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avec la plus grande franchise l'engagement solennel de coopérer aux mesures de progrès que la conférence avait pour but d'inaugurer; et dans les discussions qui suivirent il a tenu sa promesse de seconder la réussite des projets soumis aux délibérations dans un but humanitaire et civilisateur, s'abstenant systématiquement de toute proposition qui pùt élargir le cadre du programme, et se bornant à surveiller et à défendre uniquement les principes qui touchaient les intérêts du Portugal; il a pu ainsi recouvrer des sympathies, qui ne lui ont plus fait défaut.

§ 273. Les droits de souveraineté et de propriété du Portugal ont été généralement reconnus; et, après avoir signé l'acte général, la tâche du gouvernement portugais s'est bornée à une délimitation de frontières entre ses propres possessions et celles des États devenus ses voisins dans le bassin du Congo: ces voisins sont la France et le nouvel État de l'Association internationale du Congo.

Délimitation des fron

tières des portugaises

possessions

au Congo;

d'avec les

possessions

Quant à la France il n'a jamais existé aucune difficulté; dans une lettre du 9 décembre 1882 au ministre des affaires étrangères françaises; à Lisbonne, M. d'Azevedo, chargé d'affaires du Portugal à Paris dit que M. Duclerc, alors président du Conseil des ministres en France, acceptait le principe : « que les limites du territoire portugais dans les régions du Congo, sont le fleuve Congo même, qui coule du nord-est vers la côte et par conséquent traverse le parallèle de 5o 12′, puis remonte bien loin de là, pour gagner l'intérieur; en un mot, que les droits du Portugal s'étendent à tout le royaume du Congo, sur le souverain duquel la couronne du Portugal a la suzeraineté depuis des siècles, la limite du 5°12′ se rapportant uniquement à la côte septentrionale du Congo. »

Deux jours après, M. d'Azevedo récrit que M. Duclerc lui a encore confirmé sa déclaration : « que le territoire cédé à la France est situé sur la rive droite du Congo, et par conséquent en dehors des limites des prétentions portugaises, dont le gouvernement français reconnaît la légitimité. »

Avec le nouvel État africain reconnu par la Conférence de Berlin, le Portugal, à l'exemple des autres puissances, a consenti à signer une convention qui le fait participer aux avantages que l'Association a déjà concédés et pourra concéder ultérieurement aux autres nations.

Par l'article 3 de cette convention, qui porte la date du 14 février 1885, les deux États limitrophes adoptent pour frontières entre leurs possessions dans l'Afrique occidentale, savoir :

Au nord du fleuve Congo, la droite joignant l'embouchure de la

d'avec les possessions

de l'Associa tionale du

tion interna

Congo.

Adoption de règles pour

bus des an

rivière qui se jette dans l'Océan Atlantique au sud de la baie de Cabinda, près de Ponta Vermelha, à Cabo Lombo;

Le parallèle de ce dernier point prolongé jusqu'à son intersection avec le méridien du confluent du Cutcacalla avec le Luculla;

Le cours de Luculla jusqu'à son confluent avec le Chiloungo (Luango-Luce);

Le cours du Congo depuis son embouchure jusqu'à son confluent avec la petite rivière d'Ouango-Ouango;

Le méridien qui passe par l'embouchure de la petite rivière d'Ouango-Quango, entre la factorerie hollandaise et la factorerie portugaise, de manière à laisser celle-ci en territoire portugais, jusqu'à la rencontre de ce méridien avec le parallèle de Nokki;

Le parallèle de Nokki jusqu'à son intersection avec la rivière Kouango.

Ainsi le Portugal fait l'abandon à l'Association d'une petite portion de territoire sur la rive droite du Congo à son embouchure, de façon à en laisser une partie au nouvel État sur l'Océan Atlantique; mais en compensation le Portugal, qui retient sur cette rive Cabinda et Molembo, acquiert sur la rive gauche la reconnaissance d'une large délimitation à l'intérieur, un peu plus de territoire que l'Angleterre ne lui en reconnaissait dans le traité du 26 février 1884.

§ 274. Parmi les résultats définitifs des délibérations de la Conprévenir l'a- férence de Berlin, nous devons signaler ici plus particulièrement nexions fic l'adoption de règles propres à prévenir l'abus des annexions fictives sur la côte occidentale du continent africain.

tives.

