Images de page
PDF
ePub

Table

amalfitaine

Parmi les compilations sur le droit maritime correspondantes à cette époque, on peut encore citer la Table d'Amalfi ou amalfitaine.

La ville d'Amalfi, située sur le golfe de Salerne, dans l'ancien royaume de Naples, avait acquis au moyen-âge, grâce à la navigation et au commerce, une puissance qui pendant quelque temps contrebalança celle de Venise elle-même. Les Amalfitains passent pour être les premiers Européens qui aient obtenu accès dans les pays mahométans pour y faire le commerce; ils étaient très répandus dans les Échelles du Levant, en Égypte, en Arabie, dans les Indes et dans l'Afrique.

Il est naturel de penser que dans cette situation les Amalfitains durent avoir des lois conformes à leurs besoins et des tribunaux chargés de juger les fréquentes contestations que ne pouvait manquer d'engendrer l'étendue de leur commerce maritime.

Martin Freccia, qui écrivait en 1570, parle dans son ouvrage intitulé: De subfeudis, lib. I, cap. 7, de la jurisprudence navale appelée Table amalfitaine comme étant en vigueur de son temps et servant à décider toutes les affaires maritimes du royaume de Naples (In regno non lege rhodid maritima decernuntur, sed tabulâ quam Amalphitanam vocant; omnes controversiæ, omnes lites ac omnia maris discrimina ea lege ac sanctione usque ad hæc tempora finiuntur); mais Freccia et, après lui, les divers auteurs qui ont répété son assertion ont laissé dans l'obscurité l'époque de la formation de cette Table et les détails des lois qu'elle contenait; de sorte que, jusque dans ces derniers temps, la tradition ne pouvait s'appuyer que sur cette autorité vague, qu'aucun document ou fragment de documents ne justifiait. « Les commentateurs en étaient venus à révoquer en doute, sinon à nier, l'authenticité de l'assertion et, partant, l'existence des lois qui en sont l'objet. Pardessus avait émis l'avis qu'il n'est pas hors de vraisemblance que Freccia, ait entendu désigner par l'expression de Table amalfitaine la loi maritime de Trani, à laquelle il aura donné le nom d'Amalfi par les grands souvenirs qui s'y rattachaient. »

Mais une découverte inattendue a dissipé tous les doutes. Er 1843, le recueil intitulé: Archivio storico italiano (Archives historiques italiennes) de Florence (t. V, p. 283 et seq.) a publié un catalogue des manuscrits de Foscarini conservés à Vienne, indiquant

p. 10; Manning, p. 11; Halleck, ch. 1, § 12; Bédarride, Com. du Code de com., t. I, pp. 6 et seq.; Pradier-Fodoré, Précis de droit com., p. x1; Holtzendorff, Völkerrecht, I. p. 349; Alcorta, Curso de derecho int. t. I, p. 220.

sous le n° 6626: Capitula et ordinationes curiæ maritimæ nobilis civitatis Amalpha, quæ in vulgari sermone dicuntur » la tabula d'Amalphi. » Des savants de Naples se sont procuré une copie de ce document, qu'ils ont publié en 1844; la même année l'Archivio l'a reproduit plus exactement.

Nous n'en entreprendrons point ici l'analyse, car les dispositions de cette législation surannée et tombée complètement en désuétude n'ont plus aujourd'hui ni application ni portée pratique; elles ne constituent qu'un intéressant souvenir, que nous ne pouvions passer sous silence dans ce précis historique *.

La compilation connue sous les noms de Rôles ou jugements d'Oléron est attribuée, suivant quelques-uns, à la reine Éléonore, duchesse de Guienne, qui lui donna le nom de son île favorite, Oléron. D'autres sont portés à croire qu'elle fut promulguée par Richard I d'Angleterre. Pardessus et plusieurs écrivains français, entre autres Cauchy, soutiennent que cette compilation a une origine exclusivement française. Ce qu'il y a de certain, c'est que les lois ou Rôles d'Oléron ont pour objet d'établir des règlements concernant la navigation dans les mers de l'ouest, et constituent la base principale sur laquelle a été fondée au moyen-âge la jurisprudence maritime dans les ports de l'Océan. S'il en fallait une preuve, on la trouverait dans ce fait que, plus d'une des prescriptions sanctionnées sous le règne de Louis XIV dans la célèbre ordonnance de 1681 a été empruntée textuellement aux lois ou rôles d'Oléron **.

