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1844.

Cas d'un

dans le port

ou la poursuite de délits ou de rixes dans lesquels se trouvaient engagées des personnes étrangères à l'équipage d'un navire, ainsi que cela avait eu lieu dans l'affaire du pilote V... »

Le second du navire en question fut donc déféré aux tribunaux français et condamné le 24 juillet 1856 à un emprisonnement correctionnel.

§ 464. Le tribunal correctionnel du chef-lieu des Bouchesnavire anglais du-Rhône avait également condamné en 1844 le capitaine d'un de Marseille. navire anglais mouillé dans le port de Marseille, qui, à propos d'une discussion sur la place que son navire devait occuper le long des quais, s'était porté à des voies de fait contre le capitaine d'un navire français, dont il avait arraché et lacéré le pavillon.

1856. Cas de

§ 465. Voici une application de la convention franco-américaine l'Atalanta. dans un sens contraire, mais aussi dans des circonstances diffé

rentes :

En 1856, des matelots, s'étant révoltés en mer à bord du navire américain Atalanta, furent amenés dans ce même navire à Marseille, où, sur la demande du consul des États-Unis, ils furent emprisonnés par les autorités locales. Quelques jours après, six d'entre eux furent, sur les instances du consul, retirés de prison et transportés à bord de l'Atalanta pour être conduits aux États-Unis sous la prévention de crime; mais, sans aucun avis du consul, les autorités locales, s'étant rendues sur l'Atalanta, reprirent de force les prisonniers et les incarcérèrent de nouveau.

Dans une note du 27 juin 1856, M. Mason, ministre des ÉtatsUnis à Paris, protesta contre ce mode de procéder: « C'est, disait-il, le premier exemple qui, depuis la date du traité, se soit présenté de la visite par des officiers de police et sans l'autorité du consul d'un navire portant le pavillon des États-Unis et se trouvant dans un port français, ou d'un navire français dans un port des États-Unis. » Il exprimait l'opinion que l'autorité locale de Marseille avait excédé ses pouvoirs légaux au fond aussi bien qu'en la forme, aucun conflit ne pouvant exister entre la France et d'autres puissances au sujet de la nationalité des prisonniers, attendu qu'ils étaient toujours sous la garde des États-Unis, sinon de fait, du moins de droit.

Cette opinion fut partagée par l'attorney général des États-Unis. Celui-ci était d'accord du reste avec le ministre de la justice de France sur ce point: que la convention consulaire n'avait pas pour objet de conférer au consul de l'une ou de l'autre nation la juridic

tion relativement aux crimes commis dans les ports de l'autre ; et il n'accordait par l'exterritorialité pour les navires marchands dans les eaux territoriales.

La question consistait donc à établir si, lorsqu'un crime a été commis en pleine mer à bord d'un navire américain (cas où il rentre évidemment sous la compétence exclusive des États-Unis) et que ce navire est contraint par le contrat de destination, ou par l'inclémence du temps, ou par le crime lui-même, de toucher à un port français, le criminel peut être dans ce cas enlevé forcément du navire par les autorités locales ou par l'ordre du gouvernement. Or dans le cas de l'Atalanta il n'avait pas été prouvé nettement à quelle nationalité les prisonniers appartenaient; toutefois les discussions qui avaient été engagées de part et d'autre, avaient démontré qu'ils n'étaient citoyens ni de la France ni des ÉtatsUnis.

Droit conventionnel sur

§ 466. Lorsque l'équipage d'un navire a commis un délit à terre ou dans les eaux faisant partie du territoire d'un autre État et la matière. qu'il est poursuivi par la justice de cet État, les poursuites peuvent être continuées contre ce navire en dehors des eaux qui font partie du territoire et jusque dans la mer libre; mais lorsque le navire a échappé aux poursuites, il ne peut plus être attaqué en pleine mer par les navires de l'État lésé.

Les conflits de juridiction en cette matière tendent du reste à devenir de plus en plus rares, par la raison que les principales puissances maritimes ont pris soin de régler conventionnellement les droits ou les immunités dont elles entendent respectivement faire jouir les bâtiments de leur marine marchande. La forme et la portée des stipulations à cet égard varient sans doute beaucoup; mais l'esprit en est le même; elles consacrent généralement la distinction que nous avons établie entre les faits accomplis par les hommes de l'équipage entre eux à leur bord et les faits qui ont des conséquences extérieures ou qui concernent des étrangers.

