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Neutralité

consacrés par les articles 1 à 7, concernant la liberté de commerce et de navigation, la protection des indigènes, des missionnaires et des voyageurs, la liberté religieuse et le service postal. Et pour tous les cas où l'application de ces principes susciterait des difficultés, les gouvernements intéressés pourront faire appel aux bons offices de la commission en lui en déférant l'examen.

Dans l'exercice de ses attributions la Commission Internationale ne dépendra pas de l'autorité territoriale, elle pourra (article 21) recourir, au besoin, aux bâtiments de guerre des puissances signataires, sous toute réserve des instructions qui pourraient être données aux commandants de ces bâtiments par leurs gouvernements respectifs.

Aux termes de l'article 22, ces bâtiments de guerre, pénétrant dans le Congo, sont exempts des droits de navigation; mais ils acquitteront les droits éventuels de pilotage ainsi que les droits de port, sauf dans les cas d'intervention prévus par l'article 21.

Enfin l'article 25 stipule que même en temps de guerre la navigation de toutes les nations, neutres ou belligérantes, sur le Congo, ses affluents, ses embranchements et ses embouchures ainsi que sur la mer territoriale y faisant face, et leur transit sur les routes, les chemins de fer, les lacs et les canaux demeureront libres pour les usages du commerce, sauf une seule exception en ce qui concerne le transport d'objets destinés à un belligérant et considérés,

vertu du droit des gens, comme contrebande de guerre. Comme couronnement et garantie suprême de son œuvre et afin compris dans de mieux assurer le maintien de la paix dans les contrées ainsi ventionnel du ouvertes au développement de la civilisation du commerce et de

des territoires

le bassin con

Congo.

Le Niger.

l'industrie, la Conférence a déclaré la neutralité des territoires compris dans le bassin conventionnel du Congo, y compris les eaux territoriales (chapitre II, article 10), de telle sorte que, dans le cas où une puissance exerçant des droits de souveraineté ou de protectorat dans ces contrées viendrait à être impliquée dans une guerre, les territoires appartenant à cette puissance et compris dans la zone conventionnelle de la liberté commerciale seront placés pendant la durée de la guerre sous le régime de la neutralité et considérés comme appartenant à un État non belligérant: les parties belligérantes renonceraient dès lors à étendre les hostilités aux territoires ainsi neutralisés, aussi bien qu'à en faire la base des opérations de guerre.

§ 335. Les principes de liberté de commerce et de navigation et de neutralité en temps de guerre, appliqués au Congo et à ses

affluents, l'ont été également au cours du Niger, un autre grand fleuve de l'intérieur de l'Afrique, qui a son cours plus au nord que le Congo il sort du versant septentrional des monts Kong, au sud du désert du Sahara, et se jette dans le golfe de Guinée entre les baies de Bénin et de Biafra.

Les dispositions adoptées à cet effet (chapitre v de l'Acte général de la Conférence de Berlin, articles 26, 27, 28, 29 et 33) sont identiques à celles qui règlent les mêmes points relativement au Congo; mais en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouve le Niger, navigable seulement dans son cours inférieur et dans une partie de son cours supérieur, on a jugé à propos de n'y point appliquer les stipulations qui se rapportent à la commission internationale. Mais l'Angleterre, qui possède de nombreux comptoirs vers la partie basse et sur les embouchures du fleuve, s'est engagée, par l'article 30, à appliquer les principes de la liberté de navigation énoncés dans les articles 26 à 29, en tant que les eaux du Niger, de ses affluents, de ses embranchements et de ses issues sont ou seront sous sa souveraineté ou son protectorat; toutefois elle aura la faculté d'établir des règlements pour la sûreté et le contrôle de la navigation, à condition que ces règlements soient conçus de manière à faciliter, autant que possible, la circulation des navires marchands; elle s'engage en outre à protéger les négociants étrangers à l'égal de ses propres sujets, pourvu qu'ils se conforment aux règlements qu'elle aura établis.

La France, de son côté qui est établie sur le cours du moyen et du haut Niger, a accepté (article 31), sous les mêmes réserves, les obligations stipulées relativement au bas Niger.

Enfin (article 32) chacune des autres puissances signataires de l'Acte du 26 février 1885 a pris les mêmes engagements, pour le cas où elle exercerait dans l'avenir des droits de souveraineté ou de protectorat sur quelque partie des eaux du Niger, de ses embranchements, de ses affluents et de ses issues.

§ 336. Comme on en peut juger par les résultats de la Conférence de Berlin, les principes généraux consacrés par les articles de 108 à 116 de l'Acte final du Congrès de Vienne de 1815 et destinés à régler la libre navigation des cours d'eau navigables qui séparent ou traversent plusieurs Etats, principes appliqués depuis aux grands fleuves de l'Europe et de l'Amérique, ont été étendus à ceux d'un nouveau continent, ouvert depuis quelques années au commerce de toutes les nations; bien plus cette application a reçu des additions et des modifications qui en élargissent le sens et la portée.

