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La paix d'Utrecht.

Fin de la guerre de succession.

aurait acquise en obtenant le trône vacant pour un prince de sa famille.

Cette question de succession dynastique absorba donc avant toute autre l'attention de la politique européenne; elle eut pour résultat final le célèbre testament de Charles II, qui instituait héritier universel de la couronne d'Espagne le duc d'Anjou, petitfils de Louis XIV; à défaut du duc d'Anjou, le duc de Berry; à défaut de celui-ci, l'archiduc Charles d'Autriche, et après ce dernier le duc de Savoie. L'acceptation de ce testament par Louis XIV engendra la guerre sanglante et désastreuse qui se termina par la paix d'Utrecht en 1713 (1), *.

Ce traité reconnaissait le droit d'une des branches de la maison de Bourbon à la couronne d'Espagne, mais à condition que cette couronne ne serait jamais réunie à celle de France. Il accordait en même temps à la maison d'Autriche la possession de la Belgique, du Milanais et du royaume de Naples (2), qui jusque-là avaient dépendu de la couronne d'Espagne. Il sanctionnait de nouveau la légitimité de la révolution anglaise de 1688, en garantissant la succession au trône d'Angleterre dans la maison de Hanovre.

Jusqu'à l'époque de la révolution française le traité d'Utrecht a été invariablement confirmé par tous les traités qui l'ont suivi. Le premier grand traité de paix dans lequel il n'en soit pas fait mention, est celui conclu à Lunéville en 1801 (3); la paix d'Amiens de 1802 (4) le passe également sous silence; mais on le voit cité de nouveau et partiellement revalidé dans les traités de Paris de 1814.

1. De Clercq, Recueil, t. I, p.1; Dumont, t. VIII, pte. 1, pp. 322 et seq.; Ch. Calvo, t. II, pp. 109, 115; Castro, Collecçao, t. II, p. 243; Cantillo pp. 75, 87, 127; British and foreign state papers, v. XXXV, p. 815; Savoie, t. II, pp. 287 et seq.

Mignet, Négociations, t. I, p. LXV et seq.; Wheaton, Hist., t. I, pp. 115 et seq.; Cauchy, t. I, pp. 505 et seq.; Cantu, Hist. univ., t. XVI, pp. 440 et seq.; Capetigue, Louis XIV, t. IV; Laurent, Hist., t. XI, pp. 57 et seq; Lafuente, Hist., t. XVIII, pp. 30 et seq.; Mariana, Hist., t. IV, pp. 193 et seq.; Schoell, Hist., t. I, pp. 187 et seq.; Flassan, Hist., t. IV, pp. 183 et seq.; Miraflores, Memoria historicolegal sobre las leyes de sucesion á la corona de España ; Ferrer del Rio, Hist. del reinado de Carlos III, t. I, pp. 117 et seq.

2. Le traité de Vienne de 1738 (Wenck, t. I, p. 88; Savoie, t. II. p. 497) transmit le nouveau la souveraineté du royaume de Naples à une des branches de la maison de Bourbon.

3. De Clercq, t. I, p. 424; Martens, 1re édit., t. VII, p. 538; 2o édit., t. VII, p. 296; Neumann, t. II, pp. 1, 16.

4. De Clercq, t. I, p. 484; Ch. Calvo, t. VI, p. 354; Martens, 1oo édit., Suppl., t. II, p. 553; 2o édit., t. VII, p. 404; Cantillo, p. 702.

Comme on le voit, l'importance de la paix d'Utrecht au point de vue du droit international européen est immense. Wheaton dit dans son Histoire que le modus vivendi, l'état de la partie centrale de l'Europe reposait encore sur les bases de cette paix. Cela a cessé d'être entièrement exact depuis la guerre que la France et l'Italie ont soutenue contre l'Autriche en 1859, surtout depuis celle de 1866, qui a abouti à la paix de Prague (1) et à la formation de la confédération de l'Allemagne du Nord, et, plus récemment, depuis le conflit entre l'Allemagne et la France en 1870-71, qui a eu pour résultat la constitution de l'empire allemand *.

Droit maritime et or

1681.

Depuis le traité de Nimègue en 1678 jusqu'à la guerre qu'elle entreprit en 1689 pour rétablir Jacques II sur le trône d'Angleterre, donnances de la France s'occupe très sérieusement de développer ses ressources maritimes. C'est à cette pensée que répond la publication de l'ordonnance de 1681, dans laquelle on condensa à la fois les ordonnances sur la marine édictées en France depuis le règne de Charles VI en 1400, et les coutumes maritimes renfermées dans le Consulat de la mer. On s'explique que, réunissant ainsi en corps de doctrine les principes et les règles consacrés relativement aux prises maritimes et aux autres points de cette partie si importante du droit international, la grande ordonnance de Louis XIV ait acquis une autorité considérable dans les tribunaux de presque tous les États maritimes de l'Europe et principalement en Angleterre.

L'ordonnance de 1681 admettait le principe, établi par le Consulat de la mer, que les marchandises ennemies transportées par un navire neutre sont de bonne prise; mais, par un déplorable esprit d'exclusivisme, elle repoussait, par contre, cet autre principe, que les marchandises neutres chargées sous pavillon ennemi ne peuvent être capturées.

