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1840.

Traité entre

la Russie.

la Turquie, sous la réserve que les navires de guerre russes pourraient descendre le fleuve jusqu'à l'embouchure du Pruth.

En 1820, par la paix d'Andrinople, la Russie, nonobstant les protestations de la Grande-Bretagne, s'était emparée de fait de la navigation du Danube, son domaine exclusif sur l'embouchure de la Sulina ayant été formellement reconnu par la Porte.

Le traité conclu le 25 juillet 1840 (1) entre l'Autriche et la l'Autriche et Russie semblait devoir rendre une certaine liberté au parcours intérieur de ce grand fleuve; mais ses stipulations, qui d'ailleurs ne furent pas observées, n'empêchèrent point les Russes de perpétuer les abus, les gênes et les exactions que favorisait un ensemble de mesures quarantenaires arbitrairement appliquées aux navires qui sortaient du Danube pour entrer dans la mer Noire.

1856. Traité de Paris.

Commissions mixtes.

§ 314. L'affranchissement complet de la navigation du Danube a été, comme on sait, l'une des conditions imposées à la Russie par le traité de paix signé à Paris le 30 mars 1856 (2). Ce traité se borna du reste à stipuler en termes généraux que le fleuve jusqu'à son embouchure seraient régi par les principes, arrêtés le 24 mars 1815 (3), pour la navigation fluviale en général.

On lit à l'article 15 de ce traité : « Les puissances contrac<< tantes stipulent entre elles qu'à l'avenir ces principes (ceux du «< congrès de Vienne) seront également appliqués au Danube et à «<ses embouchures. Elles déclarent que cette disposition fait dé«sormais partie du droit public de l'Europe, et la prennent sous << leur garantie. »>

Ces principes posés, l'article ajoute : « La navigation du Danube « ne pourra être assujettie à aucune entrave ni redevance qui ne serait pas expressément prévue par les stipulations contenues <<< dans les articles suivants. En conséquence, il ne sera perçu aucun «< péage basé uniquement sur le fait de la navigation du fleuve, ni <«< aucun droit sur les marchandises qui se trouvent à bord des na« vires. Les règlements de police ou de quarantaine, établis pour « la sûreté des États séparés ou traversés par le fleuve, seront «< conçus de manière à favoriser, autant que faire se pourra, la <«< circulation des navires. Sauf ces règlements, il ne sera apporté «< aucun obstacle, quel qu'il soit, à la libre navigation. »

En même temps, afin de garantir la mise en pratique de ces

(1) Martens-Murhard, t. I, p. 208; Neumann, t. IV, p. 460.

(2) De Clercq, t. VII, p. 59; Neumann, t. VI, p. 274; Savoie, t. VIII, p. 380.

(3) De Clercq, t. II, p. 472; Martens, Nouv. recueil, t. II, p. 434.

principes, le congrès de Paris créa deux commissions mixtes, l'une temporaire, l'autre permanente. La première, qualifiée d'Européenne, parce qu'elle était composée des délégués de toutes les nations représentées au congrès de Paris, devait être chargée de désigner et de faire exécuter les travaux nécessaires pour dégager les embouchures du Danube depuis Isatcha, ainsi que les parties de la mer avoisinantes, des sables et des autres obstacles qui les obstruent, afin de les mettre dans le meilleur état de navigabilité. La seconde commission, désignée sous le nom de riveraine, et dans laquelle ne devaient entrer que des commissaires choisis par les États dont le Danube traverse le territoire, avait pour tâche spéciale de rédiger les règlements de navigation et de police fluviale; de supprimer les entraves de toute nature qui s'opposeraient encore à l'application du traité de Vienne; de diriger les travaux qui seraient nécessaires pour entretenir la profondeur normale des eaux, et de veiller, après la dissolution de la Commission Européenne, au maintien de la navigabilité des embouchures du Danube et des parties de la mer avoisinantes. Un délai de deux années, plus tard porté à sept, était fixé pour l'exécution des travaux matériels d'approfondissement du chenal et pour l'élaboration des règlements de navigation.

L'article 18 du traité avait stipulé que « les puissances signataires, après avoir pris acte de l'achèvement des règlements et des travaux, prononceraient la dissolution de la Commission Européenne; et que dès lors la commission riveraine jouirait des mêmes pouvoirs dont la commission européenue avait été investie jusqu'alors. »

C'est le contraire qui a eu lieu.

