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de ces sources est inverse, puisque l'on doit s'en rapporter d'abord aux traités, ensuite à la coutume, et en dernier lieu aux principes.

Heffter n'admet d'autres sources du droit international que les actes par lesquels se traduit la politique d'un État, et les traités publics.

Bello compte uniquement comme sources du droit international les ouvrages de jurisprudence internationale des auteurs les plus accrédités, tels que Grotius, Barbeyrac, Vattel, etc.; les décisions des cours de prises et des tribunaux qui administrent la justice dans les cas où il s'agit du droit des gens; enfin les ordonnances et les règlements publiée par certaines puissances pour la direction de leurs juridictions et pour la gouverne des nations étrangères.

Avec un esprit plus pratique et plus positif, Wheaton a cité presque toutes les sources du droit des gens moderne; il omet toutefois de parler des papiers d'État, de la correspondance diplomatique et des décisions des tribunaux locaux en matière de droit des gens, et comprend dans un même groupe les sentences arbitrales et les jugements des tribunaux de prises maritimes.

Nous croyons que notre classification évite à la fois les légers. inconvénients qu'offre celle du publiciste nord-américain, la concision excessive de celle d'Heffter et l'insuffisance manifeste de celle de Bello, qui n'a pas même fait mention des traités publics.

Holtzendorff enfin, définit comme suit les sources du droit des

gens !

« Il faut entendre par source du droit international, dans le véritable sens de ce terme, les actes d'un pouvoir reconnu par l'État ou dans l'État, comme possédant une autorité, actes rendus publics, obligeant d'une façon durable et dont on peut au besoin réclamer la mise à exécution par des moyens coërcitifs ». Il est indifférent, selon le même auteur, que ces actes soient conformes à l'idée généralement admise du droit, idée qu'on a longtemps confondue avec la source juridique dont elle représente la cause. « Le véritable et décisif criterium des sources du droit international, dit-il plus loin, c'est l'autonomie et la liberté originelles des Etats qui adoptent librement une certaine ligne de conduite vis-à-vis d'autres États comme partie intégrante et durable de leur propre droit. »

Holztendorff distingue du reste entre les sources immédiates du droit des gens, et les sources dérivées. Les premières sont la coutume et le consentement général, les secondes la législation parti

culière et les traités. A l'entendre on ne saurait admettre, comme sources de ce droit, ni les sentences des tribunaux, ni les ouvrages des publicistes, ni à l'exemple de plusieurs publicistes, la logique, l'analogie et l'interprétation des lois et traités par les jurisconsultes, ni enfin l'histoire *.

Bynkershoek, De foro, cap. 6; Heineccius, Elementa, lib, 1, cap. 1, § 12; Phillimore, Com., v. I, §§ 23, 38; Manning, pp. 57, 58; Halleck, ch. 2, §§ 18, 21; Cotelle, pte. 1; Ortolan, Règles, t. I, liv. 1, ch. 4, pp. 68 et seq.; Heffter, § 8; Bello, prélim., §7; Wheaton, Elém., pte, 1, ch. 1, § 12; Holtzendorff, Handbuch des Völkerrechts, t. I, p. 79 et seq.

LIVRE II

SOUVERAINETÉ DES ÉTATS

Définition de la nation et de l'Etat.

§ 39. La plupart des auteurs modernes ont défini le mot nation comms Cicéron: Respublica est cœtus multitudinis, juris consensu et utilitatis communione sociatus. Vattel dit : « Les nations ou États sont des corps politiques ou sociétés d'hommes qui recherchent leur bien-être et leur avantage commun en réunissant leurs forces. » Cette définition, comme toutes les définitions qui ont été plus ou moins déduites de celles de Cicéron, a été justement blâmée; on ne saurait l'admettre en effet sans de nombreuses restrictions ou des éclaircissements importants. Il est évident que si la nation n'est qu'une réunion d'individus associés pour leur prospérité et leur avantage communs, l'association que des négociants anglais formèrent avec l'approbation de la Couronne pour entreprendre le commerce des Indes, devrait, comme toute autre association quelconque formée de nos jours dans un but évident d'utilité pour les associés, être considérées comme une nation. Admettre littéralemen, la définition de Cicéron ou celle de Vattel conduirait forcément à affirmer qu'une association de voleurs ou de pirates réunis dans un but de sécurité et d'avantages mutuels constitue une nation, un État. La définition de Vattel offre un autre inconvénient grave: c'est qu'elle confond les notions, parfaitement claires et distinctes pourtant, d'État et de nation. On comprend facilement l'existence d'un État dominant des nations diverses, de même que l'on comprend celle d'une nation gouvernée par un autre État. L'Autriche, par exemple, est un État qui régit un nombre infini de nationalités diverses, et la Pologne est une nation placée sous le gouvernement d'un État. Quoique l'État, comme organe suprême d'un peuple, par

vienne peu à peu, à s'assimiler les nationalités qui le composent, en effaçant les différences et en faisant taire les antagonismes, cependant on ne saurait jamais confondre l'État avec la nation de manière à en faire une seule et même chose.

La nation, comme l'indique son étymologie (nasci, naître), marque un rapport de naissance, d'origine; elle implique la communauté de race, caractérisée généralement par la communauté de langage, de mœurs, de coutumes, et souvent aussi d'aptitudes spéciales, d'un génie particulier; l'agglomération sur une plus ou moins grande étendue de territoire, ou même sur des territoires divers, d'hommes réunissant ces caractères communs constitue, à nos yeux, la nation.

