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vaux n'auront pas été sans résultat pratique, car ils ont démontré que cette unanimité existe au moins sur le point capital de la question, le libre usage du canal de Suez pour tous en tout temps, et sa neutralisation absolue en temps de guerre. Ce fait acquis, il n'est pas douteux que l'accord ne s'établisse prochainement sur les autres points (1) *.

§ 380. Quant au canal de Panama, encore en voie de construction, on peut dire que la neutralité en est assurée d'avance: non seulement cette neutralité a été stipulée dans l'acte de concession signé par le gouvernement colombien, sur le territoire duquel est tracé le canal, mais encore les deux plus grandes puissances maritimes du monde se sont engagées à maintenir la sécurité et la neutralité du canal, avant même que les préparatifs eussent été faits pour le percer.

La jonction de l'Océan Atlantique et de l'Océan Pacifique, au moyen d'un canal, était projetée depuis longtemps. Trois tracés étaient à l'étude : l'un faisait passer le canal par l'isthme de Téhuantepec, au sud du Mexique; l'autre lui assignait la ligne qu'il suit actuellement, à travers l'isthme de Panama; le troisième proposait de lui faire traverser le Nicaragua, en utilisant le lac de San Juan. En prévision, plus particulièrement de l'adoption de ce dernier plan, l'Angleterre, qui exerçait alors son protectorat sur la côte des Mosquitos, entre le Honduras et le Nicaragua, et les Etats-Unis, se prévalant de la doctrine Monroe, conclurent le traité de Washington, du 19 avril 1850 (2), dit traité Clayton-Bulwer, par lequel l'une et l'autre puissances s'engageaient à « n'obtenir ni n'exercer jamais à son profit un droit exclusif de contrôle sur le canal maritime dont il s'agit, à n'élever ni occuper d'ouvrage fortifié commandant le canal ou situé dans le voisinage; » à « ne profiter d'un état de bonnes relations, ni n'user d'aucune alliance, amitié ou influence qui pourrait exister entre l'une ou l'autre des parties contractantes et l'un des Etats ou des gouvernements sur le territoire desquels le canal pourra passer, pour acquérir ou posséder directement ou indirectement, pour les citoyens ou les sujets de l'une d'elles, aucun droit ou avantage concernant le commerce ou la navigation dans le

(1) Nous apprenons que la question de la neutralisation du canal de Suez est en bonne voie d'arrangement, et ce résultat inespéré est principalement dû aux dispositions conciliantes de M. Flourens.

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Commission internationale chargée de réglementer le libre usage du Canal de Suez. Protocoles de la Commission. Procès-verbaux de la sous-commission, Paris, 1885; Sir Travers Twiss. Le Canal maritime de Suez et la Commission internationale de Paris. Extrait de la Revue de droit int., Bruxelles, 1885. (2) Hertslet, t. VIII, p. 969.

Canal

de Panama.

Le golfe

de Finlande.

canal, qui ne serait pas étendu dans les mêmes conditions aux citoyens ou aux sujets de l'autre partie. >>

A l'article 2 il était dit que, en cas de guerre entre l'Angleterre et les Etats-Unis, les navires des deux nations ne pourraient être capturés, ni bloqués, ni arrêtés pendant la traversée du canal; et la protection des deux parties contractantes était assurée au canal contre l'exercice de tout droit de belligérant de la part d'une tierce puissance.

Enfin, par l'article 8, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, «< ne désirant pas, en concluant ce traité, atteindre un but qui leur fùt particulier, mais voulant aussi poursuivre un but général, >> convenaient << d'étendre leur protection, par voie de traités, à toutes autres communications praticables par canal ou par chemin de fer à travers l'isthme qui relie l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud, et spécialement aux communications intérocéaniques, au cas où elles seraient praticables par canal ou par chemin de fer, qui étaient proposées en ce moment là par la voie de Téhuantépec ou de Panama. Toutefois, en accordant leur protection commune aux canaux ou aux chemins de fer dont il s'agit, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis déclaraient entendre que les constructeurs ou les propriétaires de ces chemins de fer ou de ces canaux ne leur imposeraient que les charges ou les conditions du trafic approuvées comme justes et équitables par les susdits gouvernements, et que les mêmes canaux et les mêmes chemins de fer, étant ouverts aux citoyens des Etats-Unis et aux sujets de la Grande-Bretagne à des conditions égales, le seraient aux mêmes conditions aux citoyens ou aux sujets de tout autre Etat, disposé à accorder la protection dans les mêmes termes que ceux auxquels s'engageaient la Grande-Bretagne et les États-Unis... >>

Il n'était pas question encore, il est vrai, d'ouvrir le canal projeté à toutes les nations, mais uniquement à celles qui accéderaient aux conditions posées par les États-Unis et l'Angleterre; mais un résultat important était acquis dès cette époque, savoir: l'application au canal entre l'Atlantique et le Pacifique, en quelque endroit qu'il fût creusé, à l'instar de celui entre la Méditerranée et de la mer Rouge, du double principe de la liberté de la navigation et de la neutralité, non seulement en temps de paix, mais aussi en temps de guerre. Quelle est la puissance qui aurait la moindre objection à la reconnaître et à l'accepter, dans son propre intérêt aussi bien que dans l'intérêt de tous ?

