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Golfes et baies.

Droits de navigation au détroits.

Deux Siciles que le vice-amiral français Hugon, en arrivant à Naples en 1842, dut partager son escadre, dont une partie mouilla en face de la ville, l'autre à l'extrémité de la baie et le reste à Castellamare. Il est à peine besoin de faire remarquer que les restrictions ou les précautions généralement adoptées dans les forteresses et les places fortes de l'intérieur d'un pays sont de droit commun et pleinement justifiées, quand on les étend aux étrangers, civils ou militaires, qui veulent pénétrer dans les ports et les arsenaux destinés à la construction, à l'armement ou à la réparation des navires de guerre *.

§ 367. Les golfes et les baies défendus soit naturellement par des îles, des bancs de sable ou des roches, soit par le feu croisé de canons placés à leurs deux ouvertures, se rattachent à la souveraineté territoriale contiguë. Ils sont, quant à la liberté d'accès et au droit juridictionnel, régis par les mêmes principes que ceux que nous venons d'établir pour les ports et les rades intérieurs **.

§ 368. On distingue deux sortes de détroits: ceux qui aboupassage des tissent à des mers fermées ou enclavées, c'est-à-dire dont la souveraineté absolue peut être revendiquée exclusivement par l'État dont elles baignent les côtes; et ceux qui servent de communication entre des mers libres. Les premiers, constituant un domaine propre et réservé, sont régis par les lois ou les règlements particuliers de chaque pays; les seconds, affectant nécessairement les intérêts des divers États dont ils sont destinés à faciliter l'accès, ne peuvent jamais devenir la propriété souveraine d'un seul et doivent rester absolument libres pour toutes les marines, comme les mers auxquelles ils conduisent.

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Ortolan, Règles, t. I, pp. 140-145; Wheaton, Élém., pte. 2, ch. 11, § 9, p. 119; Vattel, Le droit, liv. I, ch. XXIII, §§ 290, 291; Cussy, Phases, liv. I, tit. 2, § 40, pp. 96, 97; Azuni, Système, pte. 1, ch. II, art. 3; Rayneval, Inst., liv. II, ch. x, §§ 8, 10; Klüber, Droit, § 131; Riquelme, lib. I, tit. 2, sec. 1, cap. 1, pp. 204, 205; Loccenius, De jure, lib. I, cap. VIII, §§ 2-5; Valin, Com., liv. IV, tit. 1; Bowyer, pp. 356, 357; Polson, sect. 5, p. 29; Lawrence, Elém. by Wheaton, note 62; Hauterive et Cussy, Recueil, t. I, pte. 1; Traités entre la France et les Pays-Bas, du 27 avril 1662, art. 21; du 10 août 1678, art. 8; du 20 septembre 1697, art. 13; du 11 avril 1713, art. 12; du 12 décembre 1739, art. 10; Traités entre la France et la Russie, du 11 janvier 1787, art. 19; le Danemark et les Deux Siciles, du 6 avril 1748, art. 12; le Danemark et Gênes, du 30 juillet 1789, art. 3. Holtzendorff, Völkerrecht, t. II, p. 510.

**

Ortolan, Règles, t. I, liv. II, ch. vi, p. 145; Wheatou, Élém., pte. 2, ch. IV, § 10, p. 179; Vattel, Le droit, liv. I, ch. XXIII, § 291; Cussy, Phases, liv. I, tit. 2, § 40, p. 96; Azuni, Système, pte. 1, ch. II, art. 3; Hubner, De la saisie, t. I, ch. vi, § 10; Rayneval, Inst., liv. II, ch. x, § 8; Klüber, Droit, § 130; Riquelme, lib. I, tit. 2, sect. 1, cap. II; Massé, Droit com., t. I, p. 106.

