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Il démontre contre le même Marcion la conformité de l'ancien et du nouveau Testament, par ce même texte, lorsqu'il dit, qu'en s'appelant maître du sabbat, Jésus-Christ soutenoit le sabbat comme chose sienne, et qui n'étoit pas d'un Dieu étranger, ainsi que le vouloit cet hérésiarque sabbatum ut rem suam tuebatur (1) : et un peu après encore plus expressément : il étoit maître, et du sabbat et de la loi, et de toutes les institutions de son père : Dominus et sabbati et legis et omnium paternarum dispositionum Christus (2).

On voit ici deux choses bien importantes; l'une, un principe général sur le titre de Fils de l'homme: et l'autre, une application formelle du sens qu'on lui doit donner au passage que nous traitons, ce qui enferme une démonstration complète.

Le témoignage de deux auteurs qui sont du second et du troisième siècle, fait voir de quel sens l'Eglise a été d'abord frappée, et combien il étoit essentiel, puisqu'ils s'en servent pour établir deux dogmes fondamentaux, dont l'un est la vérité de la chair de Jésus-Christ, et l'autre la conformité des deux Testamens.

La postérité n'a pas manqué d'embrasser cette tradition originelle; saint Hilaire qui suit de près ces deux grands auteurs, enseigne positivement (3), que c'est Jésus-Christ qui est plus grand que le sabbat: major ipse sabbato: et encore, qu'il n'est pas tenu à l'observance du sabbat, puisqu'il en est (1) Adv. Marc. l. iv. c. XII. — (2) Ibid. c. xvI. — (3) In Matth.

C. XII.

le maître neque sabbati præscripto dominum sabbati contineri.

:

Ajoutons à ces témoignages celui de saint Chrysostôme et de son école; ajoutons qu'on ne nous produit aucun passage contraire ainsi la tradition des Pères est unanime; il sagit d'un dogme qui appartient à la religion, à la dignité de JésusChrist, à ses pouvoirs, et à des dogmes fondamentaux, comme on a vu. Tout le chapitre de saint Matthieu d'où ce passage est tiré, ne respire que la grandeur de Jésus-Christ : il est plus grand que Salomon, plus grand que Jonas, plus grand que le temple: c'est donc lui, et non pas un autre qui est aussi plus grand que le sabbat, et la convenance des choses et des paroles le dé

montre.

On est donc encore ici dans le cas de la règle du concile; l'auteur ne peut s'excuser de l'avoir évidemment méprisée, et ce qui est pis, d'avoir préféré les sociniens aux saints Pères.

Puisqu'il vouloit avoir pour lui les hérétiques, il pouvoit remonter plus haut. Nous apprenons de saint Clément d'Alexandrie (1), que Prodique et les faux gnostiques attribuoient à d'autres qu'à Jésus-Christ la qualité de maître du sabbat ; et telle est la source de l'interprétation qu'on entreprend de mettre aujourd'hui entre les mains de tous les fidèles.

III.

M. Simon

Il a senti combien odieuse étoit cette préférence, et il tâche de s'en excuser par ces pa- ne se sauve roles (2): Ne croyez pas, Monseigneur, que la pas en citant

Tostat.

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note vienne de l'école de Socin, comme quelqu'un le pourroit croire de savans commentateurs, qui ont écrit long-temps avant que Socin fút au monde, ont encore été plus avant que le traducteur de Trévoux : le célèbre Tostat, qui est encore aujourd'hui l'admiration des savans, est de ce nombre.

Il prouve ce qui n'est pas en question; jamais on ne lui a nié qu'on ne pût trouver quelque docteur catholique, qui ignoreroit la tradition, ou qui n'y seroit pas assez attentif : la question est de savoir, si un seul docteur est suffisant pour éluder l'autorité de la tradition; et nous venons encore de démontrer le contraire.

