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Changements dans fleuves.

tiellement dans le domaine des stipulations conventionnelles *. § 341. La plupart des grands fleuves, surtout au moment de la crue périodique de leurs eaux, subissent des changements dans la le cours des profondeur de leur chenal navigable et dans la forme de leurs rives; comme ils entraînent, dans la rapidité de leurs cours, des détritus végétaux, des terres et des vases, on voit leur fond s'exhausser sur certains points, s'abaisser sur d'autres; tantôt ils engloutissent des îles ou en font surgir de nouvelles à leur surface; tantôt ils abandonnent leur ancien lit pour se frayer un passage au milieu des terres, ou bien encore ils transportent subitement une portion de leur rive d'un bord à l'autre. Tous ces changements peuvent porter des atteintes plus ou moins sérieuses à la domanialité fluviale et soulever de délicates questions de propriété entre les riverains.

Pour résoudre ces questions, on se guide, en général, dans la pratique, d'après les principes du droit romain, qui se retrouvent dans la législation civile de la plupart des États européens, et l'on considère, par suite, les transformations ou les altérations que le régime naturel des eaux amène dans la configuration des terres, comme un moyen légitime d'acquérir le domaine et la possession. Nous devons toutefois placer ici deux observations fort importantes: c'est, en premier lieu, qu'en cette matière l'atteinte portée à la propriété privée n'entraîne pas toujours une restriction correspondante dans l'étendue du domaine souverain; ainsi, par exemple, lorsqu'un fleuve s'est ouvert un nouveau lit à travers les terres, ou lorsqu'un lac s'est frayé de nouveaux déversoirs pour se diviser en plusieurs branches, la frontière politique des États co-riverains n'en reste pas moins naturellement fixée au point où elle était précédemment établie; en second lieu, le titre d'appropriation dont nous venons de parler, ne doit s'entendre que de changements subits, amenés brusquement par une sorte de révolution de la nature; s'il s'agissait d'un de ces effets lents et graduels de l'érosion des eaux qui ont besoin de l'action du temps pour devenir sensibles à la vue et se traduire en accroissement ou en diminution réelle de territoire, il est clair que chaque État les subit ou en profite comme une conséquence forcée du droit de propriété **.

*

Wheaton, Elém., pte. 2, ch. iv, §§ 12, 15; Grotius, Le droit, liv. II, ch. 1, §§ 7, 12; Pufendorf, De jure, lib. III, cap. 1, §§ 5 et seq.; Phillimore, Com., vol. I, §§ 155, 169; Heffter, § 77; Cussy, Phases, liv. I, tit. 2, § 57; Caratheodory, Du droit, pp. 18 et seq.; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. IV; Twiss, Peace, ch. vII; Bowyer, ch. XXVIII; Wildman, vol. I, p. 76; Halleck, ch. vi, § 28; Kent, Com., vol. I, pp. 36, 37; Polson, sect. 5.

Grotius, Le droit, liv. II, ch. III, §§ 16, 17; Vattel, Le droit, liv. I,

Limites

du territoire.

§ 342. Chaque État a le droit de souveraineté jusqu'à sa frontière et le devoir de ne pas empiéter sur le territoire voisin. I importe donc aux États limitrophes de déterminer clairement les limites qui les séparent.

On distingue les limites internationales ou frontières d'un territoire ou d'un État en limites naturelles et en limites artificielles.

Ces dernières consistent, en général, dans des lignes purement conventionnelles, qu'on indique par des signes extérieurs placés à certaines distances, et qui sont ordinairement sur terre des bornes, des poteaux, des barrières, des fossés, des monceaux de terre, des murs, des édifices, des routes, des arbres ou des rochers marqués ; sur mer, des phares, des bouées flottantes arrêtées par des ancres, etc. Ces frontières reposent, tantôt sur une possession non contestée depuis longtemps, tantôt sur des traités formels.

Les limites naturelles sont, sur la mer, les lacs, les fleuves ou les rivières, les montagnes, les terrains incultes ou inoccupés.