Sur ce point il a été avec raison exposé par M. le docteur Busch, l'un des plénipotentiaires de l'empereur d'Allemagne, et M. le baron Lambermont, plénipotentiaire du roi des Belges, que l'occupation ne saurait être vraiment effective au moment même de la prise de possession, et qu'elle ne le deviendra que plus tard par l'accomplissement impliquant une idée de continuité et de permanence.

C'est ce qui a motivé la rédaction des articles 34 et 35 de l'acte général, ainsi conçus :

<< La puissance qui dorénavant prendra possession d'un territoire sur les côtes du continent africain situées en dehors de ses possessions actuelles, ou qui, n'en ayant pas eu jusque-là, viendrait à en acquérir, et de même la puissance qui y assumera un protectorat, accompagnera l'acte respectif d'une notification adressée aux autres puissances signataires du présent acte, afin de faire valoir, s'il y a lieu leurs réclamations...

« Les puissances signataires du présent acte reconnaissent l'obligation d'assurer, dans les territoires occupés par elles, sur les côtes du continent africain l'existence d'une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis et, le cas échéant, la liberté du commerce et du transit dans les conditions où elle serait stipulée. »

Nous ferons observer que ces dispositions viscnt uniquement l'avenir; les possessions actuelles demeurent en dehors de leur portée; il n'y a que les prises de possession ultérieures qui y seront astreintes et à l'occasion desquelles les différents prétendants, s'il s'en présente, auront à faire valoir leurs réclamations et à discuter leurs titres respectifs.

§ 275. Voici comment M. Engelhardt, l'un des Délégués de la France, résume les innovations dans le droit international que nous devons à la Conférence de Berlin:

Innovations dans le droit

introduites

international

par la Confé

rence de Ber

<«< Suivant l'acte final du congrès de Vienne, les affluents d'un lin. fleuve international ne sont soumis aux lois qui président à la navigation de ce fleuve qu'autant qu'ils relèvent eux-mêmes de plusieurs États. L'Acte de Berlin ne fait pas cette distinction en ce qui concerne les affluents du Congo et du Niger. Tous, voire même les lacs et les canaux, sont ouverts au trafic général dans les mêmes conditions que la voie principale à laquelle ils se relient.

« Pour la première fois, des routes, des chemins de fer et des canaux seront assimilés, sous le rapport conventionnel, au fleuve dont ils suivent les rives. Tel sera le régime des voies de communication artificielles qui seront construites le long du Congo et du Niger, dans le but de suppléer à leur innavigabilité ou à leurs imperfections locales.

« Le principe de la liberté du trafic fluvial en cas de guerre, que le congrès de Vienne avait négligé, et qui n'était prévu que dans quelques-unes de ses applications, par les règlements auxquels l'acte de 1815 avait donné naissance, ce principe a été nettement posé, dans son acception la plus large, par les deux conventions relatives au Congo et au Niger. Ces fleuves, leurs affluents, comme la mer territoriale que commandent leurs cmbouchures, demeureront accessibles en tout temps pour l'usage commercial, et la neutralité la plus absolue couvrira le personnel, ainsi que les ouvrages et établissements dépendant du service de la navigation.

Les bâtiments commerciaux des puissances belligérantes jouiront des mêmes immunités que ceux portant pavillon neutre, c'est-à

Contestation entre

Espagne et

l'Allemagne

au sujet des

Carolines.

dire qu'ils seront inviolables au même titre que la propriété privée dans les guerres continentales (1). »

Voici enfin l'appréciation générale de ce même Délégué sur les résultats de la conférence du Congo :

« La conférence africaine de 1884-1885 occupera une grande place dans l'histoire diplomatique de la seconde moitié de ce siècle. Elle y paraîtra au premier rang par le nombre de ses membres; car, si l'on excepte les trois royaumes orientaux et la Suisse, tous les États d'Europe ont pris part à ses délibérations dans les conditions d'une entière égalité...

<< Aucune délégation internationale analogue n'a été saisie de questions plus multiples ni de problèmes d'une plus grande portée.

