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des poissons de toute espèce sur toutes les parties des côtes de Terre-Neuve où es pêcheurs britanniques le font, (mais pas de sécher où de saler ces poissons dans la même ile), et de même sur toutes les côtes, et dans toutes les baies et anses de tous les autres domaines de Sa Majesté en Amérique ; et les pêcheurs américains seront libres de sécher et de saler des poissons dans tous les havres, baies et anses de la Nouvelle-Écosse, de l'île Madeleine et du Labrador, tant qu'ils demeureront inhabités; mais dès que lesdits havres, baies, anses, seront habités, ou seulement l'un d'entre eux, il ne sera plus permis auxdits pêcheurs d'y sécher ou d'y saler des poissons sans l'assentiment préalable des habitants, propriétaires ou possesseurs du terrain. »>

Wharton passe ensuite à la situation créée par le conflit de 1812. Il part du principe que la guerre entre deux États souverains n'invalide point les dispositions des traités conclus auparavant entre ces États, pour autant que ces dispositions ont trait aux droits primordiaux des nations, tels que l'indépendance nationale, les frontières et autres attributs essentiels de la souveraineté. Dans ces attributs il fait rentrer les pêcheries. La guerre de 1812, à son opinion, n'a pas plus invalidé les droits des États-Unis à la co-jouissance des pêcheries du Nord-Est, qu'elle n'a invalidé leur indépendance ou les frontières qui séparent leurs territoires de ceux des possessions britanniques. Wharton cite à l'appui de ce dire, comme des précédents, les opinions d'un grand nombre de jurisconsultes éminents des États-Unis, ainsi que le fait suivant:

La Grande-Bretagne a toujours soutenu la validité des prétentions des colons anglais à l'usage des côtes et des eaux de Bélize, dans le but d'y couper et d'y embarquer des bois de campêche et de l'acajou, prétentions basées sur une concession fort ancienne de l'Espagne, alors qu'elle possédait ces parages et que n'a point invalidée la guerre entre la Grande-Bretagne et cette puissance. C'est ce qui appert, entre autres, d'un discours prononcé à la Chambre des communes par lord Hawkesbury, alors premier ministre d'Angleterre, discours dont Wharton cite le passage principal.

Durant les négociations qui aboutirent au traité de Gand, il fut souvent question des pêcheries de la côte Nord-Est de l'Atlantique, et les États-Unis maintinrent à cet égard toutes leurs prétentions. Mais, afin de ne pas retarder la conclusion de la paix par des incidents accessoires, on renvoya cette question à une Commission qui siégea à Londres en 1817 et en 1818, et dont furent membres, pour les États-Unis, MM. Gallatin et Rush, pour la Grande-Bre

tagne, MM. Goulbarn, sous-secrétaire d'État, et Robinson, trésorier de la Marine. Voici la traduction de l'article premier de la convention qui fut ratifiée par les deux parties:

« Des difficultés ayant surgi concernant la liberté, réclamée par les États-Unis pour leurs ressortissants, de prendre, sécher et saler des poissons dans certaines côtes, baies, havres et anses du domaine de S. M. Britannique en Amérique, il est stipulé entre les hautes parties contractantes: que les ressortissants desdits ÉtatsUnis auront à l'avenir, en communauté avec les sujets de S. M. Britannique, liberté de prendre des poissons de toute espèce dans les parties de la côte sud de Terre-Neuve, qui s'étend du cap Ray aux îles Rameau, sur les côtes ouest et nord de Terre-Neuve, dès ledit cap Ray aux îles Quirpon, sur les côtes des îles Madeleine, également sur les côtes et dans les baies, havres et anses dès Mont-Joly, sur la côte sud du Labrador, et dans le détroit de Belleisle, et à partir de ce point, indéfiniment au Nord le long de la côte, sans préjudice toutefois des droits exclusifs éventuels de la Compagnie de la baie d'Hudson. Et que les pêcheurs américains auront dorénavant liberté de sécher et de saler des poissons dans tous les havres, baies et anses non habités de la partie sud de la côte de Terre-Neuve, désignée ci-dessus, et de la côte du Labrador; mais dès que lesdits ou des parties desdits seront habités, il ne sera pas licite auxdits pêcheurs de sécher et de saler des poissons dans les parties habitées sans l'agrément préalable, dans ce but, des habitants, propriétaires ou possesseurs des terrains. Et les Etats-Unis renoncent par le présent article dorénavant à toute liberté accordée jusqu'ici à leurs habitants ou réclamée par eux, de prendre, de sécher ou de saler des poissons dans les limites de trois milles marins d'un quelconque des havres, côtes, baies, ou criques des domaines de S. M. Britannique en Amérique, non compris dans les limites susdites. Mais il est stipulé néanmoins que les pêcheurs américains pourront entrer dans ces havres ou baies, pour y chercher un refuge, pour réparer leurs avaries, pour faire du bois ou de l'eau, mais point dans d'autres buts. Mais cela aura lieu sans les restrictions nécessaires pour les empêcher d'y prendre, d'y sécher ou d'y saler des poissons ou d'abuser d'une façon quelconque des privilèges qui leur sont concédés. »>

