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« Il est généralement compris et admis que le droit de souveraineté qu'a une nation sur les plages et les eaux adjacentes, et qui embrasse le droit d'y réglementer les pêcheries, n'est nullement affaibli ni compromis par la permission accordée aux citoyens ou sujets d'une puissance étrangère de pêcher, de saler et de fumer le poisson sur des plages qui ne sont pas habitées par les citoyens ou sujets de cette nation; et c'est un fait parfaitement reconnu que cette exception s'appliquait en 1829-1831 à tout le continent de l'Amérique du Sud depuis le Rio Negro jusqu'à son point extrême, ainsi qu'aux îles adjacentes de la Terre de Feu et de Statenland, au sud des îles Falkland.

<< Dans le traité provisoire, comme dans le traité définitif de paix entre les États-Unis et l'Angleterre de 1782 et de 1783, il a été stipulé expressément que les pêcheurs américains auront la liberté de sécher, d'apprêter le poisson dans toutes les baies, les anses et les ports non peuplés de la Nouvelle Écosse, de l'île de Madeleine et du Labrador tant qu'ils resteraient inhabités. Cette stipulation a été renouvelée en substance dans la convention conclue par les mêmes puissances en 1818. Mais en aucun cas il n'a été créé un droit nouveau; les traités ne faisaient que confirmer le droit préexistant et reconnu, en lui donnant une forme précise.

« Le même principe a été reconnu par l'Angleterre et la Russie dans le traité signé à Saint-Pétersbourg les 16/28 février 1825; et c'est dans des termes analogues qu'avait été conclue les 5/17 avril de l'année précédente une convention entre les États-Unis et la Russie.

<<< Tout bien considéré, il n'est pas démontré que les États-Unis aient attenté aux justes droits du gouvernement de Buenos Aires, en faisant cesser, en 1831, les agressions irrégulières contre les personnes et les biens de leurs citoyens, ni qu'ils soient en aucun sens responsables de ce que l'Angleterre soit revenue prendre possession des îles Falkland en 1833... >>

Le ministre des États-Unis concluait en déclinant toute responsabilité à l'égard du gouvernement argentin et en rejeter la proposition d'arbitrage.

A la date du 6 mai 1886, le gouvernement de la République Argentine a fait répondre à M. Bayard, en mettant en relief les erreurs avancées par lui au sujet des droits de l'Espagne et subséquemment du gouvernement de Buenos Aires sur les îles Malouines, et notamment en ce qui concerne le droit que ces gouvernements avaient eu d'y interdire la pêche.

Depuis la déclaration de l'indépendance des États-Unis en 1776, dit la note, il n'a existé aux îles Malouines aucun établissement qui ne fùt espagnol et toujours soumis à la surintendance immédiate du gouvernement de Buenos Aires, et la coutume des citoyens américains de se livrer à la pêche dans ces caux n'a jamais été autorisée par des lois ou des conventions internationales; au contraire, la Cour de Madrid, à la fin du siècle dernier, avait publié divers ordres royaux ayant pour effet de préserver les côtes et les îles du Sud de tout contact avec les marines étrangères.

« Il suffira de rappeler la prohibition de la pèche des amphibies, édictée à l'article 4 du traité du 28 octobre 1790 signé par les souverains de l'Espagne et de l'Angleterre. Cet article est ainsi conçu :

«Sa Majesté Britannique s'oblige à employer les moyens les plus « efficaces pour que la navigation et la pêche par ses sujets dans « l'Océan Pacifique ou dans les mers du Sud ne servent pas de << prétexte à un commerce illicite avec les établissements espagnols, «<et dans cette vue il a en outre stipulé expressément que les sujets anglais ne navigueront ni ne pêcheront dans ces mers qu'à une << distance de dix lieues marines d'aucune partie des côtes oc«cupées par l'Espagne.

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<«< Dans cette prohibition étaient implicitement compris les pècheurs nord-américains, qui avaient toujours été les premiers à profiter de cette pêche.

<< La création du gouvernement militaire des Malouines, par décret du 10 juin 1829, et le décret du 28 octobre suivant, qui autorisait les mesures prises par le commandant Vernet, n'ont fait que maintenir la juridiction argentine et rétablir des dispositions anciennes, mises d'accord avec le droit public relativement au domaine absolu de ces eaux.