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Ainsi, tout d'abord, suivant l'acte final de Vienne, les affluents d'un fleuve international ne sont soumis aux lois qui président à la navigation de ce fleuve qu'autant qu'ils relèvent eux-mêmes de plusieurs Etats; l'Acte de Berlin n'établit pas cette distinction par rapport aux affluents du Congo et du Niger: tous, y compris même les lacs, sont ouverts au trafic général dans les mêmes conditions que la voie principale à laquelle ils se relient.

On peut en dire autant des routes, des chemins de fer et des canaux, qui, pour la première fois, sont assimilés, sous le rapport conventionnel au fleuve dont ils suivent les rives.

L'Acte de Vienne avait confié la sauvegarde des intérêts communs des Etats dont un même cours d'eau longe ou traverse les territoires, à une commission composée exclusivement de délégués de ces Etats. Toutefois, en ce qui concerne le Danube, la navigation en avait été placée sous le contrôle d'une commission composée à la fois de délégués des nations riveraines et des nations non riveraines cette exception a été étendue au Congo.

Ainsi deux systèmes administratifs étaient en pratique relativement aux cours d'eau soumis aux principes du Congrès de Vienne : celui d'une commission riveraine, et celui d'une commission mixte internationale. La Conférence en a inauguré un troisième, en stipulant que les Etats riverains du Niger exécuteraient eux-mêmes, dans les limites de leurs possessions ou de leur influence respectives, les règlements établis par rapport à ce fleuve.

Une dérogation aux principes précédemment admis, mais que justifie l'absence de souverainetés civilisées sur la plus grande partie du territoire conventionnel et de ceux qui l'avoisinent, a été jugée opportune: c'est le mandat, dont a été investie la Commission internationale du Congo et auquel la nature propre de ses fonctions ne lui donnait aucun titre, de surveiller dans les Etats indigènes l'application des dispositions concernant la liberté commerciale, la liberté religieuse et la protection non seulement des étrangers, mais aussi des populations indigènes elles-mêmes.

La Conférence de Berlin aura eu aussi le mérite de remplir une lacune qu'avait laissé subsister le Congrès de Vienne, et qu'il était cependant indispensable de combler pour assurer une garantie efficace et durable aux principes de liberté de commerce et de navigation mis en avant: elle a maintenu l'exercice de cette double liberté en tout temps, en toute circonstance, même en cas de guerre, en couvrant de la neutralité la plus absolue, sous la réserve de l'observation corrélative des devoirs qu'elle comporte, les ter

ritoires situés dans la zone commerciale reconnue par l'Acte général. C'est là un progrès considérable introduit dans le droit maritime moderne, c'est une sanction nouvelle donnée à la doctrine de l'inviolabilité de la propriété privée dans les conflits internationaux *. § 337. Après avoir retracé les antécédents historiques de la question de la navigation des fleuves et montré la solution qui lui a été donnée dans la pratique par des arrangements conventionnels, il devient facile de dégager la doctrine générale désormais reconnue et sanctionnée par le droit international; nous allons la résumer en en faisant l'application aux diverses circonstances particulières qui peuvent se présenter.

Lorsqu'un fleuve est situé tout entier sur le territoire d'un seul État, il est considéré comme se trouvant sous la souveraineté exclusive de ce même État, qui alors a seul autorité et pouvoir pour en réglementer la navigation. Quand, au contraire, il sert de limite à un ou à plusieurs États, il constitue pour ceux-ci une propriété commune, à moins que par première occupation, achat, cession ou autre titre valide et légitime, l'un de ces États n'en ait acquis le domaine exclusif et privilégié. Enfin, lorsqu'un fleuve non seulement traverse plusieurs États, mais encore sert à marquer entre eux la frontière politique ou de souveraineté, la ligne de partage qui indique la limite de juridiction est supposée fictivement passer par la partie la plus profonde du courant des eaux connue sous le nom de thalweg. La hauteur ou la déclivité des rives n'est jamais prise en considération; et même, si, par sa situation topographique, la limite de démarcation ne permettait pas à l'un des riverains d'utiliser pour la navigation la portion du fleuve qui lui est réservée, il est de principe que le thalweg doit être pratiquement reporté et fixé à une distance égale des deux bords. C'est cette dernière règle que la France et le grand-duché de Bade ont consacrée dans leur traité de limites du 5 avril 1840 **.

