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portes de fer opposent à la navigation fluviale. Cette nouvelle tentative n'ayant pas eu de suite, la question a été reprise par l'Autriche-Hongrie au Congrès de Berlin et formulée, dans l'article 55 du Traité du 13 juillet 1878, en vue d'une assimilation entre les règlements de navigation en amont et en aval de Galatz.

La Commission Européenne fut chargée d'élaborer un projet dans ce sens et commença en 1879 ses délibérations qui aboutirent, avec le concours des délégués de la Serbie et de la Bulgarie, au règlement du 2 juin 1882 (1). Ce règlement a été soumis à la Conférence ouverte à Londres, le 2 février 1883 et approuvé par le traité du 10 mars de la même année (2).

Par une note en date du 12 février 1883, le Prince Jean Ghika, Ministre de Roumanie à Londres avait décliné l'honneur d'assister à la Conférence avec simple voix consultative et protesté contre les décisions « qui seraient prises sans la participation de la Roumanie, << en les déclarant non obligatoires pour elle ».

Le motif de l'attitude prise par le Gouvernement Roumain était la crainte de se trouver, par le fait des dispositions du règlement, placé sous la dépendance virtuelle de l'Autriche-Hongrie. Ce règlement stipulait, en effet, que la Présidence permanente de la Commission mixte du Danube dont la durée devait être la même que celle de la Commission Européenne, appartiendrait au délégué austro-hongrois. Malgré les concessions de détail faites au cours de la Conférence de Londres par le plénipotentiaire austro-hongrois, quant au privilège de la double voix et au sectionnement longitudinal substitué au thalweg, pour la compétence territoriale en matière de contravention de navigation, enfin quant au mode de navigation des inspecteurs (3), le Gouvernement Roumain n'a pas consenti à se rallier à l'accord des grandes puissances. Le règlement du 12 février 1883 est ainsi demeuré sans effet *.

§ 317. La libre navigation du Mississipi est un fait consommé Le Mississipi. depuis 1795; cependant les débats auxquels elle a donné lieu entre le gouvernement de l'Espagne et celui des États-Unis, cons

(1) De Clercq, t. XIV, 1re partie, p. 181.

(2) De Clercq, lbid., p. 184.

(3) De Clercq, t. XIV, 1re partie, p. 153.

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Commission Européenne du Danube; Acte additionnel du 28 décembre 1879 (non ratifié); Protocole n° 353. Acte additionnel du 28 mai 1881 (ratifié); Protocole no 384; Acte public relatif à la navigation des embouchures du Danube; Galatz, 1876; Règlement de navigation et de police applicable au Bas Danube; Galatz, 1887.

Discussion entre l'Espa

gne et Etats-Unis.

tituent un des précédents les plus précieux relatifs à la navigation des fleuves.

On sait que, par la paix de Paris de 1763 (1), l'Espagne et la France avaient cédé à l'Angleterre, la première la Floride, et la seconde le Canada. Le droit de naviguer sur le Mississipi se trouvait donc appartenir exclusivement à la Grande-Bretagne; mais peu de temps après la France cédait la Louisiane à l'Espagne, qui rentrait également en possession de la Floride en vertu du traité de 1783 (2). Dominant ainsi l'embouchure du Mississipi, la cour de Madrid revendiqua un droit exclusif de navigation sur la partie du fleuve située en dedans de ses possessions.

§ 318. Dans cet intervalle les États-Unis s'étaient constitués les en nation indépendante, et l'article 8 du traité de 1783 (3), qui reconnaissait leur séparation de la métropole, établit naturellement que la navigation du Mississipi serait libre et franche pour les citoyens et les sujets respectifs. La Grande-Bretagne et les ÉtatsUnis ne pouvaient donc se soumettre à des prétentions comme celles de l'Espagne, qui portaient la plus grave atteinte à leurs droits et à leurs intérêts.

Dans la discussion diplomatique qui s'engagea à ce sujet, le gouvernement de Washington soutint le droit des citoyens américains à participer avec l'Espagne à la navigation du Mississipi, en sc fondant sur ce que, l'Océan étant libre pour tous les hommes, les fleuves doivent l'ètre pour tous les riverains, et que presque partout on permet aux co-riverains étrangers de naviguer librement sur les fleuves qui ne se trouvent qu'en partie sur leur territoire. Il fit aussi remarquer avec raison que, quand les habitants du bas d'un fleuve veulent s'opposer à ce que ceux de la partie haute naviguent dans leurs eaux, ils n'exercent pas un droit, mais commettent contre les faibles un abus de la force que la société condamnc; enfin il démontra jusqu'à la dernière évidence que les Espagnols eux-mêmes avaient tout intérêt à se rallier au principe du libre parcours du fleuve, puisque c'était pour eux le seul moyen de se procurer des avantages, desquels l'isolement et l'exclusion devaient forcément les priver.

