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partie d'aucun État, étant encore inoccupés, ou possédés par des tribus sauvages ou barbares.

Dans le premier cas, un État peut acquérir la souveraineté sur de semblables territoires par la prise de possession; mais il faut que cette prise de possession soit effective, c'est-à-dire accompagnée ou suivie d'un commencement d'organisation administrative, ou d'exploitation commerciale ou industrielle dans le pays. Le simple fait de planter un drapeau, des poteaux avec inscriptions, une croix ou d'autres emblèmes ne suffit pas pour donner à un pays un titre exclusif dont on n'a point fait un usage actuel, ou à soutenir ce titre quoique la pratique des nations se soit en bien des cas prévalue de mesures semblables.

La doctrine que nous venons d'exposer relativement aux conditions que doit réunir, pour être valide et incontestable, la possession d'un pays, qu'elle s'appuie sur la découverte ou sur une occupation partielle ou temporaire, a reçu une consécration solennelle par les délibérations et les décisions de la Conférence internationale de Berlin de 1884-1885, qui avait, entre autres tâches, celle de prévenir les malentendus et les contestations qui pourraient soulever à l'avenir les prises de possession nouvelles sur les côtes de l'Afrique.

Voici le résumé des faits qui ont amené la réunion de cette confé

rence.

au Congo,

§ 267. Le Portugal a depuis plusieurs siècles revendiqué des droits Le Portugal de souveraineté et de propriété sur la région du Bas Congo et les territoires situés au Nord de ce fleuve, au moins jusqu'au parallèle 5° 12' du côté de la mer. Ces droits, qu'il fait remonter jusqu'à la fin du quinzième siècle, sont fondés sur les principes nécessaires et généralement acceptés du droit des gens, sur les titres qui servent de base à l'exercice de la souveraineté des nations civilisées sur les divers territoires soit inhabités, soit peuplés de sauvages, soit colonisés par ces nations, titres parmi lesquels figurent en première ligne la priorité de découverte, la possession prolongée et la reconnaissance par traité.

découverte,

§ 268. La priorité de découverte et d'exploration du littoral et de Priorité de l'intérieur de l'Afrique par des navigateurs portugais est un fait

acquis à l'histoire.

En 1470, Soeiro da Costa donne son nom au fleuve connu dans les cartes modernes, sous la dénomination de fleuve Costa ou Grand Bassam, par 5° 12′ latitude nord.

Quelques années après d'autres navigateurs portugais découvrent le fleuve de Fernand Vaz, par 1° 51' latitude sud, et doublant le

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cap Santa Catharina, remontent le fleuve de Pedro Dias (aujourd'hui de Sesta ou Sette), par 2° 22′ 30′′; atteignent la pointe de Fernand Gomesd ou Rasa ou das Pedras, par 2° 42'; le cap Primeiro ou Zumba, par 3° 15': la rade d'Alvaro Martins, par 3° 22′ 30′′; le cap Segundo ou pointe Banda, par 3° 55′ 30′′; l'anse de l'Indio ou baie de Kilongo, par 4°16′ 30′′; le golfe du Juden ou baie de Loango, et le golfe des Almadias ou baie de Cabinda.

Diogo Cam, chargé, par un édit du roi de Portugal du 14 avril 1484, de découvrir de nouveaux territoires, entra enfin dans le Congo et éleva en 1486 trois monuments commémoratifs de sa découverte. Le premier de ces monuments établi au Congo, à la Ponta do Padrão, avait été détruit par les Hollandais au dix-septième siècle; mais le gouvernement portugais le fit relever en 1858; le second fut dressé au cap Santa Maria (13° 27′ 15′′ latitude sud), et le troisième au cap Negro (15° 40′ 30′′).

Le 29 mars 1491 une expédition, composée de missionnaires, d'ouvriers et de colons, envoyée expressément par le gouvernement portugais pour satisfaire aux désirs manifestés directement par les rois indigènes, débarquait au Congo, et un mois après, entrait dans la capitale du Muene Congo, Banza royale, aujourd'hui San Salvador.

Le 16 février 1520, des instructions fort développées furent données par le gouvernement portugais à Manoel Pacheco et Balthasar de Castro, envoyés pour explorer le royaume d'Angola et les territoires situés au-dessous jusqu'au cap de Bonne Espérance.