« Ces décrets ont reçu la publicité suffisante pour être connus des légations et des consulats étrangers, puisque, indépendamment de leur insertion dans les journaux, ils ont été, selon la coutume, publiés dans le Bulletin officiel. »

Le gouvernement argentin termine sa note en réitérant la position d'arbitrage.

pro

La solution sollicitée par le gouvernement argentin n'est que juste et équitable; c'est la seule qui nous paraisse propre à régler un différend de ce genre, dans lequel sont à la fois impliquées des questions de droit et des questions de simple fait matériel. C'est aussi la seule qu'il convienne aux États-Unis d'adopter; car en s'y

refusant ils manquent à la fois aux principes fondamentaux de leur propre existence, à la doctrine de Monroe, ainsi que l'ont si clairement fait ressortir les notes des ministres argentins, et aux conseils que le cabinet de Washington donne aux différents gouvernements du continent Américain en les convoquant à un Congrès, dans le programme duquel, entre autres sujets de discussion, figurent en première ligne « les mesures tendant à maintenir la paix et à accroître la prospérité des nations américaines, à réaliser leur union afin de pouvoir résister aux usurpations des puissances de l'Europe monarchique et de garantir l'intégrité et la situation territoriale actuelle de chacune d'elles contre des démembrements violents. » La dernière proposition consiste dans « la recommandation aux gouvernements respectifs d'adopter unanimement un plan définitif pour le jugement au moyen de l'arbitrage de tous les différends, de toutes les questions et contestations qui existent aujourd'hui ou qui pourront par la suite exister entre eux *. »

§ 365. L'usage général des nations permet aux États d'exercer leur juridiction sur la zone maritime jusqu'à trois milles marins ou à la portée de canon de leurs côtes.

Telle a été l'opinion des jurisconsultes anglais dans le cas du navire allemand la Franconia, qui, se trouvant à trois milles de la côte d'Angleterre, en se rendant dans un port étranger, heurta un navire anglais, qu'il fit couler et dont un passager fut noyé. D'après les faits, il y avait eu, suivant la jurisprudence anglaise, homicide sans préméditation : c'est sous cette accusation que le capitaine de la Franconia fut traduit devant la cour criminelle centrale de Londres ; mais il fut remis en liberté par suite du partage d'opinions des membres de la cour. Tandis que la minorité, six contre sept, soutenait que la mer jusqu'à la distance de trois milles des côtes d'Angleterre fait partie du territoire anglais; que les lois criminelles anglaises sont applicables jusqu'à cette limite, et que l'amiral avait autrefois et la cour criminelle a aujourd'hui juridiction pour poursuivre les délits commis dans cette limite, quoique à bord de navires étrangers, la majorité, se fondant sur ce que, antérieurement à l'acte 28, Henri VIII, C. 15, l'amiral n'avait pas juridiction pour poursuivre les délits commis par des étrangers à bord de navires étrangers soit en deçà, soit au delà de la limite de

Memoria de Relaciones Exteriores presentada al Congreso Nacional. 1885, pp. 126-143. Boletin mensual. Correspondencia diplomática de la Legacion Argentina en Washington, pp. 307-317; Memoria de Relaciones Exteriores presentada al Congreso Nacional en 1886.

Juridictio territoriale maritime.

Ports et rades.

trois milles des côtes d'Angleterre, et sur ce que les statuts postérieurs se sont bornés à transférer aux tribunaux de droit commun la juridiction que possédait autrefois l'amiral, décida qu'en l'absence d'acte statutaire la cour criminelle centrale n'avait pas autorité pour connaître du délit.

Comme on le voit, cette décision de la majorité n'infirmait pas l'opinion de la minorité quant au fond de la question, c'est-à-dire la juridiction territoriale maritime, dont elle reconnaissait, au contraire, implicitement l'étendue; elle se bornait à soulever une exception portant sur l'absence de loi réglant la matière et fondée notamment sur le caractère personnel de l'accusé.

La juridiction maritime d'un État embrasse en outre des eaux qui l'entourent, les ports, les baies, les golfes, les embouchures de fleuves et les mers enclavées dans son territoire.

Les questions qui peuvent surgir au sujet de l'étendue du droit de juridiction ayant une grande importance dans les relations internationales, nous les traiterons ici séparément, suivant le caractère qui distingue chacune d'elles *.