(1) Ch. Calvo, Recueil, t. II, p. 363; Martens, 1re édit., t. I, p. 33; 2o édit., t. I, p. 804; Castro, t. III, p. 329.

(2) Ch. Calvo, t. IV, p. 296; Martens, 1re édit., t. II, pp. 462, 484; 2o édit., t. III, pp. 519, 541; State papers, v. I, p. 424.

(3) Martens, 1re édit., t. II, p. 497; 2e édit., t. III, p. 553; Elliot, v. I, p. 237; Slate papers, v. I, p. 779.

1795. Traité de

§ 319. Le résultat de ce débat fut la conclusion en 1795 du traité de San Lorenzo (1), qui permit aux citoyens américains de na- San Lorenzo. viguer librement sur le Mississipi, fleuve que l'acquisition postérieure de la Louisiane et de la Floride finit par faire entrer tout entier, depuis sa source jusqu'à son embouchure, dans le territoire et le domaine éminent de la république nord-américaine.

Les clauses du traité de 1783 entre l'Angleterre et les États-Unis n'ayant pas été confirmées par le traité que ces deux puissances conclurent à Gand en 1814 (2), la Grande-Bretagne se trouva dégagée de tout intérêt dans la question *.

Laurent.

§ 320. La navigation du Saint-Laurent et des grands lacs qu'il Le Sainttraverse ou qui y débouchent a suscité entre les États-Unis et leur ancienne métropole un débat analogue à celui qu'avait provoqué la navigation du Mississipi. Tandis que l'Angleterre possédait les rives septentrionales des lacs et du Saint-Laurent dans toute leur étendue et les rives méridionale depuis le 45 degré de latitude jusqu'à l'embouchure du fleuve, les Etats-Unis étaient propriétaires de la rive méridionale jusqu'à l'endroit où les frontières viennent rejoindre le fleuve.

Discussion entre les

l'Angleterre

§ 321. Le gouvernement de Washington, se fondant à la fois sur le droit naturel et sur la nécessité, réclamait le droit de naviguer Etats-Unis et librement sur le Saint-Laurent depuis sa source jusqu'à son embouchure. Il alléguait subsidiairement que les principes consacrés par le congrès de Vienne constituaient le droit commun de toutes les nations en matière de navigation fluviale, et que l'Angleterre, ayant contribué à les faire proclamer, était moralement tenue de les faire respecter comme l'expression légitime de l'opinion publique en Europe. Les États-Unis faisaient encore valoir qu'avant la guerre de l'indépendance, et surtout depuis la lutte soutenue de concert avec la métropole contre la France en 1756, les colonies anglaises avaient, au prix des plus grands efforts et des sacrifices les plus

(1) Ch. Calvo, t. IV, p. 113; Martens, 1re édit., t. VI, p. 561; 2o édit., t. VI, p. 143; Elliot, v. I, p. 390; State papers, v. VIII, p. 540. (2) Herstlet, v. II, p. 378; Elliot, v. I, p. 268; Martens, Nouv. recueil, t. II, p. 76.

* Wheaton Élém., pte. 2, ch. Iv, § 18; Wheaton, Hist., vol. II, pp. 191-195; Kent, Com., vol. I, p. 36; Phillimore, Com., vol. I, § 169; Halleck, ch. vi, § 32; Twiss, Peace, § 141; Caratheodory, Du droit, pp. 136-138; Cussy, Phases, liv. 1, tit. 11, §57; liv. II, ch. xxvIII, §3: White, State papers, v. V, pp. 135-140; Martens, Recueil, t. VI, p. 146; Rec. man., t. I, p. 30; t. II, pp. 105, 282, 309, 311; t. III, pp. 38, 410; Holtzendorff, Völkerrecht, t. II, p. 356.

sérieux, conquis le droit de circuler en toute liberté sur le cours entier du Saint-Laurent ; que d'ailleurs cette liberté de navigation ne pouvait préjudicier en rien aux intérêts de la Grande-Bretagne.

Le gouvernement anglais résista à ces prétentions en soutenant que le libre passage d'une nation sur un territoire étranger avait de tout temps été considéré comme une exception au droit de propriété ; que les principes adoptés par le congrès de Vienne, étant le résultat d'une convention mutuelle basée sur les intérêts des États co-riverains d'un fleuve, ne pouvaient servir de fondement à une doctrine de droit naturel; que la prétention du gouvernement de la république nord-américaine de se faire un titre d'un droit créé au profit d'un pays tiers, avant qu'elle-même se fùt constituée, n'était pas soutenable, attendu que ce droit, eût-il existé, avait nécessairement pris fin depuis le traité de 1783, qui avait pour l'avenir reconnu l'indépendance des États-Unis.

