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Classification des navires.

Caractère des vaisseaux

de guerre.

§ 386. On distingue les navires en navires marchands ou de commerce et en navires de guerre.

Entre ces deux classes de navires, il existe une différence essentielle, qui rend inégaux leurs droits et leurs immunités dans les relations internationales.

Les navires marchands, équipés par des particuliers pour des intérêts commerciaux et personnels, sont placés sous la juridiction de la nation à laquelle ils appartiennent; mais aucune personne de leur bord ne représente le gouvernement de cette nation.

Les navires de guerre, au contraire, étant armés par l'Etat luimême et pour sa défense, en sont les représentants à l'étranger; leurs commandants, leurs officiers et leurs équipages sont de véritables fonctionnaires de ce même Etat, des délégués ou des agents d'une force publique étrangère; il s'ensuit naturellement que les navires de guerre, comme propriété d'un gouvernement, ont droit à l'indépendance et au respect dù au pouvoir souverain dont ils sont les représentants armés.

§ 387. En principe, ce qui constitue le bâtiment de guerre, ce n'est pas la force de l'armement, le nombre des canons, mais bien le fait de la possession par l'Etat et du commandement par des officiers appartenant à l'armée de mer. C'est pourquoi l'usage et les convenances mutuelles ont fait comprendre dans la catégorie des bâtiments de guerre les navires marchands affrétés spécialement et en entier pour le transport de troupes, de vivres, de rechanges ou d'autres objets appartenant au gouvernement, et commandés par des officiers de la marine militaire.

A la vérité, ces navires ne sont pas, dans la stricte acception du mot, des bâtiments de guerre, puisqu'ils n'appartiennent point à l'Etat et ne sont pas propres au combat; mais tant qu'ils sont exclusivement et intégralement employés au service de la marine militaire, tant qu'ils ne se livrent à aucune opération commerciale, ils sont assimilés aux bâtiments de l'Etat et autorisés comme tels à arborer le pavillon et la flamme de guerre.

L'emploi de ces sortes de bâtiments mixtes, si fréquent autrefois en Angleterre, tend d'ailleurs à se restreindre de plus en plus, les grandes puissances maritimes ayant fini par trouver plus avantageux, plus sûr et en même temps plus économique, d'adjoindre à leur flotte de guerre des bâtiments, construits et armés ad hoc, pour le transport des troupes et des armements militaires.

Tout navire a une nationalité; et aucun n'appartient à deux nations en même temps; toutefois une nation a la faculté de conférer

à des navires d'autres nations, se trouvant dans son territoire, tout ou partie des privilèges dont jouissent les navires nationaux.

Nécessité de la natio

vires.

§ 388. I importe non seulement à l'intérêt général de tous les peuples, mais encore à l'intérêt particulier du navire même, que nalité des nacelui-ci appartienne à une nationalité personnelle et clairement. définie; un navire sans caractère national n'offrirait aucune garantie pour le respect du droit des gens qui régit la communauté d'usage de la mer reconnue à tous les peuples, et il ne pourrait en même temps invoquer légitimement aucune protection.

Avantages attachés à la

§ 389. Certains avantages, monopoles, exemption ou diminution de droits de douane accordée à la marine locale et non à la marine nationalité. étrangère, sont d'ailleurs inhérents ou subordonnés à la preuve de la nationalité des navires. Parmi ces avantages figurent assez généralement le cabotage ou le transport de marchandises d'un port à un autre du même Etat, le transport de tel ou tel produit particulier, enfin l'intercourse colonial *.

§ 390. Pour apprécier la nationalité des navires il faut tenir compte :

1° Des conditions auxquelles elle est soumise;
2o Des preuves que les navires doivent en donner.

Navires marchands; conditions de leur nationalité. Distinction entre

les navires de

guerre et les

chands.

Sous ce double rapport, il y a lieu de distinguer entre les bâti- navires mar. ments de l'Etat ou navires de guerre et les bâtiments appartenant aux particuliers ou navires marchands: les premiers sont regardés comme une portion des forces militaires de la nation dont ils arborent le pavillon, et ils ont des droits et des devoirs exceptionnels, tandis que les seconds sont assimilés à de simples particuliers et, comme tels, soumis aux lois qui règlent à l'étranger les relations des personnes privées.