La Commission Européenne fut alors invitée à rédiger un nouveau projet dans un délai de six mois, mais son travail ne fut terminé que huit ans après, il eut pour résultat l'Acte public de navigation du Bas Danube, signé à Galatz le 2 novembre 1865.

D'après l'article premier, la Commission Européenne du Danube, ou l'autorité qui lui succédera en droit, est restée chargée, à l'exclusion de toute ingérence quelconque, d'administrer, au profit de la navigation, les ouvrages et les établissements, créés en exécution de l'article 16 du traité de Paris, de veiller à leur maintien et à leur conservation, et de leur donner tout le développement que les besoins de la navigation pourront réclamer.

L'article deuxième réserve à la Commission la faculté de désigner et de faire exécuter tous les travaux qui seraient jugés nécessaires dans le cas où l'on voudrait rendre définitives les améliorations, jusqu'alors provisoires, du bras et de l'embouchure de Soulina et pour

prolonger l'endiguement de cette embouchure, au fur et à mesure que l'état de la passe pourra l'exiger.

Par l'article troisième cette faculté est étendue à l'amélioration de la bouche et du bras de Saint-Georges, arrêtée d'un commun accord et simplement ajournée.

L'article septième déclare la navigation aux embouchures du Danube régie par un règlement de navigation et de police arrêté le même jour par la Commission, lequel a été joint à l'Acte public.

Les articles suivants règlent les conditions pour l'exercice de la navigation, le régime administratif du fleuve, le tarif des droits de navigation, les règles concernant les quarantaines.

Enfin il est stipulé à l'article trente et unième que « les ouvrages et «<les établissements de toute nature créés par la Commission Euro«<péenne et ceux qu'elle pourra créer à l'avenir jouiront de la neutralité << stipulée à l'article onzième du traité de Paris de 1856 et seront, en «< cas de guerre, également respectés par tous les belligérants...

D

Après des prorogations successives, dont la dernière résultait du traité du 10 mars 1871 (1), les pouvoirs de la Commission Européenne arrivaient à échéance le 24 avril 1883; mais leur prolongation avait été, en quelque sorte, consacrée en principe, par l'article 54 du traité de Berlin, du 13 juillet 1878 (2), qui stipulait qu'« une année avant l'expiration du terme assigné à la durée de la « Commission Européenne, » les Puissances se mettraient d'accord sur la durée de ses pouvoirs ou sur les modifications qu'elles jugeraient à propos d'y introduire.

Cet accord a été réalisé par un traité conclu le 10 mars 1883, à Londres (3) et qui a continué la durée de la Commission Européenne pour vingt et un ans, à partir du 24 avril 1883, avec tacite reconduction de trois en trois ans, à l'expiration de cette période.

Le même traité a étendu jusqu'à Braïla la sphère d'action du syndicat européen, jusque-là limitée à Galatz, tout en la restreignant à la branche de Soulina à l'exclusion, sur la demande de la Russie, des parties du bras de Kilia dont les deux rives appartiennent à l'un des riverains de ce bras.

L'article 53 du traité de Berlin avait, d'ailleurs, jeté les bases d'une notable extension des attributions de la Commission Européenne, en édictant qu'elle exercerait dorénavant ses fonctions « dans une complète indépendance de l'autorité territoriale.» Les

(1) De Clercq, t. X, p. 461.

(2) Ibidem, t. XII, p. 333.

(3) De Clercq, t. XIV, 1re partie, p. 178.

conséquences de ce principe ont été inscrites dans un Acte additionnel à l'Acte public du 2 novembre 1865.

Cet Acte additionnel avait été complètement élaboré et même signé dans sa teneur actuelle, à la fin de l'année 1879 (1), par la majorité des membres de la Commission Européenne, au nombre desquels figuraient M. le colonel Siborne, délégué d'Angleterre, et l'ambassadeur actuel de la République Française à Berlin, M. Jules Herbette, délégué de France. N'ayant pas été ratifié par tous les gouvernements dans les délais prévus, il dut être signé une deuxième fois, mais sans modification, le 28 mai 1881 (2). Ses dispositions sont intéressantes, au point de vue du droit international, en ce qu'elles créent, en faveur de la Commission Européenne une sorte de souveraineté dans le domaine de sa compétence. Elle a un pavillon reconnu qui est exclusivement arboré sur ses bâtiments et ses navires, et tous ses employés portent des insignes qui leur assurent le bénéfice de la neutralité stipulée à leur profit par le traité du 13 mars 1871.