* Documents diplomatiques; Affaires du Congo et de l'Afrique occidentale, Paris, 1884; Protocoles et Acte général de la Conférence de Berlin, 1884-1885; Rapport adressé au Ministre des affaires étrangères, par M. Ed. Engelhardt, ministre plénipotentiaire, délégué à Berlin, pour la Conférence Africaine, Paris, 1885; La Conférence Africaine de Berlin, par Charles Faure; La question du Congo devant l'Institut de droit international, par Gustave Moynier, président du Comité international de la Croix-Rouge; Acte général de la Conférence de Berlin.

** Vattel, Le droit, liv. I, ch. XXII, §§ 266, 268; Wheaton, Elém., pte. 2, ch. IV, § 11; Phillimore, Com., vol. I, § 155; Twiss, Peace, §§ 142-145; Martens, Précis, § 39; Heffter, §§ 66, 69, 73, 77 ; Klüber, Droit, §§ 129, 133; Gunther, Völk., t. II, p. 25; Bello, pte. 1, cap. 1, §§ 1, 2; Cussy, Phases,

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vigables qui

territoire de

lats.

Fleuves na- § 338. Il peut arriver qu'un fleuve navigable traverse le territraversent le toire de plusieurs États, ou que, formant la frontière politique de plusieurs E- l'un, il traverse le territoire de l'autre avant de déboucher dans la mer. Dans ce cas il est généralement admis que le droit de naviguer et de commercer est commun à tous les riverains, sauf entente amiable entre eux, par voie de stipulations conventionnelles, pour l'exercice de ce même droit, qui peut suivant les circonstances affecter la sécurité du pays en possession des deux rives de l'embouchure *. § 339. La législation romaine avait déjà consacré le principe navigation des que le droit de naviguer implique celui d'amarrer et d'attacher les navires à la rive du fleuve ou des îles qu'il entoure; celui de charger ou décharger des marchandises; en un mot, tous les droits accessoires ou connexes à la navigation. La même règle est entrée dans le droit international moderne, lequel a soumis généralement aux mêmes principes l'exercice de ces droits, le tout au gré des convenances des États intéressés **.

Droits accessoires à la

fleuves.

Principe sur lequel se

de la libre na

fleuves.

§ 340. Nous avons déjà fait remarquer plus haut que le droit fonde le droit souverain des États sur les fleuves navigables placés sous leur dovigation des mination se concilie parfaitement avec le droit acquis aux autres nations de se servir de ces grands et puissants moyens de communication; nous ajouterons, en terminant, que cette faculté de libre transit ou de passage innocent assuré aux navires d'un Etat sur les fleuves appartenant à un autre, ne constitue qu'un droit imparfait, dont l'étendue et la réglementation rentrent essen

liv. I, tit. II, § 57; Rayneval, Inst., liv. II, ch. Ix; Wolff, Jus gent., §§ 106-109; Pufendorf, De jure, lib. IV, cap. vII, § 2; Stypmannus, Jus marit., cap. v, no 476-552; Gundling, Jus nat., p. 248; Polson, sect. 5, p. 30; Wildman, v. I, p. 76; Halleck, ch. vi, § 32; Bowyer, ch. xxvIII; Pinheiro Ferreira, Vattel, §§ 266-278; Vergé, Précis de Martens, t. I, pp. 136 et seq.; Pradier Fodéré, Vattel, t. I, pp. 560 et seq.; Holtzendorff, Völkerrecht, t. II, pp.302 suiv.

Wheaton, Elém., pte. 2. ch. IV, § 12; Grotius, Le droit, liv. Il, ch. 11, §§ 12-14; ch. 1, § 7; Vattel, Le droit, liv. II, ch. IX, §§ 125-130; ch. x, §§ 132-134; Pufendorf, De jure, lib. III, cap. 1, §§ 3-6; Phillimore, Com., vol. I, §§ 155, 156; Twiss, Peace, §§ 140 et seq.; Martens, Précis, § 39; Caratheodory, Du droit, pp. 35 et seq.; Wildman., v. I, p. 76; Halleck, ch. vi, § 26; Polson, sect. 5; Heffter, §77; Ortolan, Dom., § 144; Cussy,. Phases, liv. I. tit. 2, § 57; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. Iv; Bello. pte. 1, cap. III; Bowyer, ch. xxvIII; Jacobsen, Seerecht, p. 583; Pradier Fodéré, Grotius, t. I, pp. 417, 418, 437; Pradier Fodéré, Vattel, t. II, pp. 116 et seq.

Justinien, Inst., lib. II, tit. 1, §§ 1-5; Wheaton, Élém., pte 2, ch. IV, § 13; Grotius, Le droit, liv. II, ch. 11, § 15; Vattel, Le droit, liv. II, ch. IX, § 129; Pufendorf, De jure, lib. V, cap. 1, §8; Caratheodory, Du droit, p. 59; Phillimore, Com., vol. I, §§ 157-161; Bowyer, ch. xxviii; Halleck, ch. IV, § 27; Polson, sect. 5, p. 31.

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