Pour reconnaître à des navires armés, fretés et équipés par des particuliers, le caractère national et les faire jouir des avantages qui en découlent soit dans le pays même, soit en dehors, les Etats exigent certaines conditions qui pèsent à la fois sur le navire, sur les personnes auxquelles il appartient et sur celles qui le

montent.

En ce qui concerne le navire, l'Etat, pour le considérer comme national, peut exiger qu'il ait été construit dans le pays même, ou qu'il ait été acheté, acquis d'une façon quelconque par des nationaux.

Ortolan, Règles, t. I, pp. 163 et seq.; Pinheiro Ferreira, Cours, t. I, pp. 128 et seq.; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 1, § 22; Dudley Field; Projet de Code, §§ 273-274.

Conditions de nationalité

vers pays.

Quant aux personnes, l'Etat peut reconnaître comme national le navire dont la totalité ou seulement une partie des propriétaires, des officiers et de l'équipage sont des nationaux.

Le plus ou le moins de rigueur que les divers gouvernements observent par rapport aux conditions de la nationalité dépend de l'état de développement de leur marine, de leurs ressources en matériel ou en personnel. Ainsi l'on conçoit qu'un pays qui ne sait pas construire, qui n'a pas de matelots en nombre suffisant, qui ne possède pas de bons officiers, accueille les bâtiments, les capitaines, les officiers et les équipages étrangers bien plus facilement et dans une plus large proportion que l'Etat qui a intérêt à stimuler l'activité de son industrie et l'aptitude de ses nationaux, en laissant peu de place à l'intervention des étrangers dans la construction et l'armement de sa marine *.

§ 391. Chaque Etat est libre de fixer les conditions auxquelles dans les di- il confère sa nationalité aux navires, leur donne le droit de porter son pavillon et leur accorde sa protection; aussi les dispositions fondamentales concernant la nationalité des navires présententelles, suivant les pays, de nombreuses et frappantes différences. D'une manière générale on peut toutefois réduire à quatre les points principaux sur lesquels elles portent, savoir: 1° la construction ou l'origine du navire; 2° le propriétaire; 3° le capitaine et les officiers qui le commandent; et 4° l'équipage qui le monte. Il faut en outre tenir compte de la nationalité du propriétaire de la cargaison, indépendamment de la destination des marchandises pour un port ennemi ou neutre.

Actes de navigation.

des différents

pays.

Angleterre.

§ 392. Dans plusieurs pays, la nationalité des navires est réglementée par une loi générale, appelée acte de navigation, par des règlements spéciaux, par des articles contenus dans les codes de commerce maritime, ou encore par des stipulations conventionnelles**.

Législation § 393. En Angleterre, l'acte de navigation, dont la première promulgation remonte à l'année 1651, a servi de base à la législaEurope: tion maritime jusqu'au 10 janvier 1850; amendé à cette époque par l'acte dit de réforme, il a été définitivement remplacé le 10 août 1854 par les Merchant shipping act, dans lequel sont condensés tous les actes antérieurs, et qui doit par conséquent être

Ortolan, Règles, t. I, pp. 166, 178 et seq.; Dudley Field, Projet de Code, § 274.

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considéré comme un code complet des lois régissant aujourd'hui la marine marchande anglaise.

La construction en Angleterre n'est plus une condition de rigueur pour la nationalité du navire.

Pour être propriétaire ou consignataire d'un navire anglais, il faut soit être Anglais de naissance ou par naturalisation, soit avoir obtenu une autorisation spéciale et prêté serment d'allégeance à la couronne. L'acquéreur d'un navire est tenu à une déclaration analogue à celle qui est exigée du propriétaire primitif.

Des peines sont édictées contre quiconque arbore le pavillon anglais sur un navire qui n'est pas en totalité propriété anglaise.

Le capitaine et l'équipage peuvent indifféremment être Anglais ou étrangers.

§ 394. La nationalité des navires en Autriche est régie principa- Autriche. lement par un acte qui date de l'année 1823.