Elle exerce la police de la navigation par l'entremise de ses propres agents, et c'est en son nom que ceux-ci prononcent les sentences pour les contraventions commises, et non plus comme précédemment, au nom de l'autorité territoriale.

Elle est chargée de l'entretien et de l'administration de tous les phares composant le système d'éclairage des embouchures du Danube; l'article 56 du traité de Paris ne lui attribuait de droits que sur le phare de l'île des Serpents. Enfin elle a mission de concourir à l'élaboration des règlements sanitaires à l'embouchure du Danube, de concert avec un conseil international siégeant à Bucharest.

Telle est l'organisation présente de la Commission Européenne qui, par les éminents services qu'elle a rendus au commerce général, est sans doute destinée à devenir une institution permanente. Grâce à son administration habile et prévoyante, les dépenses des grands travaux effectués dans le bras de Soulina ont été complètement amorties avant 1880, et bien que les taxes de navigation aient été sensiblement réduites et n'atteignent maintenant qu'un chiffre très modéré, les excédants de recette permettent d'entretenir constamment la navigabilité du fleuve. La création de la Commission Européenne du Danube restera l'une des œuvres les plus fécondes et les plus durables du traité de Paris. La Commission riveraine est loin d'avoir obtenu le même succès.

(1) Protocoles de la Commission Européenne du Danube, no 353. (2) Ibidem, no 384.

1857.

Acte de na

elu entre les

§ 315. Selon l'engagement formulé dans le traité de Paris, les vigation con- États co-riverains, c'est-à-dire la Turquie, l'Autriche, la Bavière et Etats rive- le Wurtemberg, se sont concertés et ont dressé le 7 novembre 1857 (1) un acte général de navigation, comprenant quarante-sept articles, qui peuvent se résumer ainsi :

rains.

Discussions suscitées par

Les États signataires, pour se conformer à l'esprit du règlement du 24 mars 1815 (2) et du traité du 30 mars 1856 (3), proclament l'entière et complète liberté du Danube; tous les privilèges ou les monopoles concédés à des corporations ou à des particuliers, ainsi que tous les droits ou les péages grevant la coque des navires ou leurs cargaisons, sont abolis; tous les ports du Danube jouiront des mêmes franchises et des mêmes avantages que ceux acquis aux ports maritimes; l'accès en sera ouvert aux navires de toutes les nations, qui y seront reçus et traités sur le pied de la plus parfaite égalité; les règlements sanitaires seront modifiés dans le sens le plus favorable au développement du commerce; on établira un bon système de pilotage pour franchir les passes les plus rétrécies et les plus dangereuses du fleuve; enfin la navigation intérieure de port à port est et demeure réservée aux seuls sujets des États co-riverains.

§ 316. Cette dernière disposition, inspirée par les susceptibiles riverains. lités jalouses de l'Autriche, violait l'esprit des traités et méconnaissait les droits des Etats non riverains; c'est pourquoi, comme on devait s'y attendre, elle motiva, de la part des grandes puissances maritimes représentées au congrès de Paris, notamment de la part de la France et de l'Angleterre, une protestation énergique, par suite de laquelle l'acte de navigation du 7 novembre 1857 est resté à l'état de lettre morte, jusqu'au 2 novembre 1865, où a été formulé l'acte de la Commission Européenne, qui fait seul règle quant à présent*.

Les articles 5 et 6 du Traité du 13 mars 1871 avaient eu pour objet d'amener une entente pour l'établissement d'une Commission Riveraine et l'enlèvement des obstacles que les cataractes et les

(1) Martens-Samwer, t. III, pte. 2, p. 75.

(2) De Clercq, t. II, p. 472; Martens, Nouv. recueil, t. II, p. 434.

(3) De Clercq, t. VIII, p. 59; Neumann, t. VI, p. 274; Savoie, t. VIII,

p. 380.

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Caratheodory, pp. 124-135; Wurm, Vier briefe über die freie Donauschiffahrt, s. 17; Wheaton, Hist., t. II, p. 188; Phillimore, Com., v. I, § 167; Halleck, ch. vi, § 31; Cussy, Phases, t. I, § 57; Geographisches Element und Welthandel mit besonderer Rücksicht auf die Donau; Holtzendorff, Vōlherrecht, t. II, pp. 347 et suiv.

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