L'Espagne, se mettant en contradiction avec son fameux Consulat de la mer, adopta la même règle de conduite, tandis que les autres nations maritimes de l'Europe s'en tinrent aux principes ra

(1) Archives dipl., 1886, t. III, p. 200; Moniteur, 1866, p. 1086.

Actes, mémoires et autres pièces authentiques concernant la paix d'Utrecht; Mignet, Négociations, t. I, p. xcvII; Ch. Giraud, Le traité d'Utrecht; Wheaton, Hist., t. I, pp. 126-128; Torcy, Mémoires, t. III, pp. 245 et seq.; Mably, Le droit, t. II, pp. 60 et seq.; Goldsmith, Hist., t.III, pp. 479 et seq.; Mariana, Hist., t. IV, p. 288; Hist. of the war of succession in Spain; Belando, Hist. civil., pte. 3; Lafuente, Hist., t. XVIII, pp. 317 et .eq.; Cantu, Hist. univ., t. XVI, p. 454; Laurent, Hist., t. XI. pp. 127 et seq.; Schoell, Hist., t, I, pp. 194 et seq.; Flassan, Hist., t. IV,pp. 259 et seq.; Garden, Hist., t. II, pp. 305 et seq; Cantillo, Tratados, pp. 75 et seq.

Règle: navires libres,

tionnels du droit des gens et se bornèrent à confisquer les marchandises appartenant à l'ennemi. Cette pratique, toutefois, tomba peu à peu en désuétude, et l'on vit généralement prévaloir la règle désignée sous le titre de navires libres, marchandises libres.

En 1604, la Sublime Porte consentit que la marine française protégeât les marchandises ennemies contre les navires de guerre ottomans. Ce même principe fut consigné plus tard dans les différents traités que la Turquie conclut successivement avec les autres États de l'Europe.

Le traité des Pyrénées, qui, en 1659, mit fin à la guerre entre la France et l'Espagne, stipulait que, si l'une ou l'autre des parties contractantes s'engageait dans une guerre avec une tierce puissance, les marchandises ennemies transportées par des navires neutres ne pourraient être confisquées, et que, par contre, les marchandises neutres embarquées sous pavillon ennemi seraient sujettes à la confiscation, Ces stipulations, particulières à la France et à l'Espagne, sont comme on le voit, l'antécédent, la base conventionnelle des clauses correspondantes de l'ordonnance de la marine de 1681 *.

Bien avant la paix d'Utrecht, l'Angleterre avait par de nommarchandises breux traités reconnu la règle navires libres, marchandises libres; libres. on peut citer notamment ses traités de 1654 (1) avec le Portugal, de 1677 (2) avec la France, de 1674 (3) et de 1688 (4) avec la Hollande.

Dans le premier, l'Angleterre admettait non seulement la règle de navires libres, marchandises libres, mais encore le principe corrélatif de navires ennemis, marchandises ennemies et confiscables. Cette clause a continué d'être en vigueur jusqu'en 1810, faisant partie intégrante de la législation internationale des deux royaumes.

Dans le traité qu'elle conclut avec la France en 1677, l'Angleterre sanctionna de nouveau la même règle, les mêmes doctrines.

Valin, Commentaire; Wheaton, Hist., t. I. pp. 147 et seq.; Hautefeuille, Hist., pp. 175 et seq., 264; Azuni, Système, t. I, pte. 1, ch. 3, art. 14; Cussy, Phases, t. I, liv. 1. tit. 1, § 5; Cantu, Hist. univ., t. XIII, pp.583 et seq.; Marshall, Marine insurance, p. 12;¡Gessner, pp. 33, 34; Bédarride, Droit, com., t. I, pp. 26, 27; Lebeau, Nouv. code, t. I, pp. 91 et seq.

(1) Dumont, t. VI, pte. 2, p. 82; Castro, t. I, p. 168; Herstlet, v. II, p. 8.

(2) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 327; Léonard, t. V.

(3) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 282.

(4) Dumont, t. VII, pte. 2, pp. 222, 238.

Son but était de protéger son commerce contre les corsaires français, tandis que la France, en adhérant à des principes qui s'éloignaient de ceux inscrits dans ses propres lois sur les prises, y gagnait des abaissements de tarifs, grâce auxquels elle agrandissait le débouché de ses produits manufacturés sur le marché anglais.

Les deux règles navires libres, marchandises libres, et navires ennemis, marchandises ennemies, furent reconnues par la Hollande et par les traités de 1663 (1) entre la France et le Danemark, et de 1672 (2), entre la France et la Suède. On en retrouve également la consécration formelle dans les traités de 1670 entre la Suède et le Danemark, de 1661 (3), de 1666 (4) et de 1670 entre la Suède et la Grande-Bretagne, et celui de la même année entre cette dernière puissance et le Danemark (5), enfin dans la plupart des conventions spéciales de commerce et de navigation qui ont été signées depuis la paix d'Utrecht entre l'Angleterre et la France, la Hollande et l'Angleterre, la France et la Hollande *.

