoxe.

Comme cette démonstration sera la matière d'un plus long discours qui seroit ici hors de sa place, je découvrirai seulement par rapport à (1) Elles sont placées à la fin du Tome 1. de cette édition.

II.

Le traduc

la nouvelle version, le mal que produisent les commentaires de Grotius, dont l'auteur a rempli

ses notes.

Je dirai avant toutes choses, que son erreur est teur a bien inexcusable, puisqu'il a parfaitement connu l'auconnu Gro- teur qu'il a voulu suivre, et qu'il paroît avoir attachement pris pour son modèle.

tius, et son

aux soci

niens.

Il n'a pu taire deux fameuses lettres de cet auteur à Crellius (1), où il loue les sociniens comme des gens qui sont nés par leur doctrine et leur bonne vie, pour le bonheur de leur siècle : bono sæculi natos. A l'égard de Crellius en particulier, il proteste de s'attacher à la lecture assidue de ses écrits pour les grands fruits qu'il reconnoît en avoir tirés, et c'est là que notre traducteur rapporte lui-même qu'il remercie cet unitaire, de ce qu'il lui a montré le chemin pour examiner à fond le sens des livres sacrés.

On ne doit donc pas s'étonner qu'il ait rempli ses écrits de remarques sociniennes je les releverai ailleurs, et je ferai voir en même temps qu'à mesure qu'il approfondissoit les matières, il revenoit de beaucoup de choses; mais enfin -qu'il ne pouvoit s'empêcher dans le temps de ses préventions pour Crellius, de nourrir ses notes de l'esprit dont il étoit plein; ce qui le fait tomber dans des sentimens si hardis, si nouveaux et si grossiers pour un savant homme, qu'on ne le peut imaginer si on ne le voit. A vrai dire, il ne fait presque qu'orner Crellius, et le charger d'humanités et d'éruditions, en sorte que le fond (1) Hist. crit. des comm. ch. LIV. P. 803.

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