Les engagements internationaux sur cette matière font partie tantôt des traités de commerce et de navigation, tantôt des conventions dites consulaires. Les plus remarquables, tant pour l'esprit de haute justice dont ils sont empreints que pour leur parfaite conformité avec les principes du droit des gens universel, sont sans contredit ceux que la France a introduits dans son droit international depuis 1830, mais qu'elle pratiquait déjà spontanément sous le premier Empire.

Infraction

an droit des

gens ou

§ 467. Pour que les principes que nous venons de résumer puisa sent recevoir leur application, pour que le navire marchand soit d'un fondé à réclamer au besoin la protection des autorités territoriales,

droit public

interne Etat.

1832.

Cas du Char

Franee.

il faut nécessairement que le pavillon appartienne à une nation amie et que le bâtiment ne soit pas engagé dans des opérations hostiles, prohibées par le droit des gens ou de nature à porter atteinte à la tranquillité et à la sécurité du pays dans les eaux duquel il se trouve. Quand il en est autrement, lorsqu'on porte atteinte à sa souveraineté, à son droit public interne, le devoir de légitime défense autorise pleinement l'État attaqué ou offensé à prendre toutes les mesures qu'il juge nécessaires pour venger l'offense reçue ou pour écarter le danger dont il est menacé.

§ 468. La Cour de cassation de France a eu à appliquer ces prinles-Albert en cipes en 1832 à l'occasion de l'affaire du Charles-Albert, navire marchand sarde qui s'était approché de Marseille ponr y débarquer la duchesse de Berry avec quelques-uns de ses partisans qui devaient l'aider à renverser le gouvernement établi et à allumer la guerre civile en France. Le Charles-Albert fut confisqué, et son équipage ainsi que les passagers trouvés à bord furent condamnés à la peine de l'emprisonnement.

Droit de refuge sur les pavires marchands.

§ 469. Ce sont les mêmes considérations d'intérêt et d'ordre public qui font partout refuser aux navires marchands étrangers le droit de servir de refuge aux personnes placées, comme criminels ou comme simples délinquants, sous l'action de la souveraineté territoriale. On conçoit qu'un bâtiment de guerre qui fait partie de la force publique d'un État indépendant, que sous certains rapports il représente partout où il déploie la flamme aux couleurs nationales, soit fictivement considéré comme une portion du territoire étranger auquel il appartient; aussi toutes les nations admettent-elles sans difficulté, sans restriction d'aucune sorte, le principe de l'exterritorialité au profit de la marine militaire, et renoncent-elles à son égard au droit de rechercher, de poursuivre et de réclamer les personnes qui, après avoir enfreint les lois civiles ou politiques du pays, sont parvenues à s'abriter sous un pavillon de guerre étranger; mais aucune des raisons de convenance ou d'égards internationaux. qui ont fait universellement sanctionner cette dérogation au droit commun en matière de juridiction, n'existe évidemment pour un navire de commerce, qui, pour tout ce qui ne touche pas à sa discipline intérieure, comme nous l'avons déjà démontré plus haut, ne jouit d'aucun privilège et reste absolument soumis aux lois de police et de sûreté de l'État dans les eaux duquel il est mouillé.

§ 470. Comme exemple de l'application de ce principe, nous rapporterons ici un fait de prétendue violation de pavillon survenu en Espagne à l'époque de la guerre civile qui suivit la mort de Ferdinand VII, fait qui a eu un assez grand retentissement. En 1840, le paquebot à vapeur français l'Océan, qui faisait des voyages réguliers entre Marseille, la côte d'Espagne et Gibraltar, reçut à son bord, au mouillage de Grao (Valence), M. Sotelo, ex-ministre espagnol, poursuivi pour cause politique. Ayant remis en mer sans qu'on se fùt immédiatement aperçu du nombre et de la personnalité des passagers qu'il avait embarqués, le navire se rendit à Alicante; mais là, au moment même de la visite de douane et de police, M. Sotelo fut reconnu, saisi, emmené à terre, puis emprisonné. Le capitaine de l'Océan protesta contre ce qu'il qualifiait de violation de pavillon et réclama vainement la mise en liberté de son passager, en invoquant à la fois le droit d'asile et le principe d'exterritorialité. Les communications diplomatiques échangées au sujet de cette affaire entre le gouvernement de France et celui d'Espagne établirent de la manière la plus péremptoire que la conduite des autorités d'Alicante était à l'abri de tout reproche; que nulle atteinte n'avait été portée au respect du pavillon, puisqu'il s'agissait d'un navire marchand ordinaire et d'une mesure de haute police exécutée dans l'intérieur du port; que M. Sotelo, embarqué subrepticement à Valence, port espagnol, avait pu régulièrement être saisi et arrêté à bord de l'Océan dans un autre port du même pays; enfin que la circonstance d'avoir navigué en pleine mer pendant un certain temps, avant d'atteindre, Alicante ne pouvait altérer la nature du fait délictueux accompli au point de départ et constaté au point d'arrivée sous l'empire des mêmes lois de la même législation territoriale.