Vers le même temps un détachement portugais, commandé par Ruy de Jonsa, prit part à une campagne dirigée par le roi du Congo Ryuiga-o-Cuum, converti au christianisme, contre des peuplades révoltées dans le haut Congo, aux îles et sur les bords du « lac d'où sort le grand fleuve ».

En 1526 et en 1537, Balthasar de Castro et Manoel Pacheco rendaient compte au gouvernement de Lisbonne des tentatives faites pour l'exploration du cours supérieur du Congo; l'un d'eux exprimait la certitude de pouvoir naviguer au-dessus des cataractes.

En 1606, le capitaine Balthasar Rebello de Aragão pénètre dans l'intérieur de l'Afrique jusqu'à 140 lieues du côté d'Angola.

La découverte par les Portugais du royaume de Macoco ou des Anzicos est indiquée avec une grande exactitude, dans la cartographie à partir du seizième siècle, sur les bords septentrionaux du cours supérieur du « grand fleuve ».

§ 269. Les navigateurs portugais, en même temps qu'ils dé

couvraient les territoires, en prenaient possession au nom de la couronne du Portugal, et y établissaient, au profit de cette dernière ou de la personne désignée par elle, le privilège exclusif de l'exploitation commerciale.

Ainsi, par un édit du 4 mai 1481, le roi de Portugal, Alphonse V, confirme à son fils la charge des entreprises concernant les parties de la Guinée, les investigations se rapportant aux mers, aux territoires, aux habitants, etc., relativement à ce qui avait été découvert jusqu'alors et à ce qui le serait à l'avenir.

En 1485, lorsque Diogo Cam, de retour à Lisbonne, eut annoncé ses découvertes et ses prises de possession au sud du cap Santa Catharina, le roi de Portugal ajouta à ses titres celui de Seigneur de Guinée, affirmant ainsi son droit de souveraineté et domination sur ces pays nouveaux.

En 1512, le Muene ou roi du Congo, baptisé sous le nom d'Alphonse Ier, dans une lettre qu'il écrit au roi de Portugal, reconnaît formellement sa condition de vassal et sa dépendance, et c'est par l'intermédiaire du gouvernement portugais comme son seigneur et suzerain qu'il s'adresse au Pape Paul III. Vers la même époque, des autorités régulières portugaises sont établies à San Salvador; quelques-unes correspondaient aux résidents institués dans les temps. modernes par certaines puissances dans des pays placés sous leur protection ou leur influence.

En 1570, le Muene, ratifiant son vasselage, cède au Portugal la domination directe de tout le littoral, depuis Pinda dans le Congo (la première ville fondée par les Portugais), jusqu'à l'île de Loanda inclusivement. Ces pays furent subordonnés à la juridiction ecclésiastique et civile de San Thomé jusqu'en 1572, époque à laquelle un nouveau siège d'administration fut fondé à Loanda et une nouvelle circonscription politique créée à Angola, embrassant le Congo avec ses territoires au nord et au sud.

C'est cette situation qui s'est maintenue jusqu'à nos jours, puisque la frontière de la province du côté de la mer, est censée passer par le 5°12′ degré de latitude sud, c'est-à-dire la limite septentrionale du territoire de Molembo.

La possession a été assurée par la construction de forteresses sur différents points, et affirmée par de nombreux actes de souveraineté, civils, commerciaux et militaires.

Pour n'en citer qu'un exemple, nous rappellerons qu'en 1723, des Anglais ayant débarqué et s'étant fortifiés à Cabinda, le gouvernement de Lisbonne envoya la frégate Nossa Senhora d'Atalaya,

sous le commandement de José de Semedo Maya, qui appréhenda deux navires et détruisit le fort élevé par ces envahisseurs; et en 1783 commença la construction, à Cabinda, à Molembo et sur les bords du Congo, de forteresses destinées à tenir en respect les indigènes et les marchands d'esclaves.

La couronne de Portugal n'a jamais un seul instant cessé de considérer et de réclamer comme lui appartenant les territoires de l'Afrique occidentale dont il est ici question.

Dans la charte constitutionnelle du 29 avril 1826, qui établit le régime politique actuel de la monarchie portugaise, l'article 2, en indiquant sommairement la formation du territoire portugais, déclare que ce territoire comprend dans l'Afrique occidentale, entre autres domaines, ceux d'Angola de Benguella et leurs dépendances (Congo, etc.,) Cabinda et Molembo, etc. Il y est ajouté que « la nation ne renonce point cependant aux droits qu'elle pourrait avoir sur n'importe quelle partie du territoire non désignée d'une manière

expresse ».