Le Consulat de la mer, selon Pardessus, ne doit pas être considéré comme un code de lois maritimes promulgué par le pouvoir législatif d'un seul et même peuple, mais plutôt comme le résumé des us et coutumes observés dans le bassin de la Méditerranée. Cette compilation suppose chez les auteurs une connaissance très

[ocr errors]

Freccia, De subfeudis; Gianone, Storia civile, t. I, lib. 7, cap. 3, pp. 462 et seq; Fortunato, Riflesioni, lib. 1, cap. 4; Jorio, Storia del commercio; Azuni, Système, t. I, ch. 3, art. 9; Pardessus, Collection, t. I, p.142; t. II, p. 559; Cauchy, Le droit marit., t. I, p. 306; Boulay-Paty, Cours, t. I, pp. 21, 22; Hautefeuille, Hist., p. 146, 147; Bédarride, Com., t. I, pp. 11-13; Marshall, Marine insurance, p. 10; Holtzendorff, Völkerrecht, t. I, p. 349.

** Les us et coutumes de la mer, t. I, pp. 1-35; Cleirac, Us et coutumes, int.; Selden, De dominio maris, t. II, ch. 24, p. 428; Blackstone, Lois criminelles, t. II, ch. 33, p. 224; Emerigon, Traité, préf., pp. ix, x; Pardessus, Collection, t. I, p. 301; Valin, Com., préf., pp. 15 et seq.; Ward, Hist., t. II, pp. 345 et seq.; Boulay-Paty, Cours, t. I, pp. 22, 23; Azuni, Système, t. I, ch. 3, art. 10; Cauchy, Le droit marit., t. I, pp. 307, 308; Hautefeuille, Hist., p. 151; Dufour, Droit marit., t. I, pp. 31-33; Manning, p. 13; Halleck, ch. 1, § 12; Bédarride, Com., t. I, pp. 16-18; Marshall, Marine insurance, p. 11, Holtzendorff, Völkerrecht, t. I, p. 349.

Rôles

d'Oléron.

Consulat de la mer.

approfondie des lois romaines et des règlements spéciaux, la plupart formulés en latin, que les besoins et la pratique du commerce maritime avaient fait successivement adopter.

Presque tous les États de l'Europe lui ont accordé une grande autorité, et il est facile de constater que, pour l'exécution de leur travail, les rédacteurs de l'ordonnance de Louis XIV se sont souvent et très heureusement inspirés de ses dispositions.

Le Consulat de la mer, ou les Bons usages de la mer, comme d'autres l'appellent, parce qu'il débute en ces termes : « Ici, commencent les bonnes coutumes de la mer », contient des règles applicables à la solution des questions commerciales et maritimes, aussi bien en temps de guerre qu'en temps de paix, et détermine en outre les droits respectifs des nations belligérantes et des nations neutres. A ce point de vue, c'est une œuvre d'une grande importance historique et scientifique.

Ses principes et ses règles sur les prises et la neutralité furent reconuus dans le traité conclu en 1221 entre les villes de Pise et d'Arles, dans celui de l'Angleterre et des ducs de Bourgogne, en 1748, et dans deux autres signés par Édouard III, roi d'Angleterre, avec les villes maritimes de la Biscaye et du Portugal.

L'autorité accordée au Consulat de la mer ne fit que s'accroître, de sorte qu'à cette époque, sauf quelques exceptions, comme, par exemple, celle de la Ligue Hanséatique, on admettait déjà le triple principe de la liberté des navires neutres, de l'exemption de capture des marchandises neutres chargées à bord de navires ennemis, et de la légitimité de capture des cargaisons ennemies quel que soit le navire qui les abrite.