Lorsqu'un fleuve ou une rivière coule entre deux États, si l'un des États riverains n'a pas un droit consacré à la propriété exclusive du cours d'eau tout entier, il est admis que la frontière passe par le milieu du lit du fleuve ou de la rivière, y compris les îles que traverse la ligne du milieu. Le thalweg (chemin d'aval), ligne idéale tirée sur le cours d'eau à égale distance des deux rives, est regardé comme le milieu.

Les frontières marquées par des cours d'eau sont sujettes à varier, lorsque le lit ou le thalweg du cours d'eau vient à changer. Mais lorsque le fleuve ou la rivière abandonne totalement son lit

ch. XXII, §§ 268, 277; Puffendorf, De jure, lib. IV, cap. v, § 8; cap. vii, §11; Wolff, Jus gent., §§ 108, 109; Massé, Droit comm., t. I, § 112; Heffter, § 69; Martens, Précis, §§ 39, 45; Klüber, Droit, §§ 134; Twiss, Peace, §§ 146, 147; Caratheodory, Du droit, pp. 62 et seq.; Ortolan, Dom., §§ 78-93; Justinien, Inst., lib. II, tit. 1, §§ 20-22; Heineccius, Recitationes, lib. II, tit. 1, §§ 256-369; Gunther, Völkerr., t. II, pp. 55, 57-64 ; Rayneval, Inst., liv. II, ch. XI, §§ 2 et seq.; Pothier, OEuvres, t. X, pp. 87 et seq.; Riquelme, t. I, lib. I, tit. 1, cap. iv, p. 83; Bello, pte. 1, cap. 1, §2; Bowyer, ch. xxvII, p. 367; Wildman, p. 76; Cushing, Opinions, vol. V, pp. 264, 412; Halleck, ch. vi, §§ 24, 25; Proudhon et Dumay, Dom. public, t. IV, ch. LVI. sect. 7; Garden, Traité, t. I, p. 390; Chardon, Droit d'alluvion; Decamps, Manuel des prop. riv.; Voet, Ad Pand., lib. XLI, tit. 1, § 14; Pestel, Commentaria, § 268; Giraud, Droit de prop., t. I, p. 109; Demangeat, Cours élém. de droit rom., t. I, pp. 451, 452; Vergé, Précis de Martens, t. I, p. 153; Pradier Fodéré, Grotius, t. I, p. 459; Pando, Derecho int., p. 99; Almeida, Derecho pub., t. I, p. 199; Alvarez, Inst., lib. II, t. I, § 6; Gomez, Elementos, lib. II, tit. 4, §3; Asso, Inst., p. 101; Hall, International inst., p. 104; Creasy, First Plalform, § 247 .

pour suivre une nouvelle direction, l'ancien lit continu de servir de ligne de démarcation, de sorte qu'il n'en résulte ni extension ni diminution du territoire respectif des riverains.

De quelque manière que soit possédé un cours d'eau navigable, la navigation y doit être libre pour les riverains. Chacun d'eux a le droit d'élever sur sa rive des ouvrages de défense, mais non de construire aucun établissement industriel, de procéder à aucuns travaux hydrauliques qui puissent rejeter le courant du côté opposé ou amener une altération du thalweg.

Les mêmes règles sont applicables aux lacs. Le milieu d'un lac sert également de ligne de démarcation entre deux États riverains, à moins qu'une autre limite n'ait été consacrée par l'usage ou par les traités. Les habitants des deux rives ont le droit de libre navigation. Le fleuve ou la rivière qui sort d'un lac ne peut être entravé à son issue par le propriétaire du territoire sur lequel finit le lac.

Lorsque deux États sout séparés par une chaîne de montagnes, on prend pour limite la plus haute arête et la ligne de partage des

eaux.

Nous avons déjà traité la question des frontières maritimes, c'està-dire de la mer formant la limite d'un État. Nous nous bornerons ici à dire, en résumé, que sur mer on peut tracer des frontières imaginaires d'après les degrés de longitude et de latitude, ou mesurer les distances, soit par des lieues maritimes, à partir d'une certaine île ou d'une certaine côte, soit par des portées de canon.

La délimitation des frontières des États repose sur les mêmes bases et sur les mêmes titres que la propriété du territoire national; souvent aussi elle est déterminée par des traités spéciaux, auxquels sont généralement annexées des cartes géographiques frontières *.