« Son œuvre économique, aussi libérale que prévoyante, prépare la conquête commerciale d'un territoire plus vaste que les deux tiers de l'Europe; elle y assure à toutes les entreprises légitimes, de quelque drapeau qu'elles les couvrent, une égale et durable protection.

«Tel était assurément le but principal d'une négociation inspirée par une commune pensée de conciliation et de paix.

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Cependant, ce nouveau monde encore barbare que des lois tutélaires doivent ouvrir à toutes les activités du négoce et de l'industrie modernes, la Conférence de Berlin a entendu le gagner à la civilisation, et, à cette fin, elle n'y a point seulement implanté les principes les plus avancés du droit public contemporain dans l'élaboration de chacun de ses projets, elle s'est appliquée à garantir les populations indigènes contre toute violence injuste, en recherchant les moyens les plus propres à favoriser leur émancipation morale et leur bien-être matériel.

« C'est plus de cinquante millions d'âmes dont il lui a été permis de tracer les destinées, et l'on conviendra qu'en aucune circonstance l'aréopage européen, dans ses grandes assises, n'a eu à accomplir une plus haute et plus généreuse mission (2). »

§ 276. Quoique la Conférence, ainsi qu'il résulte de la teneur de ces articles de l'Acte général, eût circonscrit sa sphère d'action, en la limitant aux côtes du continent africain, et quoique ses décisions ne fussent pas, dans sa pensée, destinées à avoir d'effet rétroactif, puisque, à part le règlement immédiat des questions matérielles qui avaient motivé sa réunion, elle déclarait ne statuer que pour l'avenir, les principes qui l'ont guidée et les rè

(1) Livre jaune sur les affaires du Congo; Rapport de M. Engelhardt. (2) Ibid.

gles qu'elle a adoptées paraissent désormais des résultats d'un caractère général acquis à la pratique internationale; la portée n'a pas tardé, en effet, à en être étendue d'une façon explicite et absolue. L'année où la Conférence avait clos ses travaux n'était pas finie, qu'un différend surgissait entre deux puissances maritimes au sujet d'une question de propriétés d'îles situées dans les mers de l'Extrême-Orient.

C'est en invoquant, comme un de ses principaux arguments, les clauses que nous citons plus haut de l'Acte général du 26 février 1885, que le Chancelier de l'Empire d'Allemagne contestait à la couronne d'Espagne la propriété des archipels des Carolines et des Palaos, dans l'Océanie, en alléguant que jamais l'Espagne n'avait rempli à l'égard de ces îles les conditions prescrites par le droit des gens et revêtues récemment d'une nouvelle et si solennelle sanction.

De plus, se conformant à une autre disposition de l'Acte général de la Conférence (article 12), les deux parties contestantes n'ont pas hésité à soumettre le litige au jugement d'un médiateur, choisi d'un commun accord. Et ce médiateur, s'il n'a pas appliqué à la lettre les principes suivis par la conférence, en a tout au moins respecté l'esprit; car, tout en reconnaissant le droit historique de l'Espagne à la possession des îles, il ne négligea pas de corroborer cette revendication par des titres plus substantiels, par des faits positifs, par des actes d'occupation, d'intervention, de protectorat ou d'administration; enfin, comme pour suppléer à ce que son dispositif pouvait laisser de vague et d'insuffisant, par rapport à la pratique internationale nouvellement inaugurée, le médiateur recommanda à la puissance à laquelle sa décision assignait la possession, d'observer, d'accomplir précisément les mêmes règles que les articles 34 et 35 de l'Acte du 26 février 1885 stipulent pour les futures occupations africaines.

L'analogie que nous sommes heureux de signaler ici, ressort d'une manière plus frappante encore des développements que nous donnerons à ce cas, en traitant de la médiation, dont il est un des exemples les plus récents et, par cela même, des plus significatifs et des plus concluants.

Droit de domaine ου

neté d'asso

§ 277. La prise de possession d'un nouveau territoire peut s'opérer par des particuliers; mais si ceux-ci ont agi sans pouvoirs, de souveraileurs actes doivent être ratifiés par l'État duquel ils dépendent, ciations pripour que leur occupation revête un caractère définitif et valable à l'égard des autres États.

vées.

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