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terre, la France et l'Espagne se sont opposées, à diverses reprises à ce qu'il fût exercé à l'égard de leur pavillon par la Hollande et par les provinces belges. Les questions soulevées à cette occasion, et fondées sur des considérations plutôt politiques que légales, ont motivé diverses clauses conventionnelles destinées à préciser la manière dont, suivant les circonstances, ce droit pourrait être exercé ou devrait au contraire demeurer suspendu.

En 1654, les États-Généraux se trouvèrent appelés à résoudre deux points graves se rattachant au droit de visite et dont la solution consacra un premier précédent. Plusieurs navires marchands hollandais, naviguant sous l'escorte d'un navire de guerre, furent visités par les Anglais. Les États-Généraux décidèrent que les capitaines de la marine militaire recevraient l'ordre de s'opposer désormais à la visite de leurs bâtiments, mais que, conformément aux traités conclus avec l'Angleterre, les navires marchands néerlandais seraient tenus de s'y soumettre.

Vers la fin du XVII siècle, les États-Généraux cherchèrent, mais en vain, à éluder sous ce rapport leurs obligations conventionnelles; et, circonstance digne de remarque, en même temps qu'ils s'efforçaient de soustraire leurs navires à une inspection des plus gênantes, ils prétendaient exercer le droit de visite toutes les fois qu'ils avaient le caractère de belligérants. Ces contradictions, toujours blåmables, sont devenues de plus en plus fréquentes par la suite *.

Une des questions qui surgirent dans cette même période fut celle de la liberté des mers, soulevée par les prétentions exorbitantes de l'Espagne et du Portugal, qui, l'une et l'autre, encouragées par la fameuse bulle d'Alexandre VI, semblaient vouloir s'attribuer la souveraineté du monde. Grotius, dans son Mare liberum, résout la question dans le sens de la liberté absolue des mers; il fut le premier à combattre les droits que s'arrogeaient les Portugais au commerce exclusif des Indes. Son livre fut réfuté par Selden, qui, dans l'ouvrage intitulé Mare clausum (1), appuya et chercha à justifier la prétention du gouvernement anglais au domaine souverain des mers, dites britanniques. On peut donc dire que la question de la liberté des mers, qui avait pris naissance dès l'époque de la découverte de l'Amérique et dont les gouver

Cauchy, t. II, pp. 220 et seq.; Wheaton, Hist., t. I, pp. 190 et seq.; Gessner, pp. 278 et seq.; Hautefeuille, Hist., pp. 216 et seq.; Ortolan, Règles, t. II, pp. 262 et seq.; Manning, pp. 352, 353.

1. Voir le livre IV.

La liberté des mers.

Le Sund et les Belts.

nements d'Espagne et de Portugal semblèrent plus tard vouloir favoriser la solution dans un sens libéral, continua d'être l'objet de l'attention particulière des États européens pendant tout le cours du XVIIe siècle, par suite des prétentions exagérées de la GrandeBretagne. La France s'est constamment refusée à reconnaître cette souveraineté revendiquée sur les mers britanniques; et, en 1689, parut à ce sujet une ordonnance, qui devint bientôt après un des motifs invoqués par le gouvernement anglais pour lui déclarer la

guerre.

Après une longue et vive résistance, la Hollande dut se soumettre et accepter au moins implicitement le droit souverain que l'Angleterre s'arrogeait sur les mers qui baignent ses côtes; mais c'est là un fait isolé, qui ne constitue ni une justification ni un précédent en faveur de la doctrine soutenue par Selden *.

Depuis le XVIe siècle le Danemark avait exercé un droit de souveraineté sur les détroits qui donnent accès à la mer Baltique. Cette souveraineté, qui lésait gravement les intérêts des États circonvoisins, avait, presque dès son origine, soulevé de nombreuses discussions. Les tentatives infructueuses des villes hanséatiques, notamment de Lubeck, pour affranchir la navigation de la Baltique de toute entrave et de toute charge onéreuse, provoquèrent plusieurs guerres, où, suivant le côté vers lequel inclinait la victoire, les réclamations qui avaient servi de base à la lutte étaient accueillies ou repoussées par le Danemark. Le traité de Spire (1), qui ne contient cependant aucune stipulation précise et péremptoire à ce sujet, est assez généralement considéré comme le premier acte qui ait donné une consécration internationale aux prétentions du Danemark.

Les ligues maritimes qui se formèrent vers la fin du XVIe siècle et au commencement du XVII forcèrent le gouvernement danois à modérer ses exigences fiscales et à réduire les péages du Sund. En vertu du traité conclu à Broemsbro en 1645, les navires suédois furent exemptés de tout droit. La Hollande avait déjà obtenu le même avantage pour sa marine, par le traité de rachat qu'elle avait signé à Copenhague en 1642; quant aux autres nations, si elles ne sanctionnèrent pas directement les prétentions domaniales du Dane

Grotius, Mare liberum; Grotius, Le droit, liv. 2, ch. 3, §§ 8, 13; Selden, Mare clausum; Bynkershoek, De dominio maris; Cauchy, t. II, pp. 92 et seq.; Wheaton, Hist., t. I, pp. 198 et seq.; Rayneval, De la liberté, t. I, avant-propos; t. II; Rayneval, Inst., t. I, pp. 296 et seq.