Le bâtiment peut indifféremment avoir été construit en Autriche

ou à l'étranger; mais il doit appartenir en totalité à un ou à plusieurs sujets du pays, et le capitaine ainsi que les deux tiers de l'équipage doivent être Autrichiens.

§ 395. Les conditions de la nationalité en ce qui regarde les Belgique. navires marchands sont réglées en Belgique par la loi néerlandaise du 14 mars 1819, modifiée par la loi belge du 19 juin 1856 et par un arrêté royal du 26 mars 1862. Les navires de toute espèce peuvent être nationalisés belges, pourvu qu'ils soient reconnus de bonne qualité et propres à la navigation maritime, en quelque endroit qu'ils aient été construits et quelle que soit la nationalité du capitaine ou de l'équipage; mais il faut que la propriété en appartienne à des sujets belges; un étranger non résidant en Belgique peut toutefois être intéressé dans la propriété jusqu'à concurrence des trois huitièmes de sa valeur.

§ 396. En Danemark, la nationalité des bâtiments marchands est soumise à des règles qui datent de la fin du siècle dernier et ont éprouvé, dans le cours de celui-ci, diverses modifications. Sur plusieurs points elle est régie par l'usage beaucoup plus que par des lois, tombées pour la plupart en désuétude.

Un bâtiment construit à l'étranger peut devenir danois après acquittement d'un droit de naturalisation variant de 12 à 60 francs suivant le tonnage; mais pour avoir le droit d'arborer le pavillon national, tout navire doit appartenir à un armateur danois responsable envers l'autorité; toutefois, excepté pour les navires destinés au commerce avec l'Islande et à la pêche dans les parages

Danemark.

Espagne.

France.

de cette île, la loi n'exige pas que la propriété soit danoise en totalité.

Quant au capitaine, aux officiers et aux matelots, ils doivent être immatriculés dans les bureaux du quartier maritime dont ils dépendent et prêter serment de fidélité au roi ; les étrangers ayant rempli ces formalités peuvent servir à bord des bâtiments danois, y exercer même les fonctions de capitaine ou d'officier, mais à la condition d'avoir été reçus bourgeois dans une ville du royaume; toute latitude est laissée au capitaine pour engager, en cas de besoin, dans un port étranger des marins non danois.

§ 397. Le décret-loi du 22 novembre 1868 a supprimé la plupart des entraves qui ont pendant si longtemps gêné l'essor de la marine marchande en Espagne. Aujourd'hui, la nationalité n'y est plus exclusivement réservée aux navires sortis des chantiers de la Péninsule; elle peut également être acquise aux bâtiments de construction étrangère possédés par des Espagnols et pour lesquels on a soldé des droits d'importation prévus au tarif des douanes.

D'un autre côté, les propriétaires peuvent désormais vendre, hypothéquer, radouber, agrandir et transformer leurs navires au dehors sans restriction d'aucune sorte; on leur laisse enfin une entière liberté pour régler au gré de leurs convenances la force numérique des équipages; les consuls espagnols sont même autorisés à permettre l'embarquement de matelots étrangers à défaut de nationaux.

En résumé, la nationalité est acquise dans la Péninsule à tout navire marchand, sans distinction d'origine, dont la propriété appartient en totalité à des citoyens espagnols et dont le capitaine est immatriculé en Espagne.

§ 398. A l'exemple de la plupart des autres nations, la France a, pendant de longues années, placé sa marine marchande sous un régime de privilèges et de protection destiné à écarter la concurrence des pavillons étrangers. Ce régime, consacré par la loi du 21 septembre 1793 qui a reçu le nom d'acte de navigation, réservait le bénéfice de la nationalité aux seuls navires construits en France ou dans ses colonies et possédés exclusivement par des citoyens français. Sous l'empire des circonstances politiques et des nécessités de la guerre ou des développements mêmes du commerce maritime, divers actes législatifs ou administratifs ont graduellement adouci ce régime d'exclusion, abaissé les surtaxes douanières, et autorisé la francisation des navires étrangers capturés sur l'ennemi,

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