La constitution du 4 avril 1838, qui a été en vigueur pendant quelque temps, portait la même déclaration.

Or l'un et l'autre de ces documents, qui ont été publiés solennellement et communiqués à toutes les puissances, n'ont pas soulevé la moindre objection en ce qui concerne cette affirmation positive et constitutionnelle de la souveraineté portugaise.

Le gouvernement portugais, de son côté, n'a laissé échapper aucune occasion de protester contre toute interprétation contraire : Ainsi, en 1878, dans la séance générale du 27 septembre du Congrès international de géographie commerciale qui se tenait alors à Paris, une des sections du Congrès ayant présenté une proposition tendant à l'établissement d'une action combinée et simultanée à exercer par les gouvernements, les Chambres de Commerce et les Sociétés de géographie dans l'exploration du bassin du Congo, un délégué du gouvernement portugais déclara qu'une telle proposition avait un caractère entièrement politique et portait atteinte aux droits indiscutables du Portugal sur le Congo, et que par conséquent les représentants portugais quitteraient immédiatement la séance, si la proposition était seulement admise à la discussion, attendu qu'ils ne pouvaient autoriser par leur présence aucune discussion ou délibération, de n'importe quelle nature, qui comporterait, soit directement, soit indirectement, l'idée d'une immixtion quelconque dans la politique et l'administration coloniale de la nation portugaise. Le commissaire général du gouvernement français, le marquis de

Croisier, proposa sur le champ le retrait de la motion pour donner satisfaction aux scrupules des délégués de la nation portugaise. Toutes les tentatives de transaction furent inutiles; le délégué portugais maintint sa déclaration purement et simplement, en faisant observer qu'il ne discutait point, mais qu'il ne saurait admettre l'idée d'aucune démarche concernant la police du Congo, faite auprès de toute autre entité que celle du gouvernement portugais.

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La proposition fut définitivement retirée sans avoir été discutée. § 270. Sans remonter au traité de Tordesillas (15 juin 1494), et aux bulles pontificales antérieures, qui partageaient entre le Portugal et l'Espagne la possession des nouvelles terres découvertes en Afrique et en Amérique, et dont l'une, celle du 15 octobre 1577, reconnaissait que le Congo, sur toute l'étendue qu'on lui attribuait, alors, était une conquête et un domaine du Portugal et l'on ne saurait nier l'importance du caractère juridique de ces documents, par rapport à l'époque où ils ont été publiés, le droit de souveraineté du Portugal n'a été pendant longtemps contesté d'une manière positive et effective par aucune des autres nations, qui, au contraire, ont passé avec lui des conventions, par lesquelles elles sollicitaient des concessions ou des privilèges dans les pays en question: ce qui prouvait implicitement de la part de ces nations la reconnaissance formelle et indubitable; et, parmi ces nations, nous voyons figurer l'Angleterre elle-même, la seule puissance qui, plus tard, ait élevé des objections à l'étendue de la domination portugaise dans cette région, où cependant elle avait reconnu, par les conventions du 19 février 1810, du 22 janvier 1815 et du 28 juillet 1817 et de 1838, que le Portugal conservait ses droits souverains sur les territoires situés entre les parallèles 5° 12′ et 8° de latitude sud. Une convention additionnelle au traité du 28 juillet 1817 classe, en termes exprès, parmi les territoires de la côte d'Afrique, au sud de l'Equateur, sur lesquels Sa Majesté très fidèle a déclaré réserver ses droits, les territoires de Molembo et de Cabinda sur la côte occidentale d'Afrique, à partir du 5° 12′ jusqu'au 8° latitude méridionale ».

Aussi a-t-on lieu d'être surpris lorsque, malgré le traité de paix signé à Paris, le 10 février 1763, entre l'Angleterre, la France et le Portugal, lequel, concernant les domaines portugais d'Afrique, maintenait le statu quo antérieur; malgré le traité signé à Madrid, le 30 janvier 1786, entre les délégués de la France et du Portugal, traité par lequel la France reconnaissait explicitement les droits de souveraineté du Portugal sur les territoires de Ca

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Reconnaissance.

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