Rien dans cet article ne permet d'inférer que la Grande-Bretagne ait conféré aux États-Unis le droit de pêche. Ceux-ci n'ont fait que renoncer à certains privilèges, ce qui implique, de la part de l'Angleterre, que ces privilèges existaient, et que les États-Unis ont

uniquement cédé une fraction de leur droit souverain. La GrandeBretagne n'a pas dit aux États-Unis : « Venez seulement pour chercher un abri ou faire de l'eau ou du bois », mais les États-Unis disent à la Grande-Bretagne : « Nous, les propriétaires en commun de ces pêcheries consentons à ne pas prendre de poissons et à ne pas les sécher ou les saler dans certaines limites, et à ne pas abuser d'ailleurs des privilèges qui nous sont concédés. »

La doctrine générale du droit international concernant les côtes est que la juridiction territoriale expire à trois milles de la plage. Cette doctrine est également en vigueur pour la côte nord-est de l'Atlantique, ainsi que les cabinets de Londres et de Washington l'ont reconnu par les traités de 1783 et de 1818.

§ 361. A propos de la baie de Fundy, il s'était élevé, en 1845, une discussion sur la question de savoir si les grandes baies (bays, terme synonyme en général du terme français de golfe) sont assimilables à la mer ouverte. Interprétant cette expression le 3 août 1852, dans un discours prononcé au Sénat de Washington, M. Cass démontra qu'il est nombre de golfes (bays) qui sont des mers ouvertes. Ainsi le golfe (bay) de Biscaye, la baie de Baffin, etc., et que les baies mentionnées dans les conventions citées plus haut, sont d'une autre catégorie, étant groupées avec les « havres et anses », et sont assimilables par conséquent non point à la baie de Fundy ou au golfe de Gascogne, mais à des sinuosités de la côte où les barques de pêche ont coutume de pénétrer. C'est, du reste, ce qui ressort des termes employés par les négociateurs, ainsi que de la loi du 12 mai 1836, promulguée dans la NouvelleÉcosse, loi qui reconnaît la convention, veille à son exécution et déclare que les havres (harbors) comprennent les baies, ports et anses. Rien ne saurait démontrer plus clairement la nature du refuge concédé aux pêcheurs américains.

Le droit de ces pêcheurs de pénétrer dans la baie de Fundy a du reste été reconnu par arbitrage, dans le cas du schooner Washington et le gouvernement de S. M. Britannique a confirmé cette décision.

§ 362. Quelles que soient du reste les restrictions imposées aux pêcheurs américains, par le traité de 1818, elles ne sauraient infirmer leur droit de faire relâche dans les ports où les chaloupes de pêche peuvent faire le commerce, s'ils sont munis des papiers nécessaires, et de s'y livrer au commerce. D'autre part, aucun règlement municipal britannique, relatif aux ports de relâche, ne peut affecter le droit des pêcheurs américains à entrer dans les ports, baies et

Baie de
Fundy.

Ports de relâche.

havres de la côte, pour y chercher un refuge, y faire du bois ou de l'eau, et généralement d'y jouir des privilèges qu'ils possèdent. Jamais loi municipale ne saurait prévaloir sur une convention internationale.

Les autorités canadiennes ayant néanmoins persisté à frustrer les pêcheurs américains de leurs droits acquis, le président Grant, dans son second message annuel de 1870, demanda au Congrès l'autorisation éventuelle de suspendre l'exercice de la loi qui autorise le transit des marchandises canadiennes à travers les ÉtatsUnis, et même, si une mesure aussi extrême devenait urgente, de suspendre toutes les lois qui autorisent les navires du Canada à fréquenter les eaux des États-Unis.