1. Dumont, t. IV, pte. 2, p. 273.

mark, elles consentirent du moins pour la plupart à subir le paiement des péages du Sund *.

Parmi les publicistes les plus remarquables de cette période, on rencontre Samuel Pufendorf, né à Chemnitz en 1632, mort à Berlin en 1674, considéré comme le plus marquant parmi les disciples immédiats de Grotius. Le droit international n'est pour lui qu'une sorte de droit naturel, qu'on ne saurait traiter à part. Les États et les nations sont des personnes morales, aux rapports desquelles il faut appliquer les règles du droit naturel dans les relations des hommes entre eux. Il publia en 1672 son livre intitulé De jure naturæ et gentium, dont il fit ensuite un abrégé, connu sous le titre De officiis hominis et civis. L'ouvrage de Pufendorf, quoique inférieur sans contredit à celui de Grotius, marque cependant un progrès dans les doctrines du droit international.

En 1678 parut le livre de Jean-Joachim Zentgraf, (né à Strasbourg le 27 mars 1643, mort le 28 novembre 1707, professeur à Strasbourg), De origine, veritate et obligatione juris gentium (De l'origine, de la vérité et de l'obligation du droit des gens), dans lequel l'auteur soutient, contrairement à Pufendorf, l'existence d'un droit des gens positif.

En 1693, Leibnitz publia sa collection de traités et autres actes diplomatiques; dans la préface, il traite des principes du droit international. Les travaux de Leibnitz ont peu contribué au progrès du droit des gens.

Un jurisconsulte anglais, le docteur Zouch, né en 1590 mort en 1660, publia en 1650 un abrégé de droit international, qu'il intitula Juris et judicii fecialis, sive juris inter gentes et quæstionum de eodem explicatio. Ce jurisconsulte fut le premier qui désigna par les mots de Jus inter gentes le Jus gentium de l'ancienne législation romaine, et c'est de cette nouvelle dénomination qu'est dérivé depuis le terme de Droit international.

Joseph Selden naquit à Sussex en 1584 et mourut en 1634. Il a écrit un livre sur le droit international, qu'il fait découler des institutions du peuple hébreu; mais ce livre a contribué beaucoup moins à sa renommée que son ouvrage intitulé Mare clausum.

A la même époque vivait Hobbes, né également en Angleterre en 1588 et mort en 1679. Dans son ouvrage De cive, il traite des prin

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Franck, Réformateurs et publicistes de l'Europe. Dix-septième siècle, pp. 333-343, 367-409. 410-483, 485-513. Azuni, Système, t. I. pte. 1, ch. 2, art. 2, §§ 4 et seq.; Wheaton, Hist., t. 1, pp. 205 et seq.; Scherer, Der Sundzoll; Ortolan, Règles, t. I. pp. 147, 148.

Publicistes postérieurs à Grotius. Pufendorf.

Zentgraf

Leibnitz.

Zouch.

Selden.

Hobbes.

Spinosa.

Loccenius.

Molloy.

Cumberland.

Samuel
Rachel.

cipes fondamentaux du droit international, et soutient que l'état de nature est un état de guerre perpétuelle.

Cette doctrine est partagée par le célèbre philosophe Spinosa, né à Amsterdam en 1632 et mort en 1677, qui, dans son Tractatus theologico-politicus (Essais sur la théologie et la politique) a abordé diverses questions de droit international.

Le professeur suédois, Jean Loccenius, né à Itzehoe en 1597, mort en 1677, fit paraître en 1651 son livre De jure maritimo et navali. Ce travail, justement estimé, est souvent cité par les auteurs qui ont écrit sur les mêmes matières.