Une des causes qui font qu'en général les publicistes confondent les notions d'État et de nation, c'est qu'habitués à résoudre tout au point de vue du droit international qui embrasse l'ensemble des relations de peuple à peuple, ils oublient que si ces relations ont besoin d'un point d'appui, d'un centre d'action, d'un pouvoir en un mot, il y a au delà, et en dehors de ce même pouvoir le principe qui lui donne naissance et force, c'est-à-dire la nation, dont l'État, dans la sphère du droit, n'est que l'organe, comme le gouvernement lui-même n'est que l'organe de l'État. La base vraiment rationnelle de la distinction pratique qui existe entre la nation et l'État ne consiste ni dans la faculté qu'ont plusieurs races d'hommes diverses de vivre sous un même régime, ni dans leur assujettissement à une seule et même autorité souveraine, mais bien dans ce fait que l'État n'est qu'une des faces de la nation, non la nation tout entière, et que dans la nation nous trouvons la religion, la science, l'art, le droit, dont l'État n'est que l'instrument, la manifestation visible.

L'existence d'un État exige certaines conditions indispensables. Elle suppose comme base une société stable, en mesure de soutenir son indépendance au moyen de ses propres ressources, et une autorité chargée de la diriger vers le but qu'elle se propose. En l'absence de l'une ou de l'autre de ces conditions, l'État n'existe pas, ou du moins il n'existe pas dans son intégralité et tel qu'il devrait être pour devenir la source et l'origine de relations internationales. C'est ainsi que les tribus qui n'ont d'autre occupation que le pillage sont inhabiles à former de véritables États, et que ni le droit international ancien, ni le droit moderne ne les reconnaissent comme tels. Cicéron disait que pour qu'un peuple pût être reconnu comme ennemi d'un autre peuple, il fallait qu'il possédât un État, un sénat, un trésor public, le consentement des citoyens et le pouvoir de

Une colonie

fait partie de l'Etat.

Souveraineté

des Etats.

conclure des traités de paix et d'alliance; ces principes constituent encore la règle essentielle dans l'état actuel de la civilisation *.

§ 40. Pour qu'un État existe, il n'est pas indispensable que son territoire soit continu ou situé sur un seul et même continent. La Russie par exemple, et les États-Unis de l'Amérique du Nord se composent d'un territoire compacte et uni, tandis que le territoire de l'Angleterre est séparé par de vastes mers et s'étend à la fois sur l'ancien et sur le nouveau monde. On doit donc entendre par le mot État toutes les possessions d'une nation, en quelque lieu qu'elles soient situées et quelle que soit la distance qui les sépare. Vattel a formulé à ce sujet l'importante règle que voici : « Toutes les fois que les lois politiques ou les traités n'ont pas établi de distinctions contraires, ce que l'on dit du territoire d'une nation s'applique en même temps à ses colonies. >>

Cette règle résout implicitement la question de savoir si ces possessions ou colonies peuvent parfois être envisagées comme l'État lui-même. Eût-il été permis, à l'époque où les possessions anglaises des Indes étaient administrées par une Compagnie privilégiée, de les confondre avec l'État lui-même? La réponse est extrêmement simple. Quelque puissante qu'ait été la Compagnie des Indes orientales, elle dépendait entièrement du gouvernement britannique, qui la représentait de plein droit dans ses relations avec les États et les gouvernements étrangers **.

§41. Ainsi que nous l'avons déjà fait observer plus haut, l'État, organe suprême du droit chez un peuple, exige un organisme propre à réaliser ce même droit et à le traduire sur le terrain des

Cicéron, De rep., lib. 1. § 25; Vattel, Le droit, prélim., § 1; liv. 1, ch. 1, §1; Grotius, Le droit, liv. 1, ch. 1, § 14; Wheaton, Élém., liv. 1, ch. 2, § 2; Puffendorf, De jure, lib. 8, cap. 14, § 13; Burlamaqui, Droit de la nat., t. IV, pte. 1, ch. 4; Heffter, § 16; Bello, pte. 1, cap. 1, §1; Klüber, Droit, § 20; Halleck, ch. 3, §§ 1, 2; Phillimore, Com., vol. 1, § 65; Garden, Traité, t. I, pp. 29 et seq.; Twiss, Peace, §§ 4 et seq.; Fiore, t. I. pp. 97 et seq.; Polson, sect. 1 § 4; Rayneval, Inst., liv. 1, ch. 4, § 2; Pinheiro Ferreira, Vattel, prélim., § 1; Pradier-Fodéré, Vattel, prélim., §1; Lawrence, Com., pte. 1, ch. 2, § 2; Ott, Klüber, § 20; Serrigny, Traités, t. I, p. 19; Ortolan, Souveraineté ; De Bonald, Législation, t. II, p. 81; Pradier-Fodéré, Fiore, t. I pp. 98-101; Bluntschli, Théorie générale de l'Etat, p. 11 et seq; Dudley-Field, Projet de code, édition française, p. 2. Wheaton, Élém., pte. 1, ch. 2, § 2; Vattel, Le Droit, liv. 1 ch. 18 §210; Grotius, Le droit, liv. 1, ch. 3, §7; Heineccius, Elementa juris, lib. 1 § 231; Puffendorf, De jure, lib. 8, cap, 12, §5; Phillimore, Com, vol. 1, § 63; Bowyer, ch. 27; Halleck, ch. 3, §§ 3, 4; Wildman, vol. 1, p. 40; Lawrence Com., pte. 1, 2, § 2; Pinheiro Ferreira, Vattel, liv. 1, ch. 18, § 210; PradierFodéré, Vuttel, liv. 1, ch. XVIII, § 210.

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