Cette liberté d'accès et de transit admet toutefois les restrictions inhérentes au droit de conservation des États sur les côtes desquels sont situés les détroits; et lorsque la configuration des détroits oblige les navires qui les traversent à passer sous le feu des forts placés sur l'un ou l'autre bord, le souverain qui est maître de la côte a le droit incontestable d'en surveiller la navigation et de prendre, surtout en temps de guerre, les précautions que la prudence et le soin de sa sûreté peuvent rendre nécessaires. § 369. Il peut arriver aussi que la navigation d'un détroit soit tellement difficile et dangereuse qu'elle ne puisse se faire sans l'assistance d'hommes pratiques et expérimentés, et sans le secours de phares et de signaux convenables. Nul doute que dans ce cas l'État qui, dans l'intérêt même de la navigation, entretient les feux ou les stations de pilotes, n'ait le droit de se faire indemniser des dépenses qu'il supporte et d'imposer certaines charges fiscales aux marines qui en profitent.

Strictement renfermées dans ce qui constitue alors non un péage, mais la rétribution de services rendus, les taxes de ce genre n'ont rien que de légitime et de conforme aux vrais principes sur la matière. Mais il n'en a pas toujours été ainsi, comme nous allons le démontrer en analysant la pratique suivie dans quelques contrées pour l'application des droits perçus à l'entrée ou à la sortie des grandes voies maritimes *.

Détroits et mers encla

vées.

Les détroits

que.

§ 370. Le Danemark a, pendant plusieurs siècles, imposé des taxes de passage à tous les navires marchands qui traversaient les de la Baltidétroits du Sund et des Belts pour se rendre dans la Baltique ou pour en sortir. Ces droits, fixés et reconnus pour la première fois par un traité conclu en 1645 (1) entre le gouvernement danois et les États-Généraux des Provinces-Unies, furent ultérieurement sanctionnés par les autres nations maritimes, notamment par la France dans les traités de 1663 (2) et de 1742 (3).

* Ortolan, Règles, t. I, liv. II, ch. vIII, pp. 140, 147; Wheaton, Élém., pte. 2, ch. IV, § 10, p. 180; Vattel, Le droit, liv. I, ch. XXIII, §§ 291, 292; Grotius, Le droit, liv. II, ch. III, § 8; Twiss, Peace, § 174; Cauchy, t. I, pp. 41, 42; Massé, t. I, §§ 107, 108; Cussy, Phases, liv. I, tit. 2, $$ 39, 41; Phillimore, Com., vol. I, pte. 3, ch. vII; ch. vIII, §204; Azuni, Systeme, pte. 1, ch. 11, art. 2; Rayneval, Inst., liv. II, ch. x, §§ 7, 9; Klüber, Droit, § 131; Heffter, § 76; Bowyer, p. 359; Riquelme, lib. I, tit. 2, sect. 1, cap. II; Hautefeuille, Des droits, tit. I, ch. 11, sect. 2; Pistoye et Duverdy, Traité, tit. 2, ch. II; Garden, Traité, t. I, p. 399.

(1) State papers, 1812-1814, p. 393.

(2) Dumont, t. VII, pte. 2, p. 436.

(3) De Clercq, t. I, p. 46; Wenck, t. I, p.591; State papers, v.XXXV, p.1263.

entre les

le Danemark.

A l'origine leur perception pouvait sembler être le prix d'un service rendu; mais plus tard, en raison du développement général du commerce, le produit net des recettes devint hors de toute proportion avec les dépenses réellement faites par le trésor danois, de sorte que cette rémunération, assumant le caractère d'un véritable péage, d'une sorte de prime de souveraineté ou de droit régalien, souleva d'énergiques réclamations de la part des marines qui en supportaient la lourde charge.