En 1666, Charles Molloy publia en Angleterre la première édition de son ouvrage De jure maritimo et navali, qui acquit une telle popularité, que dix ans après, il en avait déjà paru neuf éditions anglaises. En outre de ces auteurs, nous pouvons encore mentionner Cumberland, né en 1633, mort en 1718, qui, dans son ouvrage De legibus naturalibus (Des lois naturelles), paru en Angleterre en 1672, établit, contre Hobbes, qu'il y a une morale naturelle, indépendante Wicquefort. des conventions des hommes; - Wicquefort, né à Amsterdam en 1598 et mort en 1682, auteur d'un traité de diplomatie intitulé : L'ambassadeur et ses fonctions; Samuel Rachel, professeur à l'université de Kiel, qui fonda une école opposée à celle de Grotius, et dont le principal ouvrage De Jure naturæ et gentium (Du droit de la nature et des gens) parut en 1676; Kuricke, qui a publié en 1667 un traité du Droit maritime hanséatique (Jus maritimum hanseaticum ;) le jurisconsulte français Domat, né en 1625, mort en 1696, dont les principaux ourages sont Le droit public et Les lois civiles dans leur ordre naturel, ce dernier publié pour la première fois en 1687; - Huber, auteur des Prælectiones juris civilis (Leçons de droit civil) parues de 1686 à 1699; et Jean Voet, qui a publié en 1698 un commentaire sur les Pandectes (Commentarius ad Pandectas). Les autres publicistes de cette époque occupent un rang plus secondaire, et n'ont, du reste, exercé aucune influence snr les progrès du droit international *.

Kuricke,

Domat.

Huber.

Jean Voet.

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Wheaton, Hist., t. I, pp. 128 et seq.; Cauchy, t. II, pp. 46 et seq.; Hallam, Int., v. II. pte. 3, ch. 4; v. III, pte. 4, ch. 4; Manning, pp. 25-32; Réal, Science, t. VIII; Halleck, ch. 1, §§ 18; Phillimore, Com.. v. I, préf., pp. XII, XIII; Hautefeuille, Hist., pp. 270-275; Garden, Traité, t. I, pte. 1, pp. 59 et seq.; Heffter, § 9; Franck, Réformateurs et publicistes de l'Europe. Dix-septième siècle, pp. 86-148,354 L de Neumann, Éléments § 4. p. 17 Alcorta. Curso t. I, chap. VII, Vergé, Précis de Martens, int., p. xv; Pradier-Fodéré, Fiore, t. 1. pp. LVI-XLIII; p. 43, notes, New Américan cyclopædia, A. Alcorta, t. I, pp. 393-396.

QUATRIÈME ÉPOQUE.

DEPUIS LA PAIX D'UTRECHT JUSQU'A LA FIN

DE LA GUERRE DE SEPT ANS. 1713-1763.

ces du traité

Les traités d'Utrecht créèrent pour l'Europe une situation paci- Conséquen fique, qui dura plus de vingt ans, et que caractérisent la cordialité d'Utrecht. et la bonne harmonie des relations réciproques de la France et de l'Angleterre ; mais en 1739 survint entre l'Angleterre et l'Espagne une nouvelle guerre, à laquelle la France prit part cinq ans plus tari.

Vers le même temps la mort de l'empereur Charles VI, survenue en 1740, faisait surgir la question si compliquée de la succession d'Autriche, et rallumait les hostilités au centre de l'Europe. La Bavière, la Sardaigne, l'Espagne, la Prusse et la Saxe se disputaient à la fois la souveraineté de l'Empire germanique. La Prusse revendiquait la possession de la Silésie, qui lui fut enfin cédée par le traité de Breslau (1) et confirmée par celui de Dresde en 1745 (2).

La lutte se prolongea jusqu'en 1748; alors le congrès d'Aix-laChapelle (3) y mit un terme, en confirmant les traités de Westphalie et d'Utrecht, modifiés toutefois par la cession de la Silésie à la Prusse et par l'abandon des duchés de Parme et de Guastalla à l'infant don Philippe. On reconnut également la pragmatique sanction de Charles VI et les droits de la maison de Hanovre à la couronne d'Angleterre *.

La paix d'Aix-la-Chapelle fut de courte durée; bientôt la guerre éclata de nouveau entre l'Angleterre et la France, tandis que la Prusse et l'Autriche engagèrent cette lutte mémorable connue sous le nom de guerre de Sept ans.

En 1756, le roi d'Angleterre conclut avec le roi de Prusse un traité (4) d'alliance défensive, par lequel les deux souverains se garantissaient la mutuelle possession du Hanovre et de la Silésie, et

(1) Wenck, Codex, t. I, p. 734.

(2) Wenck, t. II, p. 194.

(3) De Clercq, t. I, pp. 59, 65; Wenck, t, II, pp. 310, 333, 335, 337, 376, 382, 390, 398, 404; Savoie, t. III, pp. 33, 44, 51, 73; Cantillo, pp. 385, 390; State papers, vol. IV, p. 82.

Wheaton, Hist., t. I, pp. 216 et seq.; Cantu, Hist. univ., t. XVII, pp. 1, et seq.; Coxe, Hist., t. V, pp. 1 et seq.; Laurent, Hist., t. XI, pp. 231 et seq.; 279 et seq.; Flassan, Hist., t. V; Schoell, Hist., t. I, pp. 269 et seq.; Garden, Hist., t. III, pp. 201 et seq.; Coxe, L'Espagne, t. III. (4) Wenck, t. III, p. 84.

Guerre de

Sept ans.

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