Klüber, p. 187; Bluntschli, p. 181; Heffter, p. 136; Martens, p. 132; M. Block, t. I, p. 1069; Funck Brentano et Sorel, Précis, pp. 17-20; Holtzendorff, Völkerrecht, t. II, pp. 409-427.

LIVRE VI

DROIT DE LA MER

SECTION I

Définition

du droit de la

mer.

La navigation mari

§ 343. L'ensemble des lois, des règlements et des usages observés pour la navigation, le commerce par mer, et dans les rapports soit de paix, soit d'hostilité des puissances maritimes entre elles, constitue le droit de la mer.

§ 344. La navigation maritime est celle qui a lieu sur mer elle time. se divise en navigation hauturière ou de long cours, qui se fait en pleine mer; et en navigation côtière ou de cabotage, qui se fait de cap en cap, c'est-à-dire le long des côtes, pour le transport des marchandises d'un port à un autre d'un même pays, sans toucher aucune terre étrangère, si ce n'est en cas de relâche forcée. Cependant ce terme se prend aujourd'hui dans une acception moins limitée; car plus généralement on entend par cabotage la navigation marchande d'un pays à un autre sans quitter la même mer.

Le commerce mari

D'après la loi française du 14 juin 1854 sont réputés voyages au long cours ceux qui se font au delà des limites ci-après déterminées : au sud le 30° degré de latitude sud; au nord le 72° degré de latitude nord; à l'ouest le 15 degré de longitude du méridien de Paris; à l'est le 44 degré du même méridien.

Les voyages compris dans ces limites ne constituent que des voyages de cabotage.

§ 345. Le commerce maritime est celui qui se fait sur mer, soit par time. des voyages au long cours dans des pays lointains ou d'une partie du

monde à l'autre ; soit par cabotage, d'un port de mer à l'autre dans un même État; généralement les privilèges de la navigation et du commerce de cabotage sont réservés aux seuls bâtiments commerciaux. § 346. Il n'y a pas à démontrer que les mers ne sauraient constituer un domaine privé; mais on peut se demander si elles sont susceptibles susceptibles de devenir la propriété d'une nation.

Pour résoudre cette question nous devons tout d'abord établir une distinction essentielle entre la propriété et l'empire des mers, termes trop souvent pris l'un pour l'autre, et dont la confusion a été une des causes des obscurités ou des erreurs qui ont si longtemps prévalu en cette matière.

Les arguments à l'aide desquels les anciens publicistes ont cherché à démontrer le principe de la liberté des mers et à prouver l'impossibilité de l'appropriation de l'Océan manquent en général de précision et ne satisfont pas entièrement l'esprit.

Certains auteurs ont cru trancher la question en disant que les mers, occupant des espaces immenses, ne peuvent pas plus que les choses infinies constituer le domaine propre et exclusif d'un seul État; d'autres ont cru resserrer leur raisonnement en soutenant que les Océans, par leur étendue même, excluent toute idée de délimitation nettement arrêtée et laissent dès lors à la portée de tous les peuples la jouissance de leurs avantages. Qui ne comprend à première vue que ce sont là de simples affirmations n'ayant pas même le mérite de l'exactitude, des arguments péchant par la base et se détruisant d'eux-mêmes?

En fait les mers ne sont pas infinies, puisque les côtes en marquent les contours; et s'il était vrai qu'on ne sait où elles s'arrêtent, la terre, perdant ses limites naturelles, échapperait, elle aussi, à toute notion de propriété.

Il n'est pas plus exact de prétendre que le domaine des eaux ne comporte ni limites ni frontières; car la science nautique, dans ses merveilleux progrès, fournit à l'homme, par les parallèles et les méridiens, des lignes et des points de repère tout aussi exacts, tout aussi précis que les mesures qui servent de démarcation sur la terre ferme. Enfin, au point de vue pratique, celui de la pêche, par exemple, l'argument tiré de la prétendue immensité des mers n'a qu'une valeur relative, et conduirait, contrairement à la pensée de ceux qui le mettent en avant, à soutenir que l'Océan est susceptible d'appropriation dans certains cas et qu'il ne l'est pas dans d'autres, qu'il peut à la fois constituer un domaine collectif ou national et une propriété individuelle.

Les mers ne sont pas

d'appropria tion.

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