Images de page
PDF
ePub

: :

salutaire que la pensée en vienne de Dieu et non de la fièvre, de la raison et non de la nécessité, de l'autorité divine et non de la force. Donnez-vous à Dieu avec liberté, et non avec angoisse et inquiétude. Si la pénitence est un don de Dieu, célébrez ce mystère dans un temps de joie, et non dans un temps de tristesse. Puisque votre conversion doit réjouir les anges, c'est un fâcheux contre-temps de la commencer quand votre famille est éplorée. Si votre corps est une hostie qu'il faut immoler à Dieu, consacrez-lui une hostie vivante: si c'est un talent précieux qui doit profiter entre ses mains, mettez-le de bonne heure dans le négoce, et n'attendez pas pour le lui donner qu'il faille l'enfouir en terre. Après avoir été le jouet du temps, prenez garde que vous ne soyez le jouet de la pénitence; qu'elle ne fasse semblant de se donner à vous; que cependant elle ne vous joue par des sentimens contrefaits, et que vous ne sortiez de cette vie après avoir fait, non une pénitence chrétienne, mais une amende honorable qui ne vous délivrera pas du supplice. Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis (1): « Voilà le temps favorable, voici les jours de salut ». [ Evitez ] l'écueil [ où vous conduit ] l'impénitence; [cherchez] le port où la bonté de Dieu vous invite, où vous trouverez la miséricorde éternelle.

(1) II. Cor. VI. 2.

18

BOSSUET. XII.

SERMON

POUR

LE LUNDI DE LA I.RE SEMAINE

DE CARÊME.

SUR L'AUMÔNE.

Obligation, vertu de l'aumône : ses rapports avec ce qui se passe dans le jugement. Effets de la miséricorde divine dans l'œuvre de notre sanctification: vraie manière de l'honorer: sacrifice qu'elle exige. Juste sujet de damnation dans la dureté de cœur pour les misérables (*).

Quamdiù non fecistis uni de minoribus his, nec mihi fe

cistis.

Quand vous n'avez pas secouru les moindres personnes qui souffroient, c'est à moi que vous avez refusé ce secours. Matt. xxv. 45.

QUAND le Fils de Dieu s'est fait homme, quand il s'est revêtu de nos foiblesses, et « qu'il a passé, >> come dit l'apôtre (1), par toutes sortes d'épreuves, » à l'exception du péché »; il est entré avec nous

(*) Nous n'avons de ce sermon que le premier point. Il paroît que l'auteur n'a pas composé les autres parties, s'étant contenté de renvoyer dans son manuscrit à d'autres sermons relatifs à la même matière (Edit. de Déforis.)

(1) Hebr. v. 15.

dans des liaisons si étroites, et il a pris pour tous les mortels des sentimens si tendres et si paternels, que

nos infirmités

ses

nos maux sont ses maux, infirmités, nos douleurs enfin ses douleurs propres. C'est ce que l'apôtre saint Paul a exprimé en ces paroles, dans la divine Epître aux Hébreux : «Nous n'avons » pas un pontife qui soit insensible à nos maux, » ayant lui-même passé par toutes sortes d'épreuves, » à l'exception du péché, à cause de sa ressemblance » avec nous (1) ». Et ailleurs, dans la même épître : « Il a voulu, dit l'apôtre (2), être en tout semblable » à ses frères, pour être pontife compatissant »: Ut misericors fieret et fidelis pontifex apud Deum. Cela veut dire, Messieurs, qu'il ne nous plaint pas seulement comme ceux qui sont dans le port plaignent les autres, qu'ils voient sur la mer agités d'une furieuse tempête; mais qu'il nous plaint, si je l'ose dire, comme ses compagnons de fortune, comme ayant eu à souffrir les mêmes misères que nous, ayant eu aussi bien que nous une chair sensible aux douleurs, et un sang capable de s'altérer, et une température de corps sujette comme la nôtre à toutes les incommodités de la vie et à la nécessité de la mort. Il a eu faim sur la terre; et il nous proteste, dans notre Evangile, qu'il a faim encore dans tous les nécessiteux : il a été lié cruellement ; et il se sent encore lié dans tous les captifs : il a souffert et il a langui; et vous voyez qu'il déclare qu'il souffre et qu'il languit encore dans tous les infirmes. De sorte, dit Salvien, que chacun n'endure que ses propres (1) Hebr. 1v. 15. — (2) Ibid. 11. 17.

maux : il n'y a que Jésus-Christ seul, qui s'étant fait le père de tous, le frère de tous, l'ami tendre et cordial, et pour dire tout en un mot, le Sauveur de tous, souffre aussi dans tous les affligés, et mendie généralement dans tous les pauvres : Solus tantummodo Christus est, qui in omnium pauperum universitate mendicet (1).

Il ne se contente pas, chrétiens, d'être tendre et compatissant pour les misérables, il veut que nous entrions dans ses sentimens, et que nous prenions aussi ce cœur de Sauveur pour nos frères affligés. C'est pourquoi nous ne lisons rien, dans son Ecriture, qu'il nous recommande avec tant de force que la charité et l'aumône; et nous ne pouvons nous mieux acquitter du ministère qu'il nous a commis, d'annoncer ses divins oracles, qu'en excitant ses fidèles à la compassion, par toute l'efficace de son SaintEsprit, et par toute l'autorité de sa parole.

C'est pourquoi je me suis proposé, Messieurs, de vous entretenir aujourd'hui de cette matière importante; et ayant pesé attentivement tant ce que nous en lisons dans notre Evangile, que ce qu'il a plu à Dieu de nous en révéler dans les autres parties de son Ecriture, j'ai réduit tout ce grand sujet à trois chefs. Nous avons à considérer dans l'aumône, la loi de la charité qui nous oblige à la faire; l'esprit de la charité qui nous en prescrit la manière; l'effet, la fin de la charité, qui est le secours actuel du pauvre. Il faut connoître l'obligation, il en faut savoir la manière, il en faut venir à l'effet. J'ai donc advers. Avarit. pag. 304.

(1) Salv. lib. x

IV,

dessein de vous exposer dans quel ordre le Fils de Dieu a pourvu à toutes ces choses; et vous verrez, chrétiens, que de peur qu'on ne s'imagine que cet office de charité soit peu nécessaire, il en a fait une obligation; que de peur qu'on ne s'en acquitte avec des sentimens opposés aux siens, il en a réglé la manière; et que de peur qu'on ne s'en excuse sur le manquement des moyens, il a lui-même assigné un fonds.

PREMIER POINT.

L'OBLIGATION d'assister les pauvres est marquée si précisément dans notre Evangile, qu'il n'en faut point après cela rechercher de preuves; et tout le monde entend assez que le refus de faire l'aumône est un crime capital, puisqu'il est puni du dernier supplice. << Allez, maudits, au feu éternel; parce » que j'ai eu faim dans les pauvres, et vous ne » m'avez point donné à manger; j'ai eu soif, et » vous m'avez refusé à boire (1) » et le reste que vous savez. C'est donc une chose claire, et qui n'a pas de difficulté, que le refus de l'aumône est une cause de damnation. Mais on pourroit demander d'où vient que le Fils de Dieu, dissimulant, pour ainsi dire, tous les autres crimes des hommes dans son dernier jugement, ne rapporte que celui-ci pour motiver sa sentence. Est-ce qu'il ne couronne ou qu'il ne punit que l'aumône qu'on lui accorde ou qu'on lui dénie? et s'il y a, comme il est certain, d'autres œuvres qui nous damnent et qui nous sau

(1) Mail. xxv.
.41, 42.

« PrécédentContinuer »