§ 381. Le golfe de Finlande a longtemps appartenu au roi de

Suède, dont les droits exclusifs de souveraineté ne furent jamais contestés. Le traité de cession de la Finlande à la Russie n'ayant pas fait de réserve à cet égard, certains publicistes se sont demandé si le golfe appartient encore à la Suède. Pour notre part, nous ne voyons aucun motif pour ne pas appliquer à cette question les règles générales du droit international moderne.

§ 382. Quant à l'archipel grec, le doute n'est plus possible, depuis que la reconnaissance de la Grèce comme royaume indépendant a mis fin aux prétentions de la Turquie à la souveraineté exclusive de ces mers, devenues ainsi entièrement ouvertes et libres *.

L'archipel de Grèce,

Surveillan

ce douanière

territoriales.

§ 383. La surveillance et le contrôle des douanes dans l'intérieur de la mer territoriale ou de la frontière maritime sont à peu dans les mers près partout régis par les mêmes principes, c'est-à-dire police des navires, visite et détention des barques ou des bateaux soupçonnés de se livrer à la contrebande, capture des articles prohibés et répression, par voie d'amende ou d'emprisonnement, des infractions aux règlements douaniers du pays. L'Angleterre possède, sur cette matière, une loi fort précise, celle du 28 août 1833, aux termes de laquelle tout navire marchand étranger qui est rencontré à une lieue de la côte et qui, le temps le permettant, ne se dirige pas vers le port de sa destination, est sommé de se retirer dans un délai de quarante-huit heures, et, en cas de désobéissance, devient passible de confiscation, si l'on trouve à son bord des marchandises de contrebande **.

Ortolan, Règles, t. I, liv. II, ch. vIII, § 152; Schmalz, Droit, liv. IV, ch. 1, p. 145; Martens, Précis, § 42; Heffter, §76; Martens, Nouv. recueil, t. I, p. 19; t. IV, p. 33.

Grotius, Le Droit, liv. II, ch. 1, §§ 10, 13; Vattel, Le Droit, liv. I, ch. XXIII, §§ 288, 289; Wheaton, Elém., pte 2, ch. IV, §§ 6, 7; Ortolan, Règles, t. I, liv. II, ch. vii, pp. 152-162; Bynkershoek, De dominio, cap. II; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. vIII; Hautefeuille, Des droits, tit. 1, ch. III, sect. 1; Valin, Com., liv. V, tit. 1; Cauchy, Le droit, t. I, pp. 38 et seq.; Wolff, Jus gent., §§ 128 et seq.; Martens, Précis, § 40; Twiss, Peace, §173; Philimore, Com., vol. I, pte. 3, ch. vIII; Bello, pte. 1, cap. III, § 1; Riquelme, lib. I, tit. 2, cap. 1; Klüber, Droit, § 130; Heffter, §§ 65 et seq.; Günther, Völkerr., t. II, pp. 38 et seq. ; Kent, Com., vol. I, sect. 2, p. 29; Bowyer, p. 357; Polson, sect. 5, p. 29; Wildmann, v. I, p. 70; Halleck, ch. vi, § 13; Cussy, Phases, liv. I. tit. 2, § 40; Rayneval, Inst., liv. II, ch. x, § 19; Pistoye et Duverdy, Traité, tit. 2, ch. 1, sect. 1; Wheaton, Hist., t. I, p. 203; Galiani, Dei doveri, lib. I; Loccenius, De jure mar., lib. V, cap. IV, §6; Emerigon, Traité, ch. XII, § 19; Hubner, t. I, pte. 1, ch. 1, § 5; Pleffel, Principes, liv. III, ch. IV, § 15; Pestel, Selecta, § 9; Bodinus, De republica, tit. 1, cap. x, p. 170; Abreu, Sobre prese pte. 1, cap. v, §§ 13, 16; Garden, Traité, pte. 4, liv. IV, ch. 11; Pinh Ferreira, Précis de Martens, § 40; Vergé, Martens, t. I, pp. 142-144;

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La liberté des mers.

« Il n'est pas contraire au droit des gens ni à celui de la nature, dit Grotius, que ceux qui prennent la charge ou le devoir d'assurer et d'aider la navigation, soit en élevant et en entretenant des phares, soit en plaçant des balises pour indiquer les récifs ou les hauts fonds, imposent une taxe raisonnable aux navires qui naviguent dans ces parages (1). »

Martens et Azuni voient même là un droit qu'ont les puissances riveraines de la mer, les contributions ainsi imposées aux navires qui naviguent dans les limites de leur juridiction maritime étant destinées à défrayer les dépenses qui sont nécessaires pour la sûreté et la commodité de la navigation (2).