Le Consulat de la mer circonscrit exactement la compétence des consuls, qui, au moyen-âge, représentaient les corporations commerciales et n'avaient pas encore le caractère international qui leur est attribué. Leur compétence embrassait les avaries, les salaires des équipages, le jet, la responsabilité du capitaine pour les prêts à la grosse aventure, le fret, l'achat des agrès et en général tout ce qui concerne la navigation *.

*

Grotius, Le droit, liv. 1, ch. 1, § 5; Marquardus, De jure mercat. lib. 3, ch. 5, no 39; Constantin Gaetan, Notes, t. III, pte. 2, p. 402; Capmany, Memorias hist., t. I, lib. 2, cap. 1, p. 153; t. IV, p. 93; Azuni, Systėme, t. I, ch. 3, art. 8; Pardessus, Collection, t. II, ch. 12; Hubner, De la saisie, préf., p. xI; Emerigon, Traité, préf., pp. v et seq.; Valin, Com., préf., p. XII; Boulay-Paty, Cours, t. I, pp. 19-21; Wheaton, hist., t. I, pp. 69 et seq.; Cauchy, t. I, pp. 307-310; Ortolan, Règles, t. II, pp. 95 et seq.; Hautefeuille, Hist., pp. 149-151; Dufour, t. I, pp. 34 et seq. ;

Guidon

Le Guidon de la mer est une œuvre beaucoup plus parfaite que la précédente. L'époque de la rédaction est fixée généralement à la fin du XVIe siècle. Le Guidon de la mer traite principalement du contrat d'assurance maritime; cependant il s'occupe aussi d'autres questions, notamment les prises, qui sont traitées au chapitre vi, les représailles et les lettres de marque au chapitre x. L'auteur en est resté inconnu, et l'on suppose, fort gratuitement à notre avis, qu'il fut rédigé à la demande en faveur des négociants de Rouen. Quoi qu'il en soit, nous ajouterons que presque toutes ses décisions font partie de l'ordonnance française de 1681, qui lui a emprunté entre autres le chapitre sur les représailles, et qu'elles ont été transportées depuis dans le Code de commerce promulgué en France sous le premier Empire *.

A côté des compilations que nous venons de citer, on rencontre à la même époque la collection intitulée: Jugement de Damme ou Lois de Westcapelle, qui contient les us maritimes établis dans quelques villes des Pays-Bas ; les Coutumes d'Amsterdam, les Lois d'Anvers, principalement consacrées aux usages suivis dans les ports du nord des Pays-Bas, de la Baltique et du Sund; le Droit maritime de Wisby, compilation des ordonnances maritimes rendues par la ville de Wisby, dans l'île de Gothland (Suède), que beaucoup d'auteurs regardent comme plus ancienne même que les Rôles d'Oléron, enfin les traités qui unissaient les membres de la Ligue Hanséatique, traités qui ont un caractère éminemment international, car cette Ligue comprenait la plupart des villes commerçantes du Nord de l'Europe **.

[ocr errors]

Halleck, ch. 1, § 13; Manning, pp. 12, 13; Bédarride, Com., t. I, pp. 13-16; Marshall, Marine insurance, pp. 10,11; Holtzendoff, Völkerrecht, pp. 349-354. Stypmann, De jure marit., pte. 4, cap. 7, n° 9; Loccenius, De jurə marit., lib. 2, cap. 5, § 2; Cleirac, Us et coutumes, p. 179; Emerigon, Traité, préf., pp. XII, XIII; Pardessus, Collection, t. II, pp. 369 et seq.; BoulayPaty, Cours, t. I, pp. 25, 26; Wheaton, Hist., pp. 83 et seq.; Halleck, ch. 1, § 13; Dufour, t. I, pp. 40 et seq.; Bédarride, Com., t. I, p. 19; Marshall, Marine insurance, p. 13; Holtzendorff, Völkerrecht, t. I, p. 350.