Discussion § 371. Ce fut le gouvernement des États-Unis d'Amérique qui Etats-Unis et prit le plus fermement en main la destruction de l'abus que le Danemark perpétuait comme une tradition du régime féodal. En 1848, après avoir tenté vainement d'obtenir à l'amiable le libre passage du détroit du Sund, le cabinet de Washington notifia à la cour de Copenhague que les États-Unis ne se soumettraient pas plus longtemps aux péages de la Baltique. Le Danemark défendit son prétendu droit souverain en invoquant la prescription immémoriale, les traités conclus avec les diverses nations, enfin une pratique incontestée assez ancienne pour pouvoir être regardée comme consacrée par le droit public européen. Il reconnaissait toutefois que ce qui dans ces conditions constituait pour lui un droit sacré et sol nnellement garanti, pouvait difficilement, d'après les principes généraux du droit des gens moderne, servir de fondement à la création de péages semblables à ceux du Sund. Devant une pareille déclaration, qui n'était qu'une fin de non-recevoir sur la portée de laquelle on ne pouvait se tromper, M. Marcy, secrétaire d'État des États-Unis, ne se montra que plus ardent à combattre les prétentions du gouvernement danois, en leur opposant les principes supérieurs de l'égalité et de l'indépendance des nations. Il admit dans une certaine mesure que le Danemark réclamât une indemnité convenable pour les dépenses que lui occasionnaient la construction. et l'entretien des phares, des bouées et des balises qui marquent les détroits de la Baltique; mais il contesta absolument que les droits imposés de ce chef pussent le moins du monde, fussent-ils devenus. l'objet de stipulations conventionnelles, impliquer la légitimité intrinsèque d'un péage souverain. « Si, disait avec raison M. Marcy, nous reconnaissions de pareilles exactions à l'entrée de la Baltique, nous créerions le plus funeste précédent pour notre commerce; nous ne pourrions plus repousser les droits analogues que l'on serait tenté de nous faire subir dans les détroits de Gibraltar, de Messine et des Dardanelles, ou à l'entrée de ces grands fleuves navigables dont les affluents et les tributaires appartiennent à plu

sieurs nations souveraines et indépendantes les unes des autres. » Cette attitude énergique et persévérante des Etats-Unis, à laquelle d'autres puissances ne tardèrent pas à s'associer, finit par vaincre les résistances intéressées du Danemark et par procurer au commerce maritime du monde entier la suppression complète des péages de la Baltique.

Par le traité conclu à Copenhague le 14 mars 1857 (1) entre le Danemark d'une part, l'Autriche, la Belgique, la France, la GrandeBretagne, le Hanovre, le Mecklembourg-Schwerin, l'Oldenbourg, les Pays-Bas, la Prusse, la Russie, la Suède et la Norwège, les villes hanséatiques de Lubeck, de Brême et de Hambourg d'autre part, le gouvernement danois s'obligea à abolir tous droits de péage sur les navires se rendant par le Sund ou les deux Belts de la mer du Nord dans la Baltique ou vice versà, lesquels se borneraient à traverser les eaux danoises ou n'y séjourneraient que pour cause de force majeure, avaries, achat de vivres, réception d'ordres, etc. Depuis, certaines réserves temporaires stipulées dans ce traité concernant le pavillon des nations restées à l'écart des conférences internationales de Copenhague ont perdu toute valeur, les États maritimes d'Europe et d'Amérique dont le nom ne figure pas dans la convention de 1857, s'étant successivement ralliés au principe du rachat des péages. En compensation d'un dédommagement pécuniaire versé entre ses mains (91,434,675 francs), le Danemark dut prendre l'engagement de conserver et d'entretenir en bon état les phares, les feux, les bouées et les balises existants, de protéger tout particulièrement les intérêts généraux de la navigation, et de surveiller le service de pilotage, dont l'emploi est désormais facultatif pour les capitaines et les patrons de navires.

Traité du 14 mars 1857.

Traité entre le Danemark

Les États-Unis réglèrent séparément leur quote-part d'indemnité, fixée, par le traité qu'ils conclurent à cet effet avec le Dane- et les Etatsmark le 11 avril 1857 (2), à la somme de 717,829 rigsdalers (2,400,000 francs) *.

(1) De Clercq, t. VII, p. 259; Martens-Samwer, t. III, pte. 2, p. 345; Vega, t. III, p. 202, no 546: Lagemans, t. IV, p. 307.

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(2) Martens-Samwer, t. IV, pte. 1,

p. 210.