Tout navire qui jette l'ancre dans les eaux juridictionnelles d'un Etat doit donc se soumettre à la juridiction de cet Etat, par rapport à tous les droits raisonnables imposés pour le maintien de la sûreté générale de la navigation le long de ses côtes. Mais si le navire ne fait que passer le long des côtes sans jeter l'ancre à la distance d'une lieue marine, ou sans entrer dans un port ou une rade, il n'est pas assujetti au paiement de droits ter

ritoriaux.

§ 384. Au fond, il faut bien le reconnaître, toutes les questions que nous avons discutées plus haut se rattachent directement ou aboutissent forcément à un seul et même principe fondamental, celui de la liberté des mers. Si l'on considère les eaux qui entourent le globe comme le patrimoine commun des peuples, et si l'on tient un juste compte du développement historique des nations. ainsi que des progrès de la civilisation, on arrive naturellement et par degrés à ce que nous avons déjà caractérisé comme le droit public externe des temps modernes. Lorsqu'au contraire on repousse le principe absolu de la liberté des mers, à l'aide de raisonnements plus spécieux que justes, on arrive à des conséquences pratiques que la froide raison et l'équité ne sauraient admettre, on perpétue les causes de conflits, on jette une perturbation profonde et dangereuse dans les relations maritimes des États. A tous ces points de vue, on comprend l'importance de la question du libre parcours des

wrence, Elém., by Wheaton, note 103; Pradier Fodéré, Grotius, t. I, pp. 444, 447, 449, 450; Pradier Fodéré, Vattel, t. I, pp. 578, 579; Bluntschli, Droit intern. codif., § 302. Hall. international law. p. 125; A. Desjardins, Droit com. maritime, t. I §§, 4-5.

(1) Grotius, liv. II, ch. 1, § 14.

(2) Azuni. Droit maritime de l'Europe, liv. IV, ch. iv, § 153.

mers et l'attention toute particulière que lui ont vouéc la plupart des publicistes*.

Quoi qu'il en soit, la navigation et le commerce maritimes ont créé des relations entre les diverses nations, des obligations et des devoirs mutuels d'un caractère particulier, qui ont fait naître, selon les circonstances, les lieux et les besoins spéciaux, soit un consentement unanime, soit des usages et des coutumes isolés, soit des règlements ou des traités séparés.

SECTION II

ACTES DE NAVIGATION

§ 385. De ce que la mer est libre, c'est-à-dire de ce que tous les peuples ont un droit égal à en faire usage, il s'ensuit naturellement que cet usage, en raison même de son caractère de communauté, doit être réglé par des lois ou des principes généralement admis, de manière à garantir à chaque nation l'exercice de son droit et à prévenir ou à réprimer les atteintes qui pourraient y être portées. Une condition essentielle de la sécurité de la navigation maritime est donc que les navires relèvent d'une nation qui présente pour eux des garanties nécessaires aux autres nations et protège sa marine dans le cas où les principes du droit des gens seraient violés à son égard.

Wheaton, Elém., pte. 2, ch. IV, §§ 9, 10; Vattel, Le droit, liv. I, ch. XXIII, §§ 279-286, 289; Grotius, Le droit, liv. II, ch. III, §§ 8, 13; Wolff, Jus gent., § 127; Bynkershoek, De dom., cap. VII; Cauchy, t. II, pp. 92 et seq.; Twiss, Peace, § 163; Martens, Précis, §§ 42, 43; Klüber, Droit, § 132; Heffter, $75; Günther, Völkerr., t. II, p. 46; Ortolan, Règles, t. I, pp.120-127; Rayneval, Inst., liv. II, ch. x; Azuni, Système, pte. 1, ch. 1, art. 3; Bello, pte. 1, cap. 11, § 4; Riquelme, lib. 1, tit. 2, sect. 1; Selden, Mare clausum, passim; Bowyer, ch. xxvIII; Wildman, v. I, p. 71; Polson, sect. 5; Halleck, ch. vi, §§ 18, 20; Hautefeuille, Des droits, pte. 1, ch. III, sect. 2; Cussy, Phases, liv. I, tit. 2, §§ 39, 41, 43; Pistoye et Duverdy; Traité, tit. 2, ch. 1, sect. 1; Pufendorf, De jure, lib. VI, cap. v, § 7; Styman, De jure mar., lib. I, cap. Iv; Eischbach, Int., p. 70; Laferrière, Cours, t. I, p. 302; Dana, Elem., by Wheaton, note 113; Vergé, Précis de Martens, t. I, pp. 147, 150; Pradier Fodéré, Vattel, t. I, pp. 572, 573, 582, 583; Funck Brentano et Sorel, Précis, p. 373; Dudley-Field, Projet de Code, p. 24. Holtzendorff, Völkerrecht, t. II, pp. 483 et suiv.

Nationalité des navires.

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