A ce raisonnement le gouvernement de Washington répondit qu'en principe, lorsqu'un fleuve sépare ou traverse plusieurs États, les habitants de la partie supérieure ont, à son libre parcours, un droit qui ne peut être nié ni méconnu par les habitants de la partie inférieure; que le droit naturel, pour être respecté et exercé, a souvent besoin d'être transporté dans le domaine de la pratique par des transactions positives nettement formulées, et qu'à ce titre on doit considérer les principes proclamés à Vienne comme un hommage rendu par l'homme au grand législateur de l'univers, qui dégage ses œuvres des entraves arbitraires dans lesquelles elles sont trop souvent enveloppées. Il est assez remarquable que les publicistes anglais, Phillimore entre autres, ont eux-mêmes blâmé en cette circonstance la conduite de leur gouvernement et avoué que dans l'espèce « summum jus était synonyme de summa injuria. § 322. Le débat entre les deux gouvernements s'est prolongé l'Angleterre pendant un grand nombre d'années et n'a été définitivement vidé que par le traité que l'Angleterre et les États-Unis ont conclu à Washington le 5 juin 1854 (1): l'article 4 porte que les États-Unis auront droit de naviguer librement sur le Saint-Laurent et sur les canaux du Canada, considérés comme moyens de communication entre les grands lacs et l'Océan Atlantique; que pour l'exercice de ce droit les sujets et les citoyens respectifs seront placés sur le pied d'une entière égalité et acquitteront les mêmes taxes ou les mêmes péages; que néanmoins le gouvernement britannique aura la faculté

1854.

Traité entre

et les Etats

Unis.

(1) Herstlet, v. IX, p. 998; Martens-Samwer, t. III, pte. 1, p. 498.

de suspendre ce privilège en notifiant préalablement et en due forme sa détermination au gouvernement des États-Unis *.

la Plata.

§ 323. Dans l'Amérique du Sud, la question des voies fluviales a Le fleuve de peut-être une plus grande importance encore. Les États qui occupent cette partie du Nouveau Monde, séparés les uns des autres par de gigantesques montagnes ou de vastes forêts vierges, n'ont presque pas d'autres moyens de communication que les voies fluviales, au nombre desquelles unc des plus importantes, sans contredit, est le Rio de la Plata, qui, par ses nombreux affluents, arrose une étendue de près de 300,000 lieues carrées.

Traités de 1825 et de

l'Angleterre.

Sous l'influence des vues politiques qui dominaient son gouvernement, le dictateur Rosas devait être forcément conduit à se pré- 1849 avec valoir des traités conclus avec l'Angleterre en 1825 (1) et en 1849 (2) pour faire considérer le Rio de la Plata et ses affluents comme des fleuves fermés aux étrangers, et pour revendiquer, en faveur de la République Argentine, le droit exclusif d'en régler la navigation; mais ces idées exclusives n'étaient partagées ni par les hommes les plus éclairés du pays, ni par l'immense majorité de la population; aussi, dès que la chute du dictateur eut ramené le parti libéral au pouvoir, le principe de la libre navigation fluviale triompha dans cette partie de l'Amérique comme dans le reste du nouveau continent, et entra définitivement dans le domaine du droit conventionnel.

§ 324. Le premier traité qui soit intervenu pour en réglementer l'application entre États sud-américains est celui que le Brésil et la République Orientale conclurent à Rio de Janeiro, le 13 octobre 1851 (3). L'article 24 de ce traité établit que la navigation de l'Uruguay et de ses affluents sera libre pour les parties contractantes, et que les riverains du Rio de la Plata et de ses affluents seront invités à se concerter avec elles pour appliquer le même principe au Parana et au Paraguay.

Wheaton, Élém., pte. 2, ch. Iv, § 19; Wheaton, Hist., t. 2, pp. 195-199; Caratheodory, Du droit, pp. 139 et seq.; Cussy, Phases, liv. 1, tit. 2, §57, p. 143; liv. II, ch. XXVIII, § 4; Phillimore, Com., vol. I, § 170; Kent, Com., vol. I, p. 37; Halleck, ch. vi, § 33; Twiss, Peace, § 141; Lawrence, Élém. by Wheaton, note 114; U. S. statutes at large, vol. X, pp. 1089 et seq.; British State papers, 1826-1829; Holtzendorff, Völkerrecht, t. II, p. 357.

(1) Martens, Nouv. recueil, t. VI, p. 670; State papers, v. XII, p. 29; Herstlet, v. III, p. 44; Elliot, v. II, p. 237.

(2) Martens-Samwer, t. II, p. 46; Herstlet, v. VIII, p. 105. (3) State papers, v. XI, p. 1145; Lesur, 1,851, app., p. 232.

la

1851. Traité entre

République et le Brésil.

de l'Uruguay

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