Us et coutumes, t. I, pp. 136 et seq.; Olaus Magnus. Hist., liv. 10, ch. 16; Herbestein, Rerum Moscovit., p. 118; Kuricke, Rubric., p. 681; Lubeck, De avariis, p. 105; Loccenius, De jure marit., præf.; Westerven, Het. Consulaat. préf.; Grotius, Mare liberum; Bouchaud, Théorie, ch. 4, sect. 3; Selden, De dominio maris, cap. 24; Emerigon, Traité, t. I, préf., pp. x, xi, xIII; Conring, De origine, cap. 19; Cleirac, Us et coutumes; Azuni, Système, t. I, ch. 3, art. 11, 16; Boulay-Paty, Cours, t. I, pp. 23 et seq.; Valin, Com., p. xvIII: Pardessus, Collection, t. I, ch. 7-11; Hautefeuille, Hist., pp. 151, 152; Halleck, ch. 1, § 12; Manning, pp. 13-15; Dufour, t. I, p. 33; Bédarride, Com., t. I, pp. 18, 19; Marshall, Marine insurance, pp. 11, 12; Holtzendoff, Valkerrecht, t. I, p. 356.

de la mer.

Autres

compilations.

Droit d'aubaine.

Droit

de naufrage.

On sait qu'au moyen-âge les étrangers, à moins de contrats spéciaux, n'avaient aucun droit à la protection du souverain sur le territoire duquel ils se trouvaient. Comme conséquence générale de ce principe, ils n'héritaient pas des biens meubles et immeubles situés dans un autre État, et, en cas de décès dans leur propre pays, toutes leurs propriétés, dont il leur était interdit de disposer par testament, étaient confisquées au profit du souverain territorial. Ce droit de spoliation, désigné sous le nom de droit d'aubaine, n'a disparu que vers le milieu du siècle dernier, par suite de la constitution des grandes monarchies européennes et du développement des relations internationales *.

On peut considérer comme dérivant du même principe et de l'état d'hostilité mutuel dans lequel les nations vivaient encore à cette époque, le droit connu sous le nom de droit de naufrage, dont l'application entraînait la confiscation des navires échoués sur les côtes, tandis que les hommes des équipages et les passagers étaient le plus souvent réduits en esclavage ou contraints de se racheter moyennant de fortes rançons. Ces procédés barbares, que réprouvaient à la fois la législation romaine et la loi des Visigoths du sixième siècle, avaient repris vigueur au temps de la féodalité, à la faveur des privilèges sans nombre dont jouissait la noblesse, et de la situation précaire dans laquelle se trouvaient alors la plupart des peuples de l'Europe.

Ce ne fut qu'au onzième siècle qu'on commença à protester contre l'exercice du droit de naufrage, dont les dispositions et l'application générale prouvent combien il était étendu et enraciné. Les États du nord de l'Europe, associés sous le nom de Ligue Hanséatique, furent les premiers qui convertirent le droit de naufrage en un impôt sur les objets sauvés. Toutefois ce droit subsistait encore au dix-septième siècle, où les ducs de Lauenbourg se vantaient de leur libéralité, parce qu'ils ne confisquaient plus

[ocr errors]

Bacquet, Du droit d'aubaine; Vattel, Le droit, liv. 2, ch. 8, §112; Montesquieu, Esprit des lois, liv. 21, ch. 17; Gothier. Des personnes, part. I, tit. II, sect. 2; Bello, pte. 1, cap. 5, § 8; Fritot, Science, t. II, p. 397; Martens, Précis, § 90; Wheaton, Hist., t. I, p. 89; Massé, Droit com., t. I, §§ 492-et seq.; Cantu, Hist. univ., t. IX, p. 192; Lafferrière, Hist. du droit, t. II, p. 145; Klüber, Droit, § 82; D'Espeisses, OEuvres, t. II, pte. p. 243; Ducange, Etymol. vocab., v, Albanagium et Albani; Merlin, Répert., v. Aubaine; Guyot. Répert., v, Aubaine; Ménage, Dict. étymologique, v, Aubaine; Cussy, Dict., v Aubaine; Moreuil, Dict., v. Aubaine; Vergé, Précis de Mar, tens, t. I, p; 251 et seq; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 94-96; Ch. CalvoRecueil, t. I, p. I .

« PrécédentContinuer »