En effet, sans chercher à faire voir, ce qui me seroit aisé, que Tostat n'est peut-être pas d'accord avec lui-même, il me suffit de dire en un mot, que l'autorité d'un commentateur, du quinzième siècle, quoique savant pour son temps, et comme parle M. Simon (1), plus que ceux qui l'avoient précédé au moins dans les siècles de barbarie, bien certainement n'est pas préférable à celle des Pères les plus savans, et de la première antiquité. Sa conjecture est abandonnée par tous les commentateurs catholiques. M. Simon lui cherche un frivole appui dans les notes de Robert Etienne, qui est, dit-il (2), de ce même sentiment: foible autorité s'il en fut jamais, et d'un auteur trop peu versé dans la théologie, et d'une foi d'ailleurs trop suspecte pour mériter qu'on l'écoute. Quoi qu'il en soit, voilà en un (2) Rem. p. 27.

(1) Hist. crit. du nouv. Test. ch. XXXV.—

mot toute la tradition de M. Simon; voilà ceux qu'il préfère aux Irénées, aux Tertulliens, aux Hilaires et aux Chrysostômes; ce qu'il n'auroit jamais fait, s'il n'avoit voulu appuyer Grotius et les sociniens.

Je puis, dit-il (1), assurer Votre Eminence,

IV.

Autre éva

que je n'ai eu d'autre dessein dans cette note, sion de M. Sique de concilier ensemble saint Matthieu, saint mon. Marc et saint Luc. Il voudroit nous faire imaginer de grands embarras entre ces trois évangélistes, dont on ne pourroit sortir sans sa note. Mais d'abord il n'y a point de difficulté dans saint Matthieu, ni dans saint Luc: voici celle qu'il veut trouver dans saint Marc (2). Jésus leur disoit: le sabbat est fait pour l'homme, et non pas l'homme pour le sabbat: c'est pourquoi le Fils de l'homme est maître du sabbat même; comme s'il disoit, j'ai eu raison de m'en rendre maître pour sauver l'homme, et ce seroit déroger à mon empire souverain sur le sabbat, si le sabbat étant fait pour l'homme, je m'y laissois assujettir jusqu'au point de n'oser permettre à mes disciples, de se soulager en arrachant quelques épis dans leur extrême besoin en ce saint jour. C'est aussi à quoi se rapportent ces paroles, il est plus grand que le temple, et plus grand que le sabbat : ce qui montre que sa seule présence autorisoit les disciples à faire ce qu'il leur permettoit. Il n'y a rien de plus clair; et cependant plutôt que d'entendre une conséquence qui saute aux yeux, on aime mieux renverser toute (1) Remont. p. 26. (2) Marc. 11. 27.

I.

Trois excuses de l'au

l'économie de l'Evangile et toute l'analogie de la foi.

Au reste, j'ai déjà remarqué (1), que ce sont encore les mêmes sociniens, qui ont fourni à M. Simon ces embarras imaginaires dans le passage de saint Marc nous verrons peut-être ailleurs les raisons de Grotius qui sont en vérité misérables; mais il nous suffit ici d'avoir convaincu notre traducteur d'un manifeste mépris de la tradition, et de la règle du concile, dans une matière dogmatique.

III. REMARQUE.

Sur la traduction du passage de saint Jean:
Vous ne pouvez rien sans moi, Jean, xv. 5.

M. Simon est repris fortement et avec raison, dans la censure de Paris, d'avoir altéré ce passage teur dans sa de saint Jean, non-seulement dans sa note, mais Remontran- encore dans son texte même, en traduisant, ce la pre: mièretombe. séparément d'avec moi, au lieu de mettre, sans moi; et je me suis conformé à cette juste répréhension. Voyons à présent les excuses de la Remontrance; elles consistent en trois points: Mon dessein, dit-il (2), a été de marquer plus fortement la véritable signification de la particule qui est dans le grec frivole excuse, puisque c'est une témérité insupportable, de croire pouvoir mieux entendre la force de la particule, non-seulement

(1) Rem. sur l'ouv. en gén. n. 3.

(2) Remont. p. 13.

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