'de guerre.

A cette même époque, les lois qui définissaient la contrebande Contrebande de guerre reçurent aussi une certaine extension. Une ordonnance française restreignait cette espèce de contrebande aux munitions. de guerre; cependant Valin assure que, dès le commencement du XVIIIe siècle, on assimilait la poix et le coton à la contrebande de guerre. Le traité conclu en 1742 (6) entre la France et le Danemark qualifiait de contrebande de guerre, outre les. objets que nous venons de mentionner, la résine, les màtures, la laine, les bois de construction, les cordages, enfin tout ce qui est nécessaire à l'armement des navires. Cette signification étendue, ainsi donnée à la contrebande de guerre pendant cette troisième époque historique, était fondée sur le caractère spécial des luttes engagées entre les diverses nations de l'Europe, et sur les subtilités mises en avant par les publicistes du temps. Grotius, par exemple, établissait une distinction entre les choses qui peuvent servir pour la

(1) Dumont, t. VI, pte. 2, p. 436; Léonard, t. V. (2) Dumont, t. VII, pte. 1. p. 166; Léonard, t. V.

(3) Dumont, t, VI, pte. 2, p. 383; Herstlet, v. II, p. 324.

(3) Dumont, t. VI, pte. 3, p. 83.

(5) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 132; Herstlet, v. I, p. 186.

Bynkershoek, Quæst, lib. 1, cap. 13, 14; Valin, Traité, ch. 5, §5; Wheaton, Hist., t. I, pp. 157 et seq.; Cauchy, t. II, pp. 171 et seq.; Jenkinson, Discourse, p. 48; Gessner, pp. 228 et seq.; Hautefeuille, Hist., pp. 198 et seq., Martens, Manuel, pp. 43, 60, 62.

(6) De Clercq, t. I, p, 46; Koch, t. I, p. 343; Wenck, t. I, p. 591; State papers, v. XXXV, p. 1263.

Droit de

blocus.

Droit de

visite.

guerre, celles qui ne peuvent servir, et celles qui peuvent servir ou non, selon les circonstances; or il est évident qu'une classification si arbitraire permet de justifier toute espèce de capture *.

Le droit de blocus constitue un autre des traits caractéristiques de cette époque. Il limite ou nie la falté pour un neutre de trafiquer avez un port assiégé et dont la redition est tentée par un belligérant. D'après une ordonnance promulgue en 1630, les États généraux de Hollande pratiquaient le droit de biocus, conformé ment aux principes qui furent reconnus plus tard par les publicistes et finalement sanctionnés par diverses nations maritimes; cependant ils ne semblent pas être demeurés longtemps fidèles à leurs doctrines. Il s'en écartèrent en effet par les mesures qu'ils décrétèrent en 1652 contre le commerce anglais, et par la convention qu'ils signèrent à Londres en 1689 (1), laquelle leur interdisait tout commerce avec les ports de France, bien qu'ils ne fussent pas alors en état d'hostilité contre Louis XIV.

Le blocus de toutes les côtes ou de tous les ports d'un État ne saurait s'excuser ni se légitimer attendu qu'il n'est jamais possible de le rendre réel et effectif, et de tout temps les nations neutres y ont opposé d'énergiques protestations. Plusieurs traités du XVIIe siècle reconnaissent formellement aux neutres le droit de continuer leur commerce avec l'ennemi, ou n'excluent de cette liberté de trafic que les articles de contrebande de guerre et les ports en état, de blocus *.

Les compilations les plus anciennes du droit maritime, notamment le Consulat de la mer, admettent le droit de visite comme la conséquence indispensable de la confiscation de certaines marchandises. Bien que leur législation consacrât le droit de visite, l'Angle

Cauchy, t II, pp. 182 et seq.; Wheaton, Hist., t. I, pp. 169 et seq.; Hautefeuille, Hist., pp. 176 et seq.; Gessner, pp. 70 et seq.; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 1, § 5; Bynkershoek, Quæst, lib. 1, cap. 9, 10, 12; Heineccius, De navib., cap. 1, § 14; Zouch, Jur., pars. 2, § 8, no 7 ; Hübner, De la saisie, t. I, pte. 2, ch. 1; Valin, Com., liv. 3, tit. 9; Pothier Traité de propriété, no 104; Heffter. §§ 158-160; Ortolan, Règles, t. II, pp. 175 et seq.; Moseley, Whuts is contraband; Phillimore, Com., v. III, §§ 235 et seq.; Manning, pp. 282 et seq.; Wildman, v. II, pp. 210 et seq.

(1) Dumont, t. VIII, pte. 2, p. 237.

Cauchy, t. II, pp. 194 et seq.; Wheaton, Hist., t. I, pp. 181 et seq.; Gessner, pp. 153 et seq.; Hautefeuille, Hist., pp. 210-215; Manning, pp. 321, 322; Ortolan, Régles, t. II, pp. 357 et seq.; Flassan, Hist, t, VI, p. 64; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 1, §5; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 11; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 7, § 112; Jenkinson, Discourse,

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