C'est à l'organe gouvernemental qui a conclu un traité qu'il faut s'en prendre des infractions de ce traité, et cet organe, c'est celui qui est chargé des relations extérieures. Dans les confédérations, ces fonctions reviennent de droit au pouvoir exécutif fédéral, agissant par l'entremise de son secrétaire des affaires étrangères. Les décisions de ce sccrétaire étant basées soit sur les traités, soit sur le droit des gens, ni statuts municipaux, ni lois fédérales ou particulières ne sauraient prévaloir contre elles. C'est ce que les États-Unis. ont admis à plusieurs reprises au sujet de leurs obligations internationales et des traités mis en vigueur par le Président et le Sénat, dans la limite de leurs compétences constitutionnelles.

La Grande-Bretagne a reconnu ce principe à l'égard des statuts canadiens et des concessions accordées par cette colonie. C'est ce qui ressort d'une dépêche adressée, le 17 février 1879, par M. Evarts, secrétaire d'État, à M. Welsh. Cette dépêche porte ce qui

suit :

« Ce gouvernement (le cabinet de Londres) estime que les droits. de pêche des États-Unis, concédés par le traité de Washington, doivent s'exercer absolument libres des restrictions et règlements des statuts de Terre-Neuve. »

La responsabilité pour toute infraction au droit de pèche des États-Unis, la Grande-Bretagne l'a du reste acceptée à propos des préjudices que subirent les pêcheurs des États-Unis dans la Fortune-Bay, en janvier 1878. Voici comment s'expriment à ce sujet les Messages du président Hayes:

« Il est encore quelques questions controversées avec la GrandeBretagne. Ces questions remontent aux lois locales des provinces maritimes et à l'action d'autorités provinciales, que nous jugeons déroger aux droits accordés par les traités aux pêcheurs américains.

Le ministre des États-Unis à Londres a été chargé de réclamer 105 305,02 dollars, en suite des dommages que des citoyens des États-Unis ont éprouvés dans la Fortune-Bay, le 6 janvier 1878. Cette réclamation a été prise en considération par le gouvernement britannique et l'on attend incessamment sa réponse (1). »

En 1881, le président Arthur annonçait au Congrès le règlement de cette question :

<«< Au commencement de la présente année, l'affaire de la Fortune-Bay a été réglée à notre satisfaction par le gouvernement britannique, celui-ci ayant payé une somme de 15,000 livres sterling que nous avons déjà répartie. Cette indemnité comprenant aussi, aux termes de l'accord intervenu, une compensation pour les dommages éprouvés par nos pêcheurs dans l'Aspee-Bay, il a été réservé, sur l'allocation totale, une somme jugée suffisante pour satisfaire à ces réclamations (2). >>

§ 363. En suite de l'acquisition du territoire d'Alaska, tous les droits réunis de la Russie et des États-Unis dans les parages nord-ouest du Pacifique, ont passé à cette dernière puissance. Ces droits, qui résultaient de la convention de 1824, entre la Russie et les ÉtatsUnis, ont été en vain contestés par la Grande-Bretagne (3).

des

§ 364. Une réclamation à propos de droit de pêche est encore pendante entre le gouvernement de la République Argentine et celui Etats-Unis. Les faits qui l'ont motivée remontent à plus de quarte années de date, à 1831.

cin

A cette époque, la République Argentine, comme héritière de l'Espagne, son ancienne métropole, occupait les îles Malouines, car ce n'est que deux ans plus tard que les Anglais s'en sont emparé. Dès l'année 1823, le gouvernement argentin avait nommé un commandant pour ces îles, et dans le cours de la même année, M. Louis Vernet, obtint une concession pour la pêche sur les côtes de l'île orientale des Malouines; puis, en 1829, il était nommé commandant politique et militaire des îles Malouines, investi de toute l'autorité et de toute la juridiction nécessaires pour exercer utilement ces fonctions. En prenant possession de son poste, le commandant Vernet s'empressa d'informer les capitaines de navires qui fréquentaient ces parages du caractère

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(1) Troisième Message annuel du président Hayes, 1879. (2) Premier Message annuel du président Arthur, 1881.

(3) Senate Ex. Doc. 50, 40° Congrès, 2° session; British and foreign State papers, 1874-75, vol. LXVI.

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