§ 366. Les ports et les rades appartiennent de plein droit à la nation qui possède les côtes sur lesquelles ils sont situés. Cette propriété, conséquence nécessaire de la position géographique des États, et qui ne lèse nullement le droit des autres nations au libre parcours des mers, est sanctionnée et reconnue comme incontestable par le droit international. La possession souveraine des ports et des rades donne à l'État qui en jouit le droit de les déclarer fer

*

Grotius, Le droit, liv. II, ch. III, §§ 10, 13; Vattel, Le droit, liv. I, ch. XXIII, §§ 288 et seq.; Wheaton, Elėm., pte. 2, ch. Iv, §6; Twiss, Peace, § 173; Phillimore, Com., pte. 3, ch. vIII; Cauchy, Le droit marit., t. I, pp. 38 et seq.; Bynkershoek, Quæst., lib. I, cap. vIII; Bynkershoek, De dominio, cap. II; Wolff, Jus gent., §§ 129-132; Pufendorf, Jus nat., lib. IV, cap. v, §7; Azuni, Système univ., t. I, ch. II, art. 3; Kent, Com., vol. I, pp. 28-30; Emerigon, Traité des assurances, ch. XII, § 19; Galiani, Dei doveri, lib. I, pte. 1, cap. x, § 1; Ortolan, Règles, t. I, liv. II, ch. vIII, pp. 139,140; Wildman, vol. I, p. 70; Martens, Précis, § 40; Heffter, §§ 75 et seq.; Klüber, Droit, §§ 128 et seq.; Valin, Com., liv. V, tit. 1; Hautefeuille, Des droits, tit. 1, ch. III, sect. 1; Hautefeuille, Hist., tit. 1, ch. IV, sect. 2, § 1; Halleck, ch. vi, § 13; Riquelme, lib. I, tit. 2, cap. v; Bello, pte. 1, cap. III, § 1; Rayneval, Inst., t. I, pp. 299 et seq.; Cussy, Phases, liv. I, tit. 2, § 40; Abreu, Sobre presas, pte. 1, cap. v, §§ 13, 16; Pistoye et Duverdy, Traité, tit. 2, ch. 1, sect. 1; Loccenius, De jure, lib. I, cap. IV, § 6; Bowyer, pp. 356-358; Polson, sect. 5, p. 29; Garden, Traité, t. I, pp. 398, 399; Vergé, Précis de Martens, t. I, pp. 142, 144; Pradier Fodéré, Grotius, t. I, pp. 444, 449, 450; Funck Brentano et Sorel, Précis, p. 375. Holtzendorff, Völkerrecht, t. II, pp. 460 et suiv.

més, ouverts ou francs, et d'y soumettre librement, sans avoir égard aux autres nations, les navires et les marchandises qui y arrivent du dehors à tels droits fiscaux ou à tels règlements intérieurs qu'il juge convenables à ses intérêts. Seulement, pour que ces mesures et ces prescriptions soient conformes aux principes du droit international, il faut qu'elles revêtent un caractère général, c'est-à-dire qu'elles soient appliquées à toutes les nations et ne constituent pas de ces privilèges qui renversent la loi de l'égalité des États. Le pays qui sans juste raison fermerait ses ports au commerce d'une nation en les laissant ouverts à celui d'une autre, manquerait à un de ses devoirs les plus essentiels et s'exposerait à des plaintes qui pourraient éventuellement aboutir à des mesures de rétorsion. En principe, un port ouvert au commerce est donc tacitement considéré comme accessible aux navires de toutes les nations, et, à moins de stipulations contraires dans les traités, la libre entrée accordée aux navires marchands s'étend aux bâtiments de guerre des États amis: c'est là, un point sur lequel tous les publicistes sont pleinement d'accord. Il y a cependant certaines circonstances spéciales qui autorisent un Etat à refuser l'admission dans ses rades et ses ports des navires de guerre d'un autre Etat. Ainsi, en 1825, une escadre française fut retenue pendant quelques heures à l'entrée du port de la Havane, parce que les autorités espagnoles redoutaient les conflits que pouvait faire naître la présence de forces navales étrangères si considérables. Les explications fournies par l'amiral qui la commandait ayant dissipé toute appréhension, l'escadre fut autorisée à mouiller dans l'intérieur du port où elle resta plusieurs jours.

L'admission des bâtiments de guerre dans certains ports ou dans certaines rades n'est pas seulement influencée par des considérations politiques ou des convenances internationales, variables selon les temps et les lieux; quelquefois aussi elle est subordonnée à des motifs d'ordre public et de sécurité. C'est ainsi, par exemple, que dans certaines places de commerce on ne laisse pénétrer les bâtiments de marine militaire qu'après qu'ils ont déposé en lieu sûr les poudres qu'ils ont à bord, et ils ne peuvent les rembarquer qu'au moment de leur départ.

Pour prévenir toute espèce de difficultés en ce qui concerne la marine militaire, plusieurs gouvernements ont réglé la question au moyen de clauses conventionnelles; ils ont stipulé notamment qu'ils ne recevront dans leurs ports qu'un nombre limité de navires de guerre étrangers, variant de trois à six au plus. C'est pour se conformer aux règles consacrées à cet égard dans l'ancien royaume des

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