Ortolan, Régles, t. I, liv. II, ch. vIII, pp. 147-149; Wheaton, Elém., pte. 2, ch. IV, § 9; Wheaton, Hist.,t. I, pp. 205-213; Twiss, Peace, § 179; Cussy, Phases, liv. I, tit. 2, § 55; Azuni, Système, pte. 1, ch. 11, art. 2, § 4 et seq.; Schlegel, Staatsrecht, t. I, ch. vII, §§ 27-29; Halleck, ch. vi, § 19; Vattel, Le droit, liv. I, ch. XXIII, § 292; Phillimore, Com., vol. I, § 188; Schmauss, Corp. jur. publ., t. I, pp. 258, 536; Lawrence, Wheaton, note 110; Hauterive et Cussy, Recueil, t. I, pte. 1; Martens, Nouv. recueil, t. XVI, pte. 2, pp. 341, 345; Annual Register, 1885, p. 291.

Unis.

Bosphore et

nelles.

Détroits du § 372. Les navires de guerre étrangers ne peuvent sans audes Darda- torisation spéciale entrer dans le détroit des Dardanelles ni dans le Bosphore. Le gouvernement turc a de tout temps attaché la plus grande importance au maintien de cette exclusion des marines militaires, laquelle, reconnue déjà par le traité conclu en 1809 (1) entre la Grande-Bretagne et la Porte, a été confirmée et généralisée dans ses effets par la convention dite des Détroits signée à Londres le 13 juillet 1841 (2). On sait qu'à la suite de la guerre d'Orient le traité de Paris du 30 mars 1856 (3) a donné une nouvelle et dernière consécration au principe absolu de la fermeture des Détroits pour les bâtiments de guerre de toutes les nations *.

La mer Noire.

§ 373. Pour mieux prévenir le retour des complications qui avaient cansé en 1854 la guerre d'Orient, le Congrès réuni à Paris en 1856 pour rétablir la paix entre la Russie, la Turquie et les puissances alliées n'hésita pas à proclamer (4) que la mer Noire serait désormais, comme les Détroits, fermée à toutes les marines militaires, même à celles des deux États riverains; que la Russie et la Turquie n'y pourraient conserver ni établir d'arsenal maritime, et ne seraient autorisées à y entretenir qu'un nombre fixe et limité de navires armés pour la protection de leurs côtes contre le commerce de contrebande.

Cet ensemble de dispositions, surtout la dernière, qui a fait l'objet d'une convention séparée figurant comme annexe à la suite du traité de paix du 30 mars, a pris depuis lors le nom de neutralisation de la mer Noire.

L'accès de cette même mer est resté absolument libre et ouvert

(1) Martens, Nouv. recueil, t. I, p. 160; Herstlet, vol. II, p. 370; Elliot, vol. II, p. 207.

(2) De Clercq, t. IV, p. 598; Herstlet, v. VI, p. 836; Neumann, t. IV, p. 466.

(3) De Clercq, t. VII, p. 69; Neumann, t. IV, p. 286; Savoie, t. VIII, p. 395.

*

Ortolan, Règles, t. I, liv. II, ch. VIII, p. 150; app., annexe a; t. II, app. spécial, no 17. 1ro annexe; Wheaton, Élém., pte. 2, ch. iv, §§ 9, 10, pp. 172, 173, 180; Wheaton, Hist., t. II, pp. 260, 261; Twiss, Peace, § 180; Cussy, Phases, liv. I, tit. 2, § 56; Riquelme, lib. I, tit. 2, sect. 1, cap. II; Martens, Précis, § 156; Halleck, ch. vi, § 21; Heffter, § 76; Klüber, Droit, § 131 Lawrence, Elém., by Wheaton, notes 107, 108; Phillimore, Com., vol. III, app., p. 826; Pradier Fodéré, Vattel, t. I, p. 587; Funck Brentano et Sorel, Précis, p. 377.

(4) Traité de paix du 30 mars 1856, et conventions annexes de la même date. (De Clercq, t. VII, pp. 22 et seq.; Neumann, t. VI, pp. 274 et seq.; Savoie, t. VIII, pp. 380 et seq.)

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