§ 471. En résumé, en ce qui concerne les navires marchands, pour tous les crimes ou les délits commis par des marins, soit à terre ou à bord à l'égard d'étrangers, soit dans des conditions qui troublent. l'ordre public ou affectent les intérêts du pays dans les eaux duquel le navire est mouillé, ainsi que pour les affaires dans lesquelles les parties intéressées requièrent spontanément l'intervention, l'aide et l'appui de l'autorité locale, les agents de la force publique du pays ont le droit absolu de poursuivre le coupable, même à son bord, s'il est parvenu à s'y réfugier, sauf dans ce dernier cas, à se concerter avec le consul de la nation intéressée. Un navire marchand mouillé dans un port étranger ne jouit pas, en effet, du privilège d'asile assuré aux bâtiments de la marine militaire, en dehors, bien entendu, des exceptions stipulées conventionnellement.

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Exception générale aux

blis en ma

diction terri

toriale.

§ 472. Nous croyons à peine nécessaire de faire remarquer que principes éta l'ensemble des principes développés ici au sujet de la souveraineté tière de juri- juridictionnelle ne saurait recevoir d'application qu'entre nations chrétiennes. A l'égard des peuples musulmans et de ceux de l'extrême Orient on suit exclusivement les règles du droit conventionnel par lequel ils se sont liés avec les États de l'Occident. Quant aux régions barbares où la civilisation chrétienne n'exerce pas encore son action bienfaisante et où existent à peine quelques établissements européens ayant le caractère de comptoirs commerciaux, de marchés pour la troque, l'exercice de la juridiction n'a pas de base fixe et dépend de circonstances qui échappent plus ou moins à l'appréciation du droit international. Disons seulement que sur les côtes occidentales de l'Afrique, où elle entretient de nombreuses relations maritimes et possède plusieurs comptoirs, la France, dont l'Angleterre, l'Espagne et le Portugal ont suivi l'exemple, revendique et exerce de fait une juridiction directe, souveraine, dans le rayon que ses forces navales peuvent embrasser. Les tribunaux ont plusieurs fois sanctionné ce droit. Nous citerons entre autres un arrêt important de la Cour de cassation, rendu le 17 mai 1839 à propos d'un homicide commis à Cayor sur un Français cet arrêt non seulement reconnaît la compétence des tribunaux français pour connaître de pareils crimes; mais encore il proclame qu'aux termes d'une ordonnance royale de 1834, les conseils de guerre français sont aptes à juger même les crimes et les délits commis par les indigènes du Sénégal entre eux hors des limites de la colonie *.

Nous avons déjà fait connaître le caractère particulier des navires de guerre, et les immunités que ce caractère leur confère. Nous ferons observer ici, avec le commentateur de Wheaton, M. Dana, que les immunités dont jouissent les navires de guerre dépendent plutôt de leur caractère public que de leur caractère militaire. Elles

Wheaton, Elem., pte. 2, ch. II, §9; Massé, t. I, § 527; Phillimore, Com., vol. I, §§ 348 et seq.; Ortolan, Règles, t. I, liv. II, ch. XIII, pp. 269 et seq., ch. XIV, pp. 305 et seq.; De Clercq, Formulaire, t. II, p. 108; Riquelme, lib. I, tit. 2, cap. 11; Kent, Com., vol. I, § 156, note a; Wheaton, Hist., t. II, pp. 343 et seq.; Cussy, Phases, t. II, pp. 434 et seq.; Hautefeuille, Des Droits, t. I, pp. 290 et seq.; Fœlix, t. II, § 544, note b; Webster, Works, vol. VI, pp. 303-318; Lawrence, Élém. by Wheaton, note 70; Dana, Élém. by Wheaton, note 62; Hello, Revue de législation, t. XVII, p. 143; Halleck, ch. vII, § 26; Cushing, Opinions, vol. VIII, pp. 73 et seq.; Legare, Opinions, vol. IV, p. 98; Berrien, Opinions, vol. II, p. 378; Wirt, Opinions, vol. II, p. 86; Sirey, Recueil, t. XXXII, p. 578; Bluntschli, § 322 et seq.; Lawrence, Com., t. III, p. 349; Fiore, Diritto internazionale pubblico, vol. I, $539.

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